C'est véritablement avec ce SESSION 9, sorti en 2001, que le nom de l'Américain Brad Anderson commence à être connu parmi les amateurs de fantastique. Ce metteur en scène avait pourtant derrière lui une carrière relativement longue. Ainsi, dès 1995 il réalise en Super 8 le moyen métrage FRANKENSTEIN'S PLANET OF MONSTERS !, tandis que son premier long métrage classique, la comédie THE DARIEN GAP, est repérée et sélectionnée pour le Festival de Sundance dès l'année suivante. Il persévère dans le domaine de la comédie avec ET PLUS SI AFFINITES..., puis avec HAPPY ACCIDENTS - ce dernier titre se voyant rehaussé d'éléments de science-fiction. Bref, Brad Anderson a déjà creusé son petit sillon dans le cinéma indépendant américain.
Avec l'acteur Stephen Gevedon, il écrit alors un scénario de film de terreur se déroulant dans un asile abandonné. Ils vont filmer leur histoire dans l'hôpital psychiatrique de Danvers, bâtiment abandonné depuis 1992. Un site à l'allure inquiétante et gothique, ouvert dès la fin du XIXème siècle et ayant accueilli, durant plus de cent ans, de nombreuses formes de soins pour malades mentaux. Parmi ces méthodes, la plupart nous semblent aujourd'hui inhumaines : électrochocs, lobotomies... Un tel palais de la terreur en plein coeur de la Nouvelle Angleterre chère à Lovecraft : il n'en fallut pas plus pour que ce bâtiment ait la réputation d'être hanté et attire de nombreux curieux. Une renommée que le tournage de SESSION 9 sur ce site ne peut que renforcer !
Tourné en vidéo numérique haute définition - à une époque où ce procédé était alors très rare au cinéma, entièrement dans les décors naturels, SESSION 9 bénéficia de comédiens expérimentés. Nous y trouvons ainsi l'Ecossais Peter Mullan (récompensé à Cannes pour son rôle dans MY NAME IS JOE de Ken Loach), David Caruso ("LES EXPERTS", TERREUR EXTRATERRESTRE, THE KING OF NEW YORK...), ou Josh Lucas (récemment revu dans des blockbuster tels que HULK, FURTIF ou POSEIDON).
Gordon Fleming, qui dirige une entreprise de nettoyage et de réhabilitation, parvient à décrocher un contrat en or : l'assainissement d'un gigantesque hôpital abandonné ! Avec son équipe, il s'installe pour passer une semaine sur place. Mais Gordon, qui vient de voir naître son premier fils, se montre rapidement fragile. Il croit entendre des voix. Hank, un de ses employés, découvre un véritable trésor en pièces anciennes caché dans un souterrain, près de la morgue. De son côté, Mike trouve des bandes magnétiques sur lesquelles ont été enregistrés des entretiens entre des médecins et une jeune patiente placée sous hypnose...
Dans la plupart des films de maison hantée, le scénario emploie un alibi pour réunir plusieurs personnes de caractères et de provenances très variés : héritage mystérieux (PSYCHOSE PHASE 3), pari (DANSE MACABRE, LA NUIT DE TOUS LES MYSTERES), expérience paranormale (LA MAISON DU DIABLE), accident (UNE SOIREE ETRANGE)... SESSION 9 prend le parti de proposer une mise en place plus réaliste, plus vraisemblable. Une équipe de nettoyeurs va passer une semaine dans une immense bâtisse gothique afin d'en retirer tous les produits dangereux.
A l'instar des dératiseurs de LA CREATURE DU CIMETIERE, ils composent une équipe de personnages quotidiens, crédibles, dans laquelle nous ne trouverons nul milliardaire excentrique ou médium insolite ! A partir ce cette base saine, SESSION 9 s'attache à décrire soigneusement ses personnages, en leur attribuant des traits soigneusement élaborés et permettant une compréhension approfondie de leurs réactions face au mystère et au danger.
Outre un bon travail d'écriture sur les personnages, SESSION 9 bénéficie aussi, et surtout, de l'incroyable décor authentique de ce gigantesque asile psychiatrique abandonné, laissé en ruines durant des années. Cette véritable ville miniature, avec son cimetière, ses passages souterrains, ses vastes espaces et ses inquiétants couloirs, génère une atmosphère pour le moins éprouvante, ainsi qu'une impression d'ampleur et de masse physique réellement impressionnante. Le décor de l'hôpital de Danvers constitue, à n'en point douter, l'effet spécial le plus efficace de SESSION 9 !
Cette ambiance oppressante est encore mise en valeur par une mise en scène ample, soignée, refusant globalement les effets spéciaux et les éclairages tape-à-l'oeil. Une vraie mise en scène de cinéma donc, exploitant avec une grande méticulosité le format scope, les travellings et la steadicam pour nous transporter dans les recoins les plus inquiétants du sinistre bâtiment.
Nous serions donc en droit de nous attendre à une totale réussite en matière de cinéma d'épouvante. Malheureusement, l'action et le scénario de SESSION 9, globalement intéressants et bien construits, souffrent tout de même d'un certain manque de souffle. En soignant ses personnages et l'exploration des diverses portions de l'asile, Brad Anderson laisse peut-être un peu trop s'installer un certain ennui. Les péripéties s'avèrent par moment répétitives et ne font pas toujours progresser l'intrigue.
Une réserve réelle sur le scénario donc, mais qui ne doit pas faire négliger les autres qualités de SESSION 9. A savoir son approche rigoureuse et sérieuse du fantastique, d'excellents acteurs qui donnent vie à des personnages cohérents et attachants, ainsi que l'atmosphère inquiétante de l'asile hanté de Danvers !
Sorti aux Etats Unis dans une toute petite combinaison de 30 salles, SESSION 9 ne fait certainement pas un carton sur grand écran. Il se voit surtout exploité en vidéo. Néanmoins, il reçoit un accueil favorable dans les festivals de cinéma fantastique. Il est même montré en France, notamment au cours du festival de Gérardmer en 2004. Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, ce long métrage n'a toujours pas été distribué commercialement dans notre pays...
Pour le visionner, il faut donc nous rabattre sur des DVD disponibles en import, et plus précisément vers l'édition canadienne distribuée en zone 1 par Alliance Atlantic Vivafilms. Ce disque propose une copie respectant le format 2.35 de l'image de SESSION 9, en 16/9. Le résultat s'avère de très bonne qualité, comme on peut s'y attendre pour le report d'une source numérique. Néanmoins, certaines caractéristiques liées à ce standard restent perceptibles : des mouvements un peu floues ou des fourmillements dans certains plans peu éclairés par exemple. Des défauts d'origine, qui ne peuvent pas être reprochés à cette édition qui s'avère tout à fait satisfaisante.
SESSION 9 est proposé avec sa bande-son Dolby Stéréo d'origine. Son transfert s'avère de bonne qualité. Mais attention : l'enregistrement des dialogues n'est pas toujours de très bonne qualité, tandis que le mixage prend parfois le parti de mettre en avant les bruits d'ambiance. Si l'on rajoute à cela quelques acteurs parlant avec un accent à couper au couteau - en particulier Peter Mullan - il faut bien comprendre que SESSION 9 exige, pour être suivi dans sa langue d'origine, un bon niveau d'anglais ! Et ce d'autant plus qu'aucun sous-titrage n'est disponible. Par contre, on trouve une version française en 5.1, correcte quoique manquant de naturel dans son mixage.
Pour un film tourné avec un budget modeste d'un million et demi de dollars, SESSION 9 se voit tout de même doté d'une interactivité satisfaisante. Nous avons ainsi un commentaire audio de Brad Anderson et de Stephen Gevedon. Ils reviennent sur le tournage et la création du film, parfois de façon un peu répétitive.
Nous disposons aussi de dix minutes de scènes coupées, lesquelles correspondent en fait à toute une sous-intrigue liée à une vieille femme qui vit cachée dans un clocher de l'asile. Son rôle dans l'intrigue parut confus aux spectateurs des projections tests de SESSION 9, si bien que ce personnage fut retiré du métrage. Ces séquences coupées sont disponibles avec un commentaire audio d'Anderson et de Gevedon. Il en est d'ailleurs de même pour toute la section "Du scénario à l'écran" qui combine en fait des images de tournage et de story-board de cinq scènes du film, pour une durée d'environ dix minutes.
Nous trouvons aussi une galerie d'ébauches d'affiches pour SESSION 9, ainsi que sa bande-annonce. Surtout, l'interactivité se conclut par une featurette "The Haunted Palace" qui revient sur l'asile de Danvers, ainsi que sur la fascination et les légendes urbaines qu'il a générées. Même Peter Mullan se livre à ce petit jeu Blair Witchesque en prétendant que des forces malfaisantes cherchaient à le manipuler durant le tournage !
Pour information, précisons que cet ensemble architectural assez unique a été racheté en 2001 afin d'y construire un ensemble immobilier de luxe. Après des années de discussions avec la municipalité et de procès en tous genres, quatre-vingt dix pour cent de ce site, pourtant inscrit au registre des bâtiments historiques des Etats Unis, ont été rasés. Seule la partie la plus ancienne sera conservée et restaurée. Il faut toutefois préciser que ce lieu, qui attirait beaucoup de visiteurs et d'intrus, devenait de plus en plus dangereux et avait failli disparaître à plusieurs occasions dans des incendies accidentels ou malveillants...
Le DVD de SESSION 9 est une occasion de découvrir ce film de terreur intelligent et original, qui révéla à l'amateur de fantastique le futur réalisateur du non moins recommandable THE MACHINIST. Mais il s'agit aussi d'un témoignage audiovisuel permettant de préserver, au moins par l'image, le souvenir de cette forteresse psychiatrique chère aux amateurs d'atmosphère gothique !
