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Critique du film et du DVD Zone 0
L'HOMME AU CRANE RASE 1965

 

Né en 1926, le belge André Delvaux mène d'abord de brillantes études en philologie germanique et en musique, lesquelles l'orientent vers l'enseignement. Il se passionne aussi pour le cinéma et participe à l'animation de la cinémathèque royale de Belgique, notamment en accompagnant au piano la diffusion de classiques du cinéma muet. Parmi eux, les chefs d'oeuvres du fantastique allemand de l'entre-deux-guerres lui font forte impression. En plus de ces activités, il se tourne vers le documentaire, concevant de tels films pour la télévision belge. Certains d'entre eux sont dédiés à des metteurs en scène comme Fellini ou Jean Rouch.

En 1962, il tente l'aventure du court métrage de fiction avec LE TEMPS DES ECOLIERS, histoire d'amour entre un jeune garçon et une femme plus âgée, et ce film connaît un réel retentissement. Après une série de reportages consacrés au cinéma polonais d'alors, Delvaux passe alors à la vitesse supérieure en adaptant sur grand écran "L'homme au crâne rasé" de Johan Daisne (nom de plume de Herman Thiery, grand écrivain belge du second après-guerre). Toutefois, le cinéma de fiction belge est alors peu actif, et son prestige international s'avère très modeste. Delvaux parvient tant bien que mal à trouver de l'argent auprès de la télévision belge.

Pour réunir une équipe de techniciens, il se tourne avant tout vers des français talentueux, ayant fait leurs armes auprès de réalisateurs de la Nouvelle Vague : le chef-opérateur Ghislain Cloquet (LES STATUES MEURENT AUSSI d'Alain Resnais et Chris Marker, LE FEU FOLLET de Louis Malle), la monteuse Suzanne Baron (MON ONCLE de Jacques Tati, LE FEU FOLLET…) ou l'ingénieur du son Antoine Bonfanti (LA JETEE de Chris Marker, BANDE A PART de Jean-Luc Godard). L'HOMME AU CRANE RASE étant tourné en flamand, Delvaux recourt avant tout à des comédiens parlant cette langue. Toutefois, il recrute aussi la polonaise Beata Tyszkiewicz, alors épouse du réalisateur Anrdrzej Wajda et interprète du MANUSCRIT TROUVE A SARAGOSSE de Wojciech Has.

Marié et père de famille, Govert Miereveld, un avocat enseignant dans une école pour jeunes filles, s'éprend secrètement d'une de ses élèves qu'il surnomme Fran. Mais, il ne lui avoue pas sa tendresse. Le jour où Fran se voit remettre son diplôme de fin d'étude, Miereveld craque nerveusement. Il décide alors d'abandonner sa carrière d'avocat et prend un poste de simple clerc au Palais de Justice. Quelques années plus tard, Govert Miereveld doit assister deux médecins légistes chargés d'exhumer et d'identifier le cadavre d'un noyé. Au cours de ce voyage, il retrouve Fran, qui est devenue une chanteuse célèbre…

A la simple lecture de ce résumé, qui décrit plus de la moitié de L'HOMME AU CRANE RASE, il est difficile de concevoir en quoi ce long métrage appartient au genre du fantastique. Et, en effet, ses premières minutes, c'est-à-dire tout le passage correspondant au dernier jour d'école de Fran, évoquent en tout point un drame classique, décrivant la passion amoureuse d'un homme introverti et conformiste pour une jeune fille à la beauté éblouissante.

Progressivement, L'HOMME AU CRANE RASE glisse vers une atmosphère doucement insolite. Nous avons alors affaire à un fantastique avant tout psychologique, pour ne pas dire psychiatrique comme semble l'indiquer le final se déroulant dans un asile. Mais, ici, la folie est insidieuse, ambiguë. Le style cinématographique, au premier abord d'une rigueur et d'une neutralité impeccables, fait sentir quelques décalages étranges. Un très long travelling latéral parcourt une rue. La visite chez le coiffeur, découpée en plans très courts aux cadrages très serrés, annonce le coup de folie final de Miereveld.

De plus, cette scène du coiffeur, passage de bien être et de relaxation, s'avère étonnamment étirée, comme le sera plus tard celle de l'autopsie, qui correspond, elle, à un intense moment de malaise. Finalement, plus le métrage progresse, plus les situations deviennent étranges, plus les réactions des personnages se font imprévisibles, illogiques, et plus les coïncidences paraissent énormes, invraisemblables. Dès lors, le spectateur doute : quelle partie du récit peut être réelle ? Quelle partie peut être imaginaire ? A quels moments passons-nous dans le rêve et le délire ? Le dénouement de L'HOMME AU CRANE RASE ne nous apporte pas de réponse : au contraire, il multiplie les possibilités d'interprétation des étranges aventures de Govert Miereveld.

S'il réussit ainsi la gageure de retranscrire à l'écran le "réalisme magique" littéraire dont Johan Daisne était le théoricien, laissant ainsi le spectateur planer à la frontière entre le réel et l'irréel, André Delvaux n'en signe pas pour autant un film inattaquable. L'HOMME AU CRANE RASE est aussi un long métrage très bavard, dont les dialogues sonnent parfois artificiels, excessivement écrits, guindés. Très influencé par la Nouvelle Vague, L'HOMME AU CRANE RASE paraît comme le travail d'un élève de Resnais un peu trop appliqué, qui ennuie par moment et s'adonne peut-être trop à la contemplation de vertiges existentialistes aujourd'hui un peu datés.

Malgré ces limites, L'HOMME AU CRANE RASE reste tout de même attachant. Attachant, car, au travers de sa mise en scène subtile et précise, il parvient réellement à donner vie à son personnage principal, Govert Miereveld (formidablement interprété par Senne Rouffaer) un homme qui, au tournant de son quotidien banal, va rencontrer la passion puis la folie, lesquelles vont lentement, mais sûrement, le détruire.

L'HOMME AU CRANE RASE, d'abord mal accueilli en Belgique, connaît un retentissement réel dans des festivals européens, puis finit par être loué par la presse intellectuelle française d'alors. Toujours en France, il sort à la Pagode, salle alors spécialisée dans le cinéma d'Art et Essai, et y connaît un succès. Le film continue son petit bout de chemin à travers le monde et devient, en fin de compte, un des films belges le plus connus à l'étranger. Mais les infrastructures belges de production restant limitées, Delvaux signera son second long métrage pour un producteur français : ce sera UN SOIR, UN TRAIN, un autre film oscillant entre fantastique et réalisme d'après un roman de Johan Daisne, film qui réunit Yves Montand, Anouk Aimée et Michael Gough.

Il semble bien que, jusqu'à présent, L'HOMME AU CRANE RASE était totalement inédit en DVD. Or, la Cinémathèque Royale de Belgique vient récemment de le publier dans l'édition qui va être testée ici.

L'HOMME AU CRANE RASE se voit proposé dans son cadrage 1.66, le télécinéma étant disponible en 16/9. La qualité de l'image est tout à fait magnifique, laquelle restitue avec finesse et précision toutes les subtilités d'un noir et blanc à la définition affûtée et aux contrastes subtils. La propreté est quasiment impeccable, à part peut-être une ou deux minuscules saletés, dérisoires au vu de l'âge du long métrage et de la qualité du télécinéma. Le seul point réellement négatif à relever s'avère la présence de deux très courtes pixélisations de l'image aux alentours de la soixante-deuxième et de la soixante-seizième minutes…

Pour la bande-son, le DVD ne dispose que de sa piste néerlandaise en mono d'origine, codée sur deux canaux. Le son est un peu dur, mais il bénéficie d'une dynamique assez naturelle. Si on perçoit un bruit de fond (homogène et limité), on ne remarque pas de graves accidents dans cette piste sonore. Des sous-titres français, anglais et néerlandais sont disponibles.

Quant à l'interactivité, la Cinémathèque Royale de Belgique se distingue encore par la méticulosité et l'intérêt de son travail. Au verso de la jaquette, nous trouvons une revue de presse internationale, réunissant des critiques flamandes, francophones et anglaises, lesquelles nous renseignent sur l'accueil critique de L'HOMME AU CRANE RASE. Malheureusement, ceux qui ne maîtrisent pas les trois langues ne pourront pas comprendre la totalité des textes… Un livret de 16 pages entièrement en flamand, hélas, accompagne aussi le DVD : il inclut des textes dédiés au film, à sa restauration, à André Delvaux et à Johan Daisne.

Sur le DVD lui-même, nous trouvons toute une sélection de suppléments disponibles avec des sous-titres français, anglais ou néerlandais. Le premier d'entre eux est un documentaire récent de 36 minutes revenant sur la carrière d'André Delvaux et sur L'HOMME AU CRANE RASE en particulier. Y interviennent certains collaborateurs de Delvaux (le compositeur Frédéric Devreese, un assistant réalisateur, une stagiaire…), des enseignants en cinéma et en littérature, ainsi que divers metteurs en scène belges (Harry Kümel, Jaco Van Dormael). De nombreuses images de tournages, ainsi que des extraits de documentaires et de courts métrages, étaient ce document informatif et sérieux.

Puis, nous accédons à un document vidéo datant du 4 octobre 2002, qui est en fait une conférence en français prononcée par André Delvaux à l'occasion d'une rencontre dédiée aux arts à Valence. Ce discours de sept minutes sur le cinéma belge précéda de peu la mort du cinéaste puisqu'il mourra le jour même, d'un arrêt cardiaque.

Enfin, nous trouvons un épisode de la série de documentaires "Achter het scherm" ("Derrière l'écran") de 1966, tourné par André Delvaux pour la télévision belge. Il s'agit d'un document de 39 minutes sur les coulisses du film de Jacques Demy et Agnès Varda LES DEMOISELLES DE ROCHEFORT, document filmé entre Rochefort (le lieu du tournage), Neuilly (les locaux de la production) et Londres (où nous assistons à la préparation des chorégraphies). Nous y voyons Gene Kelly préparer ses scènes en discutant en français avec Demy, ou encore les soeurs Dorléac répéter le plus célèbre numéro musical du film !

Une interactivité de qualité donc, qui, alliée à une copie de bonne facture, constitue une édition de bonne tenue pour cet HOMME AU CRANE RASE.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
50 ans
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664 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
On aime
Un film intéressant.
Une bonne édition.
On n'aime pas
Deux petites pixélisations sur notre lecteur de DVD durant le déroulement du film.
Livret uniquement en néerlandais.
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L'édition vidéo
L'HOMME AU CRANE RASE DVD Zone 0 (Belgique)
Editeur
Cinematheque Royale
Support
DVD (Double couche)
Origine
Belgique (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h35
Image
1.66 (16/9)
Audio
Dutch Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Néerlandais
  • Anglais
  • Français
  • Supplements
    • Documentaire (36mn32)
    • André Delvaux à L'Encuentro Mundial de la Artes (7mn06)
    • Derrière l'Ecran (38mn08)
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