Dans la vraie vie, j'aime faire du VTT. Traverser des paysages verdoyants, par monts (par mon quoi ?) et par vaux, foncer dans la campagne. En rentrant, parce que l'effort fait suer comme une bête, prendre une bonne douche, c'est ce qu'il existe de mieux. Troy, lui, n'est pas dans la vraie vie. Il joue le rôle d'un cycliste dans BEASTLY BOYZ. Et quand il rentre de randonnée en VTT, il se met en caleçon et s'allonge sur son lit, sans se laver, le sale. Troy ne se lave pas. Troy ne sue pas. Troy est parfait. C'est beau, un film.
Tourné en Super 16mm pendant sept jours, BEASTLY BOYZ témoigne de la prise d'une nouvelle direction artistique prise par David DeCoteau. Tournage en décor naturels, matériel léger réduit au minima, comme pour le budget, les dialogues –il n'y en a pratiquement aucun-, les fringues des acteurs et le scénario. Souhaitant expérimenter et adapter les demandes des nombreux fans qui visitent le site Internet de sa société (Rapid Heart Pictures), DeCoteau a ainsi changé son fusil d'épaule. A savoir, mettre l'emphase sur plus de nudité, plus de violence et aller au cœur du sujet sans détour. Que les spectateurs espérant qu'il revienne à ses bimbos dénudées du début de sa carrière remontent leur pantalon, il n'y a que des «himbos» à espérer sur BEASTLY BOYZ. En fait… il n'y a que ça.
L'approche est expérimentale pour sûre, comme il l'indique dans son commentaire audio. Le scénario est réduit à sa plus simple expression : un vague synopsis en crise d'anémie qui relève de l'excuse cinématographique. Un jeune homme venge la mort de sa sœur. Elle lui communique lors de séances de spiritisme le nom de ses agresseurs qu'il tuera l'un après l'autre. Et sur cet argument basique, ses aspirations (et celles de ses fans) prennent le fan sur l'exercice filmique qui consiste à suivre les corps de ses acteurs.
On assiste un peu médusé à un entraînement gymnique qui dure huit minutes(les gymnopédies d'Erik Satie ne sont pas loin), un semblant de tai chi… en fait, on s'en contrecarre totalement, le but ultime étant de faire profiter au spectateur la plastique impeccable de ses acteurs. Le héros, Sebastian Gacki, est également le héros de BROTHEROOD IV : THE COMPLEX, largement plus réussi que cette bande à destination quasi exclusive du public gay ou gay-friendly. Gacki est un gars qui fait tout ce qu'il peut mais qui n'y peut rien : ses roulements d'yeux, ses déshabillages successifs et son obsession de laisser courir la lame de son couteau sur le corps des assaillants de sa sœur ne changent en rien la donne. On s'ennuie ferme.
Les Boyz en question ne sombrent pas vraiment dans la bestialité non plus. Le «plus de nudité» s'avère une gageure, à savoir que lorsqu'on parle de nudité, il faudrait qu'on parle le même langage. Oui, les jeunes hommes en boxer moulant sont largement plus à l'écran que dans ses autres films. Mais non, ils ne sont pas nus. En fait, DeCoteau indique clairement là aussi dans son commentaire qu'il trouve beaucoup plus sexy de ne rien dévoiler de facto à la caméra. Le film tomberait alors dans le créneau du film érotique softcore, ce que BEASTLY BOYZ ne souhaite pas être. Il est ainsi aisé de voir que DeCoteau ne filme que ses propres fantasmes, au détriment de son audience. Quoique, finalement, vu que le DVD a été tiré uniquement à 5.000 exemplaires… tous signés de la main du maître et avec une ribambelle de sous-titres tous effectués par les amis de DeCoteau à travers le monde… on se dit que l'opération, certes délicate d'être rentable, ne sera peut être pas si difficile que cela ?
Plus de violence ? Ce qu'on peut être bête, parfois. Elle n'est présente que dans la titillation ou à la rigueur dans la première scène où le sang gicle partout. Pas de plaie, pas de gorge tranchée, juste un geyser de sang dans une douche. Bien maigre, comme bestialité. Le tout se veut provocant, mais rien de viscéral ne se déclenche. L'attente du meurtre ne devient en aucun cas synonyme de peur ou d'effroi. Et la sensation d'isolement que DeCoteau souhaite donner à ses personnages dans cet univers boisé loin de tout ne fonctionne que de manière épisodique.
Au-delà de cet exercice, au-delà de la notion de cinéma se trouve la question : pour qui DeCoteau filme-t-il tout cela ? Il précise s'être autofinancé, faute de n'avoir pu trouver de fonds nécessaires pour filmer ce BEATSLY BOYZ, les financiers éventuels étaient effrayés par la nature trop explicite du projet. Pour cause de vide intersidéral de l'ensemble ? La scène de séduction dans BROTHEROOD IV : THE COMPLEX étant autrement plus troublante que ces interminables séquences de couteau qui se ballade sur des abdos certes irréprochables. Et jamais l'analogie "couteau = pénis" ne se sera faite aussi évidente que pendant l'attente du meurtre. La lame parcours l'échine dorsale des victimes potentielles, jusqu'à la base du postérieur, descend un chouia plus bas pour remonter jusqu'à la base du cou… pas moins de sept fois, le tout en plan séquence sous les yeux hallucinés de Sebastian Gacki et du spectateur qui se demande quant est-ce que tout cela va s'achever. Et rebelote sur un autre assaillant ligoté –une tentative de bondage ratée- à une poutre en hauteur, idem pour un autre sous la douche… le côté répétitif de l'entreprise prend le pas sur le reste. Et aucun dispositif filmique n'arrange cette déraison scénaristique.
A propos de douche, David a tout de même compris que prendre une douche en sous-vêtement comme dans BROTHERHOOD 3, c'est totalement ridicule. La scène se fait donc ici à poil, mais avec la caméra s'arrêtant juste quant il faut. Ce qui résume ce BEATLY BOYZ, à savoir une combinaison d'énervement et de frustration. Enervement car la mise en image naturelle, sans fioriture, peut sembler une nouveauté pour qui connaît les effets de lumières, orages, éclats et autres filtres élégants que le père DeCoteau utilise comme de fabrique. Mais la vacuité de ce qui est filmé laisse perplexe. Et la frustration de voir qu'il ne s'agit qu'un étalage de mise à mort qui ne laisse transpirer qu'un érotisme certes sûr, mais dépassé, et d'où ne s'échappe aucune violence…
Le DVD est ici présenté dans sa version Director's Cut et en format original 1.85. Le télécinéma a été effectué directement en haute Définition depuis le négatif original, aucune copie n'ayant été tirée. On peut remarquer une sensation de voile légèrement grisé et quelques griffures le long du film. Une compression pas toujours optimale et quelques légers tremblements se font également sentir (pour être tout à fait juste, on pourra aussi mettre ces tremblements sur le compte d'une caméra parfois instable, ce que semble confirmer David DeCoteau dans son commentaire.) Le transfert est en 4/3 et David DeCoteau justifie l'absence de 16/9 du fait du nombre d'emails négatifs reçu des précédentes éditions de ses films proposé dans ce format (à savoir, en Zone 1, LEECHES et SPEED DEMON). Faut-il écouter ce que le public veut de manière unilatérale ? Il y a des jours où il vaudrait mieux trébucher sur une tronçonneuse tournée vers le haut plutôt que de répondre oui.
Toujours sous la supervision du réalisateur/co-scénariste/producteur, le DVD ne contient qu'un seul chapitre. Trouvant le choix des chapitres inutile, le spectateur se trouve réduit à une option : voir le film d'une seule traite, ce qui demeure rude (dans le choix comme dans la vision). Il aurait aussi pu superviser la jaquette du DVD : une splendide faute d'orthographe en plein milieu : la traduction littérale française aurait du être "Garçons Bestiaux" et non pas "Garçons Bestial" !
Dans le commentaire audio (parfois difficilement audible, il faut bien tendre l'oreille !) DeCoteau crache son venin sur l'ensemble de sociétés d'éditions de DVD qui font mal leur travail. A savoir lancer sur le marché des éditions «merdiques» (ce sont ses termes !), en plein cadre et sans aucun bonus, comme certaines éditions de ses films. Selon lui, ce que veulent les fans, ce sont des films en version originale, au format respecté et des bonus qui en valent la peine. Et cette édition canadienne de BEATSLY BOYZ vaut largement le détour. En effet, en dehors du très riche commentaire audio, on y trouve un Making of de 69 minutes (un hasard ?) sur les conditions extrêmes de tournage du film. Réalisé par Graham Kosakoski, (un des acteurs sur BROTHEROOD IV et directeur de production sur BEASTLY BOYZ), on y trouve interviews des acteurs, du directeur photo… le documentaire effectue un tour très complet (et non formaté) de tous les protagonistes & intervenants durant la production du film. Y compris sur l'enregistrement des voix off et la direction d'acteurs !
Des sous-titres en rafale complètent le tout, pas de zonage. Tout est fait pour la vente du produit (pourtant hors des circuits habituels) à un plus large public fan des films du Seigneur des Boxers. Là où il a du fumer un peu trop le coton des sous-vêtements de ses acteurs, c'est quand il annonce que BEATSLY BOYZ est une sorte de mélange entre KILL BILL, UN JUSTICIER DANS LA VILLE, HOSTEL et du… Jean Rollin ?!?!!!???
Car le film se termine (heureusement) au bout de 74 minutes et on se dit que, peut être, on est passé à côté de quelque chose. Et si ce cinéma favorisait uniquement le sensoriel et le sensuel ? BEASTLY BOYZ est une déclaration d'amour à des corps humains. O.K. Mais aussi sensuel que cela soit, fallait-il que ce soit aussi ennuyeux ? Désolé, David, je t'aime bien, mais BEASTLY BOYZ se résume à un grand cri muet dans un jour silencieux.