Pour sa dernière journée de travail avant de déménager vers la grande ville, le shérif de Middletown ne va pas être au bout de ses peines. Dès le début de la journée, des morts suspectes et incidents étranges s'accumulent. La petite ville et la campagne environnante sont en fait la proie d'une nuée de corbeaux aussi agressifs que vicieux…
Le Canadien Sheldon Wilson avait créé l'événement avec son second long métrage. Doté d'un budget microscopique, L'ECORCHE exposait deux qualités du cinéaste. Premièrement, Sheldon Wilson était à l'évidence à même de faire des miracles avec peu d'argent. Ensuite, il imposait un univers et une ambiance assez particulière. Pour son film suivant, il change de genre mais conserve justement l'atmosphère qui régnait sur L'ECORCHE. D'ailleurs, en dehors de leur thème central totalement différent, les deux films ont des points communs évidents. Loin de la ville, KAW prend place, comme L'ECORCHE, dans un lieu éloigné de tout. Ici, il s'agit d'une petite bourgade rurale qui compte un nombre limité d'habitants. Une petite ville que le personnage principal de KAW, une nouvelle fois un policier, est sur le point de quitter tout comme le shérif local de L'ECORCHE. En plus du lieu et de ce personnage, KAW reprend certaines caractéristiques du film précédent de Sheldon Wilson : les secrets de certains habitants prennent une forme meurtrière, l'ambiance revêt souvent un côté plutôt poisseux… On pourrait même tirer sur la corde en évoquant la présence dans les deux films de séquences à l'intérieur d'un bus scolaire. Au moins, ce nouveau métrage a le mérite de proposer une suite cohérente dans la carrière de Sheldon Wilson. Pourtant, le plus surprenant, c'est que le scénario n'est pas signé du réalisateur mais d'un certain Benjamin Sztajnkrycer qui n'aurait signé jusque là que les scripts de ses propres courts-métrages. Toutefois, il y a peut être une explication. En effet, si l'on en croit l'acteur Rod Taylor, le processus d'écriture fut ouvert. Le scénariste ayant prêté l'oreille aux suggestions de l'acteur et donc très probablement à d'autres membres de l'équipe (et donc le réalisateur). N'oublions pas non plus que les scénarios, particulièrement dans les films à petits ou moyens budgets, ont souvent l'obligation de se plier à diverses contraintes.
Il est possible de résumer assez facilement KAW. Le film s'inscrit dans la lignée des hordes d'animaux tueurs du cinéma. Véritable sous-genre qui s'inscrit fréquemment au sein d'un discours écologique, KAW met donc, lui aussi, en accusation l'humanité qui s'avère, au final, la source du problème. Mais KAW se révéle tout de même assez malin puisqu'il évite la figure la plus souvent imposée avec des scientifiques déviants ou des expériences qui tournent mal. Le scénario réserve donc quelques intéressantes surprises en restant dans le contexte réaliste de sa communauté campagnarde. En ce qui concerne les volatiles, KAW sort plutôt de l'ordinaire si l'on en juge par la très faible filmographie dans le domaine. Hormis des attaques isolées, l'oiseau servant d'armes (LES VIKINGS...) ou bien le volatile prend l'homme pour un vermisseau (SOUDAIN LES MONSTRES, L'ILE MYSTERIEUSE...) sans oublier les piques assiette picorant les cadavres (EXCALIBUR...), les hordes de bestioles à plumes semant la terreur sont très rares. Le mètre étalon en la matière reste LES OISEAUX d'Alfred Hitchcock qui connaîtra une assez moyenne suite télévisée une trentaine d'années plus tard avec LES OISEAUX 2. Entre les deux, il va falloir drôlement creuser dans l'espoir de découvrir un nid d'oiseaux en colère. Ecartons tout de suite, l'Italien KILLING BIRDS que les distributeurs français ont eu l'intelligence de renommer L'ATTAQUE DES MORTS-VIVANTS. On y découvre bien quelques bestioles mais l'action ne se focalise pas vraiment sur ce sujet. Plus intéressant, le Mexicain EL ATAQUE DE LOS PAJAROS ne trompe pas le spectateur. René Cardona Jr. se complaît même dans le sensationnel sanglant là où les autres films du genre restent assez sobres. Le tour d'horizon est donc franchement restreint et on notera encore un téléfilm allemand, DIE KRAHEN, devançant KAW de seulement quelques mois avec, aussi, des attaques de corbeaux.
La concurrence n'est donc pas rude pour le film de Sheldon Wilson et KAW se place très facilement dans le haut du panier (ce qui n'était de toutes façons pas si dure que cela). Pour donner corps à ses sombres oiseaux, le film va mixer des images de véritables corbeaux avec des effets en image de synthèse. Pour l'occasion, la production va ainsi faire venir d'Europe de l'Est une dizaine de véritables corbeaux ainsi que leurs dresseurs jusqu'au Canada, lieu de tournage du film. Le numérique prendra le relais pour multiplier les oiseaux à l'écran ou réaliser des séquences impossibles à mettre en boîte avec des corbeaux même très disciplinés. Le résultat final s'avère probant dans l'ensemble même si l'on pourra noter quelques plans peu naturels trahissant leurs origines digitales et ce particulièrement lors des passages où de nombreux oiseaux doivent évoluer en même temps à l'écran. Sans aide des images de synthèse, les acteurs humains font un boulot plutôt honnête. Le jeune Indiana Jones adulte de la série télévisée a pris de la bouteille et l'acteur Sean Patrick Flanery s'avère plutôt crédible dans le rôle d'un shérif. Stephen McHattie en impose dès sa première scène et, surtout, KAW donne un rôle à Rod Taylor, interprète principal des OISEAUX d'Alfred Hitchcock. Le poids des ans l'ont rendu difficile à reconnaître mais l'acteur assure, lui aussi, correctement son rôle de médecin de campagne.
Avec sa mise en boîte très professionnelle, KAW atteint son but sans mal. Bien sûr, on pourra lui reprocher un côté un peu répétitif à mi-parcours. Toutefois, si le métrage de Sheldon Wilson réussi à livrer un film d'animaux tueurs très classiques (l'épilogue fait très années 80) tout en lui donnant une touche vraiment personnelle.
Free Dolphin propose KAW avec un transfert 16/9. Bien détaillée, l'image offre des couleurs et un contraste très satisfaisants. Il y a bien quelques plans sombres où du grain se fait plus visible mais pas de quoi casser trois pattes à un corbeau. Rien à redire, le boulot a été bien fait, l'image ne présente que peu de défauts numériques et il faudra donc être extrêmement pointilleux pour être déçu.
Le DVD vous donne le choix entre deux pistes sonores. Que ce soit la version originale anglaise sous-titrée ou le doublage français, les pistes audio sont sur un même pied d'égalité puisqu'elles sont présentées toutes les deux en Dolby Digital 5.1. Bizarrement, elles s'avèrent d'un niveau assez faible et il faudra donc monter le volume au-dessus de la normale pour retrouver une écoute normale. Pour une fois, la piste française est un peu plus spectaculaire par rapport à une version originale moins démonstrative. Néanmoins, l'intégration des voix est largement plus artificielle sur le doublage français avec un net centrage des dialogues. De plus, certains des doubleurs pour les seconds rôles offrent des prestations moins authentiques que celles des acteurs originaux.
Le Making Of ne devient véritablement intéressant que lorsqu'il s'intéresse plus particulièrement à la technique et aux corbeaux. En un peu moins de trente minutes, ce petit documentaire réussi tout de même à passer en revue la plupart des aspects techniques du film (effets spéciaux numériques, effets pyrotechniques…) tout en dévoilant quelques secrets de tournage. Un peu à l'écart du film, même si KAW sera évoqué, Sheldon Wilson en a profité pour enregistrer une longue interview où il interroge Rod Taylor. L'acteur revient sur sa longue carrière de son passage de l'Australie à Hollywood jusqu'aux OISEAUX d'Alfred Hitchcock en passant par LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS sans oublier de donner de nombreuses anecdotes. Les vingt minutes de souvenirs de l'acteurs se regardent sans ennui, bien au contraire ! Le dernier supplément permet, quant à lui, de découvrir la bande-annonce du film.