Nebbercracker est un vieil homme aigri passant sa rage sur les enfants qui osent piétiner sa pelouse ou s'approcher de trop près de sa maison. D.J. et Chamallow sont deux mômes du quartier qui subissent quotidiennement les humeurs de Nebbercracker jusqu'au jour où, dans un accès de fureur, ce dernier est victime d'une crise cardiaque salvatrice. Enfin pas tout à fait. Car depuis la disparition du vieil homme, la maison de celui-ci semble possédée et bien décidée à prendre la relève. La demeure prend vie et commence à faire des victimes. D.J., Chamallow et Jenny doivent alors prendre les choses en main car la fête de Halloween approche et nombreux sont les enfants qui vont s'aventurer près de la maudite habitation…
Fort du succès du POLE EXPRESS en 2004, Robert Zemeckis décide de passer sa casquette de réalisateur au jeune Gil Kenan pour un nouveau long métrage d'animation utilisant la technique de la Motion Capture. Ce sera MONSTER HOUSE et cela sortira sur les écrans en 2006. Zemeckis devient alors producteur exécutif aux cotés de son complice (plus d'une dizaine de collaborations) Steven Spielberg et ce via leurs sociétés respectives ImageMovers et Amblin Entertainment.
Le concept de la Motion Capture est un procédé largement utilisé, et ce depuis de nombreuses années, dans le monde du jeu vidéo. L'idée est d'enregistrer, via des capteurs de positions, les mouvements ou même expressions faciales d'un individu ou d'un animal afin de pouvoir les reproduire à l'écran, grâce à un double numérique. Pour LE POLE EXPRESS, cette technologie avait permis de créer notamment un Tom Hanks virtuel, physiquement retouché pour l'occasion. Le résultat, en plus d'être étonnant, fonctionnait plutôt bien, notamment en ce qui concerne les visages et les émotions associées.
Pour MONSTER HOUSE, Gil Kenan reprend donc ce procédé en y apportant quelques nouveautés. C'est ainsi que les modèles numériques du métrage arborent un design bien plus proche du «cartoon» que dans le film de Zemeckis. Les proportions ne sont plus humaines (têtes énormes, yeux immenses, membres filiformes etc.), les peaux sont lisses et les vêtements particulièrement figés. Un parti pris surprenant pour un résultat dans lequel la Motion Capture semble presque ne devenir qu'un concept assez lointain et, pour tout dire, plutôt inutile… Bien qu'il soit évident qu'un film ne peut être critiqué pour son seul aspect technique, poursuivons pour constater que MONSTER HOUSE s'avère globalement plutôt décevant sur ce plan. SHREK 2 ou FINAL FANTASY par exemple, tous deux antérieurs au film de Gil Kenan, proposaient un aspect bien plus fouillé et abouti. Les animations mêmes semblaient plus fluides et réalistes (un comble !). Enfin, ces films apportaient un grand soin aux «détails» comme les yeux ou les cheveux. Sur ce plan, MONSTER HOUSE se révèle assez catastrophique avec des regards peu convaincants et surtout, des chevelures figées à la manière d'un Playmobil !
Si MONSTER HOUSE peine donc techniquement avec ses personnages humains, il n'en est rien avec les autres éléments. Décors, objets et végétations sont à ce titre particulièrement réussis et bénéficient d'une technique d'éclairage et de réflexion des couleurs réellement au point. Point d'orgue de cette réussite : La maison. Tout simplement magnifique, animée avec un talent indéniable et une véritable inventivité, celle-ci méritait bien qu'on lui consacre un film. Son aspect organique convainc, sa façade étonne autant qu'elle effraie et ses entrailles labyrinthiques sont une réussite notable.
MONSTER HOUSE reprend donc le concept a priori éculé de la maison hantée pour nous livrer une œuvre ouvertement dédiée aux plus jeunes. Plus horrifique que comique, les différents thèmes abordés durant le métrage ne sont pas sans rappeler ceux si chers à l'écrivain Stephen King. Nous retrouverons ainsi le père distant avec son fils, les enfants se heurtant à leurs peurs (vieux monsieur, lieux possédés, etc.) mais aussi à l'incompréhension des adultes. La maison, réellement « vivante » dans le métrage, semble elle aussi issue de l'univers de l'écrivain qui avait sans complexe donné vie à différents objets tels que des camions, voitures, soldats de plomb, presse, jouets, etc. Le ballon de basket (de la marque Wilson avec un visage dessiné…) enfin se fait ici l'écho (l'usage est le même) des ballons colorés utilisés par la créature de «Ca» pour attirer le jeune George entre les griffes du démon… MONSTER HOUSE se nourrit donc de ce qui se fait de mieux en terme de craintes infantiles en piochant directement dans le registre de l'un des Maîtres de l'épouvante. Le résultat à l'écran est du reste plutôt convaincant. Si le film n'ira que «titiller» le souvenir des craintes passées chez l'adulte, nul doute qu'il tapera dans le mille avec un public plus jeune et plus concerné. Nous sommes donc bien là en présence d'un véritable film horrifique pour enfant, une aventure sombre et torturée au scénario plutôt bien ficelé.
Car en effet, les scénaristes Dan Harmon et Rob Schrab soignent leur histoire. Si celle-ci démarre de manière plutôt classique, force est de constater qu'elle prend vite une tournure tragique, appréciable et fort bien vue. Les apparences sont parfois trompeuses et c'est là ce que nous démontrera le métrage non sans une certaine émotion… Cependant, avant cela, il nous faudra patienter trois bons quarts d'heure. Le film peine en effet grandement à démarrer et, même si la volonté de planter le décor est louable, elle s'avère parfois très laborieuse. La première moitié du métrage pourra par conséquent nous sembler bien longue et aura même tendance à virer au pénible. Certaines scènes semblent inutiles et l'humour, plutôt rare, tombe assez régulièrement à plat (les deux flics). Nous noterons par ailleurs que parmi les rôles secondaires, certains se révèlent parfaitement superflus. Nous pensons notamment au personnage du livreur de pizzas, ajouté sur le tard pour remplacer dans le film un grimoire contenant de précieuses informations. L'individu délivre donc effectivement quelques maigres idées mais rien qui puisse réellement justifier son apparition, plate et ennuyeuse…
MONSTER HOUSE prendra donc véritablement son envol durant sa seconde moitié, plus nerveuse, voyant les enfants entrer dans la demeure maudite … La technique s'associe alors à un rythme soutenu pour nous délivrer enfin ce que nous étions en droit d'attendre : Une expédition passionnante au cœur d'une maison hantée. Pas de fausse note, le spectacle réjouit et le ton s'assombrit, peut être même un peu trop pour le public désigné comme «cible»… Reste que le film se clôt sur une seconde partie de qualité qui peine toutefois à contrebalancer les maladresses du début. Une «Happy End» plutôt malvenue s'immiscera par ailleurs durant le générique final, affichant encore une fois clairement l'orientation résolument jeune du métrage au détriment d'un public plus large…
L'édition double DVD disponible en Zone 2 permettra aujourd'hui à tous de se faire une idée. L'image nous est proposée au ratio 2.35 d'origine encodée en 16/9ème. Etrangement, malgré le format numérique natif du métrage, le transfert n'est pas exempt de défaut et se montre même très perfectible en terme de compression. Ainsi, alors que les productions Pixar continuent de nous éblouir en DVD, certains éditeurs (comme DreamWorks avec FOURMIZ ou SHREK) déçoivent et bâclent un travail qui semblait pourtant relativement simple… MONSTER HOUSE ne propose donc pas la qualité que nous étions en droit d'attendre. Les couleurs et contrastes, irréprochables, ne sont pas en cause mais l'ensemble souffre d'une pixellisation et d'un fourmillement visibles. S'il ne s'agit pas là de défauts «pénalisants», force est de reconnaître qu'ils s'avèrent très regrettables… Les pistes sonores, au nombre de trois, sont pour leur part d'excellente qualité. Que vous optiez pour les encodages Dolby Digital 5.1 (anglais ou français) ou DTS (français seulement), vous serez aux anges avec une ambiance enveloppante apportant un réel «plus» à l'atmosphère générale du métrage.
En plus du film, le premier disque propose un commentaire audio du réalisateur écoutable en version originale anglaise sous-titrée français. L'éloge aux acteurs est assez souvent pesant et n'apporte malheureusement pas grand-chose (cinq minutes pour nous dire que Steve Buscemi est génial…). Fort heureusement, l'homme se rattrapera quelque peu en nous offrant de rapides anecdotes et informations techniques… L'ensemble est toutefois très dispensable et le féru de technologie préfèrera engager le second disque de cette édition collector pour découvrir les coulisses du procédé de Motion Capture.
Attaquons tout d'abord le Making-Of nommé ici «Les secrets de Monster House». Divisé en sept portions distinctes (visibles séparément ou d'un seul trait), ce documentaire pertinent nous invite à découvrir les différentes étapes de la création du film. La première partie s'intéresse donc aux dessins préparatoires, à la modélisation des personnages puis à leur numérisation tridimensionnelle. Viennent ensuite trois chapitres détaillant le concept de la capture de mouvement avec bien entendu des acteurs bardés d'indicateurs de position. Le documentaire aborde ensuite le passage au format numérique, les objets réalisés en structure «fil de fer», ainsi que les décors particulièrement sommaires dans lesquels évoluent les acteurs. Le dernier chapitre s'intéresse enfin rapidement à l'ambiance et au mixage sonore du métrage… Un documentaire qui, quoiqu'un peu court (moins de 25 minutes), a le mérite de faire le tour de la question en apportant un maximum d'éléments techniques, le tout sans ennuyer.
Second bonus proposé : «Le décorticage d'une séquence». Il s'agit là de la séquence d'introduction du film, durant laquelle une fillette fait du tricycle en sifflotant l'air de HISTOIRES FANTASTIQUES (la série initiée par Steven Spielberg) avant d'être interrompue par Nebbercracker. La scène est visible à cinq étapes du processus de création : Storyboard animé, motion capture, copie numérique grossière, copie numérique travaillée et copie numérique finalisée. S'il est possible de voir ces cinq étapes à la suite, il est à noter que l'on peut aussi passer de l'une à l'autre via les options « multi-angle ». Intéressant même s'il aurait été bienvenu de proposer la même chose sur d'autres séquences… Le second disque propose par ailleurs une série d'images qu'il sera possible de faire défiler via les touches de direction. Tout d'abord, les dessins préparatoires, tout simplement magnifiques mais, attention, révélatrice du contenu et de la fin du film. Viennent ensuite les croquis des personnages puis leurs modèles sculptés… La troisième galerie s'intéresse pour sa part aux lieux et décors du film, présentés ici dans leur version 3D. A cela s'ajoute les bandes annonces de l'éditeur, au nombre de cinq et visibles en version originale sous-titrée…
MONSTER HOUSE n'est donc pas la comédie fantastique que laissait pressentir la bande-annonce mais bien un véritable film horrifique pour enfants. L'ambiance prend son temps pour s'installer, le rythme est souvent très inégal et l'humour ne fait pas toujours mouche mais la seconde partie se révèle des plus réjouissantes. Gil Kenan nous livre un métrage qui, pour une première réalisation, n'a rien de déshonorant et saura sans aucun doute combler les plus jeunes des spectateurs…