CREEPOZOIDS entre dans le cercle très fermé du «tellement mauvais que c'est bon» en 1987. Démarquage outrageant de n'importe quel avatar d'ALIEN (lui-même déjà inspiré de IT THE TERROR FROM BEYOND SPACE et de PLANET OF THE VAMPIRES), il tente tant bien que mal de bringuebaler ses guenilles percées pendant 69 minutes (ou 72 minutes si l'on regarde le DVD américain). Avec un luxueux budget de 75.000 dollars, David DeCoteau s'embarque ainsi pour son troisième film. Charles Band (co-financier du projet, alors patron d'Empire et futur boss de la firme Full Moon) décide de confier les rênes de ce rip-off du chef d'oeuvre de Ridley Scott à un (presque) jeune inconnu, lui laissant également le soin de co-écrire le scénario.
Peur du scénario ? Peur du noir ? Même pas peur ? Raison d'avoir peur de tout. Car le spectateur a exactement ce qu'il lit, et rien de plus. Peut-être même moins. Le scénario repose sur une histoire. L'histoire repose sur quelques lignes que voici : après une guerre atomique qui a dévasté la terre en 1998, un groupe de deux femmes et trois hommes découvrent un sinistre laboratoire, théâtre d'expériences horribles ! Et le résultat les attend pour les hacher un par un... En suivant la logique que nous sommes en 2006, huit années après le cataclysme, à l'évidence nous sommes tous devenus des CREEPOZOIDS... Votre serviteur y compris. C'est ce qui arrive avec les films prévoyant le futur de manière trop proche. Passons...
CREEPOZOIDS est le cinéma de série Z d'exploitation à son maximum de potentiel. A savoir un budget zéro, des acteurs de seconde zone (voire de porno comme Ashlyn Gere apparaissant ici sous son vrai nom), des décors inexistants, des effets spéciaux ras-du-latex, une durée minimale, de faibles dialogues… . On retrouve aussi avec bonheur le dialogue entre Linnea Quigley et Kim McKamy / Ashlyn Gere soit «rapporte-moi des poils» : impossible de garder son sérieux ! Mais il y a surtout une mise en scène qui tente d'y croire dur comme fer. Compte tenu des décors et des conditions de tournage, ça tient du miracle. Des travellings latéraux dans un laboratoire de quatre mètres de large, des acteurs vêtus de blanc afin de mieux faire oublier le côté sombre de la force... Pardon. Pour mieux faire oublier le côté sombre du décor éclairé tant bien que mal ainsi que des éclairages rouges et bleus pour donner le change : la côté soigné de la mise en images malgré la pauvreté du budget deviendra d'ailleurs une des marques de fabrique de David DeCoteau. Avec cette immanquable patine 80's pour dorer le tout. De quoi adorer ce film tout comme pour le détester.
Le film doit aussi autant aux films de genre post-apocalyptique du début des années 80 en ce qui concerne le futur sans avenir de la terre et la destruction de l'humanité qui revient à la sauvagerie (qu'ils soient australiens, américains ou italiens), qu'à de la science-fiction à la sauce ALIEN. On pourra aussi avoir une pensée émue pour le méconnu et excellent CINQ SURVIVANTS d'Arch Oboler, où cinq personnes s'échappaient d'un holocauste nucléaire en sous-sol et essayaient de survivre. Suivez mon regard.
Encore plus cheap que le déjà en soldes MUTANT (auquel CREEPOZOIDS ressemble vaguement), on y retrouve des donzelles pour une scène gratuite de douche. Ou deux... Et CREEPOZOIDS semble frappé du même syndrome de la scène cyclique. Autant MUTANT nous gratifiait d'interminables scène de couloirs faits de boite d'oeufs, CREEPOZOIDS donne dans celles se déroulant à l'intérieur des conduits d'aération. Et un ! Et deux ! et trois conduits ! Et un peu de vomi de gognol par ci, quelques armoires abandonnées par là et hop ! Re-conduit (mais pas à la frontière comme il est tant à la mode, hélas, ces jours-ci) ! DeCoteau indique aussi (sur le commentaire audio de l'édition américaine de VOODOO ACADEMY) que CREEPOZOIDS connu une exploitation en salles au Royaume Uni. C'est vraiment à se demander comment un distributeur de films en salles a pu y croire ne serait qu'une demi-seconde.
Tourné dans ce qui ressemble à un entrepôt quelconque, David DeCoteau lance donc les attaques des monstres sur ses sympathiques acteurs. Entre des muppets-cobayes-géants-mutants qui attaquent à la gorge ou la grosse bestiole (qui apparaît au début et à la fin), les vrais acteurs font ce qu'ils peuvent. Hélas pas grand-chose. Linnea Quigley, l'icône Scream-Couine des années 80, qui venait d'emballer NIGHTMARE SISTERS avec le même réalisateur, fait tomber le haut et le bas, manie le flingue, donne des coups de tatane, prend une douche, crie, se prend une créature dans la tête, re-crie… Performance honorable mais routinière pour celle qui devint une des routières du bis : poursuivant avec DeCoteau dans DR ALIEN ! ou encore BEACH BABES FROM BEYOND, elle s'arrima sur les côtes de John Landis pour INNOCENT BLOOD mais s'échoua surtout chez Fred Olen Ray pour HOLLYWOOD CHAINSAW HOOKERS ou chez Kevin Tenney pour WITCHTRAP. Elle croisera à nouveau la route du beau de service (enfin, beau…) Ken Abraham, pour le tournage de VICE ACADEMY. Hormis Ashlyn Gere (Kim McKamy), qui tient ici l'un des nombreux roles hors circuit X avec THE ONE ou encore WILLARD, le reste du casting demeure totalement inintéressant.
L'attrait principal de CREEPOZOIDS reste ses effets spéciaux. Un monstre aux mandibules puissantes et aux canines transparentes (si, si : 51mn02) que l'on voit à plusieurs reprises. Un sens du détail, la générosité des effets en cas de gros plans : on sent le travail de l'artisan amoureux de son ouvrage. Ceci dit, heureusement que les plans de la bête en mouvement sont courts, car le sérieux du film ne l'aurait pas supporté. Les effets tentent de suivre les sursauts ultimes du scénario en réalisant un bébé-mutant monstrueux. Sûr, il sent le latex, le rejeton aux dents acérées. Mais qu'importe, même si on pense furieusement au MONSTRE EST VIVANT, il est suffisamment transgressif et hargneux pour emporter l'adhésion. Il s'agit justement de ces exagérations filmiques qui rendent CREEPOZOIDS si fun au final !
Le DVD allemand sorti en octobre 2004 chez X Rated possède la même jaquette, reprise de l'édition américaine parue chez Simitar en juillet 2004. Cette jaquette se retrouve peu ou prou sur toutes les éditions récentes, y compris le disque Zone 4 sorti chez Australia DVD. Seul le visuel du DVD anglais sorti en mai 2004 chez Screen Entertainment diverge. Les indications de durée vont de 69 à 75mn (hormis le différentiel NTSC-PAL qui explique la différence de durée entre la version américaine, 72mn, et cette édition française). Mais il y a de fortes chances, comme nous n'avons pas eu en main toutes les éditions, que les durées allant au-delà des 72 mn du disque américain soient fantaisistes (erreur sur la jaquette ?). Tout comme l'indication «Widescreen» du DVD allemand vu sur différents sites de ventes en ligne !
La durée est ici exactement de 68 minutes et 59 secondes mais présente hélas les mêmes apparats que les autres éditions, à savoir une copie sombre et un manque de contraste. Ceci est très probablement du à la pauvreté du tournage, de la faible qualité du stock de pellicule 16mm et d'un étalonnage approximatif. Le télécinéma est cependant de bonne qualité, des tonalités claires aux couleurs bien dessinées en cas de scènes aux éclairages réussis. On remarque toutefois quelques griffures blanches (surtout sur les scènes de stock shots de ciel ou d'orages, à "6mn58" ou "18mn08" par exemple) et un saut d'image dû justement au transfert qui semble venir d'une bande video qui tressaute. Ce phénomène se remarque à plusieurs reprises : à "6mn33" juste avant le credit «directed by David DeCoteau», entre "6mn39" et "6mn52" lorsque le groupe se trouve à l'entrée du laboratoire. La stabilité de l'image ne se verra secouée que sporadiquement par la suite, sans que cela ne gêne la vision du film.
Deux pistes sonores sont proposées : la version originale anglaise et la version française d'époque (un grand moment de doublage). La piste anglaise est épaulée par des sous-titres français amovibles. Les deux versions sont présentées en mono sur deux canaux. La version anglaise demeure celle diffusant le moins de souffle. Quelques sous-titres français s'avèrent verser dans une traduction trop littérale. Par exemple lors de la séquence pré générique, le «Hello» prononcé par Joi Wilson ne s'apparente nullement à «salut» tel que traduit, mais signifie plutôt «Y-a-t-il quelqu'un ?», la trop fameuse ligne de dialogue de toute héroïne naïve sur le point de se faire dévorer par une quelconque créature. D'ailleurs le doublage énonce un magnifique «C'est ouvert» pour la traduction du même dialogue! Le reste demeure limpide avec des dialogues clairs et un rendu qui met bien en avant la partition sonore électronique (de très bonne facture !). Du bon travail.
Côté bonus, on peut voir trois films annonces des produits édités chez BL. A savoir non seulement le film chroniqué ici, mais également SS CAMP 5 et LA CLINIQUE SANGLANTE. On trouve des photos du films, aussi, ainsi que les filmographies de David DeCoteau et Linnea Quigley. On irait bien refaire un tour du côté de chez David et on y trouve deux petites erreurs (c'est bien parce qu'il faut trouver quelque chose !). Il y a donc une faute de frappe sur le titre ANCIENT EVIL : SCREAM OF THE MUMMY qui devient ANCIEN EVIL SCREAM OF THE MUUMY. Enfin, TOMB OF TERROR n'est pas un film à part entière dans la filmographie de David DeCoteau puisqu'il s'agit en réalité d'un remontage de plusieurs métrages opéré par Charles Band (on y trouve, en fait, des extraits remontés de TALISMAN).
DeCoteau, un des chantres de la série B de la fin du siècle dernier, a navigué entre PUPPET MASTER III, TALISMAN, THE FRIGHTENING… sous différents pseudos, avec immanquablement des budgets ridicules. Tout en tenant le pari d'y croire (hormis, selon ses dires, pour son effrayant TOTEM). Il prouve ici qu'avec un minimum syndical, il est possible de faire un film de science-fiction fauché avec de très jolis effets gore, des créatures en latex, du nichon, des conduits d'aération, des expériences secrètes, des pluies acides, des créatures en latex, du nichon, des effets gore, des laboratoires… CREEPOZOIDS est une sorte de chant du cygne de la série B (ou Z selon l'humeur du moment) des années 80. Il est assurément raté, cheap, mal joué et approximatif. Mais entre rires impromptus et silences embarrassés devant parfois tant d'amateurisme, s'échappe le bonheur de retrouver un esprit cinéma système D brouillon qui a disparu avec les années 90.
Et en même temps, CREEPOZOIDS devient une sorte de pendant des productions tourné en DV qui débarquent dans les video-clubs du 21ème siècle. Une belle occasion, avec ce DVD, de découvrir dans les meilleures conditions possibles ce chef d'oeuvre du bon goût et annonciateur de multitude de gourmandises (qu'elles soient hét-érotiques ou homo-érotiques) de notre David à tous.