Les clients d'un hôtel isolé de montagne se retrouvent bloqués par les intempéries. Personne ne semble prendre la situation avec gravité jusqu'à ce qu'un homme ne fasse irruption un soir dans les lieux. Personnage étrange, il semble poursuivi et porte, comme seul bagage, un petit paquet… Il finira par raconter sa terrible histoire à l'assemblée !
Adaptation de la nouvelle La Main Enchantée de Gérard de Nerval, LA MAIN DU DIABLE prend de grosses libertés avec l'œuvre littéraire originale. Tellement qu'au final, le film semble plutôt être le croisement entre Faust et Les Mains d'Orlac. De l'histoire de Maurice Renard, on retient donc un artiste, ici un peintre, dont une substitution de main va changer radicalement la vie. Toutefois, la main en question ne lui apporte pas directement le malheur. A l'instar de Faust, le héros de LA MAIN DU DIABLE entre surtout en commerce avec le diable qui lui promet talent et gloire en échange de son âme. Le personnage maléfique est représenté ici comme un petit bonhomme d'allure débonnaire qui n'hésite pas à jouer avec les travers de ses victimes. Même lorsque le héros a la possibilité de racheter son âme, le diable lui fait une offre anodine qui se révèle assez infernale. Un piège dans lequel l'artiste peintre va, bien évidemment, tomber. LA MAIN DU DIABLE expose son histoire avec une certaine sobriété bien que des passages oniriques ou étranges viennent appuyer l'élément fantastique. Pour autant, l'épilogue du métrage n'entérine pas complètement la thèse du surnaturel. En cela, il est intéressant de constater que Maurice Tourneur, le réalisateur, est le père de Jacques Tourneur. Ce dernier va, à la même période, enchaîner plusieurs films pour la RKO, sous la houlette de Val Lewton, dans lesquels l'élément «Fantastique» se montre plutôt ambigu. On pense bien évidemment à LA FELINE, VAUDOU ou encore L'HOMME LEOPARD. L'utilisation d'éclairages ou de décors expressionnistes rapproche d'autant LA MAIN DU DIABLE des films précédemment cités.
Néanmoins, il faut rappeler que lors de la création de ces films, les deux cinéastes parents sont séparés par la Seconde Guerre Mondiale. Jacques Tourneur est resté aux Etats-Unis alors que Maurice Tourneur est, à ce moment là, en France depuis son retour d'Hollywood quelques années auparavant. Le tournage de LA MAIN DU DIABLE se fait donc dans le contexte de la France occupée par les troupes allemandes. Plus surprenant, le métrage est produit par une société de production financée par l'Allemagne en vue de produire des métrages ne portant aucun message pernicieux contre l'occupant voire de propagande (ce qui ne sera pas vraiment le cas). La maison de production Continental Films produira d'ailleurs d'autres perles du cinéma français comme LE CORBEAU, LES INCONNUS DANS LA MAISON ou L'ASSASSIN HABITE AU 21. Rétrospectivement, LA MAIN DU DIABLE ne laisse pas vraiment transparaître les conditions historiques particulières de son tournage. Certains éléments semblent même prendre un sens plus général comme la manière dont le film critique l'univers artistique : les gens se déplacent aux vernissages plus pour les petits fours que les toiles exposées. Cette critique du milieu des artistes et des commerçants, dans la première partie du film, s'avère assez croustillante. Le héros n'hésitant pas rétrospectivement à faire sa propre critique de peintres se donnant un genre négligé. Alors que son sujet est finalement assez grave, LA MAIN DU DIABLE adopte donc au départ un ton plutôt léger et amusant avant de sombrer petit à petit dans la tragédie, suivant au passage le déclin psychologique de son héros découvrant les véritables facettes de ceux qui l'entourent.
Comme déjà dit, la mise en images de LA MAIN DU DIABLE se montre très soignée et fait usage d'éclairages sophistiqués ou de jeux d'ombres qui évoquent le cinéma expressionniste. De même, le film se pare de quelques fantaisies comme de petites animations sur des chiffres venant appuyer les propos d'un comptable satanique, ou encore un excellent flashback onirique, expliquant le parcours de la fameuse main, se plaçant lui-même dans une narration a posteriori. Si la réalisation du film distille déjà une véritable ambiance, LA MAIN DU DIABLE se pare aussi d'une distribution de têtes connues comme Noël Roquevert, Antoine Balpêtré ou encore Georges Chamarat venus épauler Pierre Fresnay, héros torturé de cette étrange histoire. Bien sûr, après plus de soixante ans, LA MAIN DU DIABLE se montre forcément daté mais il n'en reste pas moins une belle réussite du Cinéma Fantastique français au même titre que LES YEUX SANS VISAGE ou encore LA BELLE ET LA BETE.
Resté curieusement inédit en DVD jusqu'ici, LA MAIN DU DIABLE profite des restaurations en haute définition pour se refaire une beauté et préparer sa première sortie. L'édition DVD affiche donc le film dans son format plein cadre en respectant le noir et blanc d'origine. Même si le métrage a connu un transfert en haute définition et un travail de restauration avant d'être retranscrit sur DVD, on notera une luminosité fluctuante, assez commune sur les films anciens. Pour le reste, le boulot est de très bonne facture et on retrouve LA MAIN DU DIABLE avec une excellente image. Le son en mono se montre peut être un poil agressif mais l'ensemble ne présente pas de véritable défaut. Autant dire que la retranscription audio et vidéo est donc bien à la hauteur de ce que l'on est en droit d'attendre d'un DVD en 2010.
Pour les suppléments, Gaumont a produit un documentaire d'environ trois quart d'heure intitulé «La Continental, le cinéma français dans la main du diable ?». Réunissant plusieurs intervenant, aucun d'entre eux n'ayant participé à la création du film, une bonne moitié va surtout s'intéresser au cas de la maison de production Continental Films et donc au contexte historique dans lequel LA MAIN DU DIABLE sera tourné. L'autre moitié du documentaire se focalisera un peu plus sur le film de Maurice Tourneur mais le résultat sera bien moins satisfaisant. Car si l'on évoque les soucis de production comme la participation à la mise en scène de l'assistant réalisateur, on ne rentre jamais vraiment dans les détails en préférant plutôt louer les qualités artistiques du métrage.