Francesco Dellamorte est le gardien du cimetière de Bufalora. Avec Gnaghi, il fait en sorte que l'endroit reste en paix, quitte à donner une mort définitive à la plupart des résidents qui reviennent à la vie sept jours après leur décès. Cette petite vie se déroule «tranquillement» jusqu'au jour où Francesco tombe amoureux d'une jeune veuve qui vient de mettre en terre son mari.
Après LA SETTA, Michele Soavi prend son temps pour trouver un sujet qui lui plaît et surtout pour éviter de se répéter à nouveau. Sans compter qu'il a envie de prendre un peu ses distances avec Dario Argento même si, il le dit lui-même, celui-ci ne l'a jamais véritablement influencé durant les tournage de SANCTUAIRE et LA SETTA. Pourtant, Dario Argento lui proposera tout de même de produire d'autres films mais rien qui enthousiasme Michele Soavi et cela restera sans suite. Michele Soavi se met alors en tête de réaliser un nouveau film en partant du livre Dellamorte Dellamore. Un sujet que la plupart trouvent peu viable pour une transposition à l'écran. Le réalisateur engage son propre argent dans le film ainsi que celui de son comparse le co-scénariste Gianni Romoli avec en plus l'aide de différentes maisons de production ou financiers dont Le Studio Canal+.
Alors que Tiziano Sclavi travaille déjà dans le milieu de la bande dessinée en Italie au début des années 80, il continue d'écrire des romans en parallèle. Parmi ces manuscrits, il y a Dellamorte Dellamore qui ne sera publié que plusieurs années plus tard. Dans l'intervalle, il propose cette idée pour créer une nouvelle série de bande dessinée mais l'éditeur trouve que les aventures d'un gardien de cimetière tourneraient court assez rapidement. Tiziano Sclavi repart de son idée d'origine et transforme le personnage de Francesco Dellamorte en Dylan Dog, détective du paranormal accompagné d'un acolyte assez différent. La bande dessinée connaît un succès sans précédent. Mais de Francesco Dellamorte à Dylan Dog, l'auteur garde tout de même en tête l'acteur Rupert Everett comme modèle !
A Michele Soavi et Gianni Romoli d'adapter le livre de Tiziano Sclavi pour le grand écran. Car l'auteur original se limite à vendre les droits de son roman et ne sera pas impliqué dans l'écriture du scénario. Toutefois, dès la fin de l'écriture du scénario, une copie est passée à Tiziano Sclavi qui téléphone immédiatement à Michele Soavi pour lui exprimer un grand contentement jusqu'à avouer que le résultat est même supérieur à son propre livre ! Pendant ce temps, les financiers entendent imposer des choix artistiques. Ainsi, Michele Soavi aurait aimé que la musique de son film soit composée par Tangerine Dream mais il devra finalement travailler avec Manuel De Sica. De prime abord réfractaire à cette idée, Michele Soavi sera finalement convaincu par les premières ébauches proposées par le compositeur qui soit dit en passant recycle l'air de rien un morceau de Ozzy Osbourne / Motorhead («Hellraiser») sans que personne ne s'en aperçoive !
Mais là où Michele Soavi se montrera intransigeant, c'est sur le choix de l'interprète principal. Ayant discuté avec Tiziano Sclavi et pour rester fidèle au modèle original, il lui faut Rupert Everett alors qu'on lui propose Matt Dillon. Cette idée n'ira pas bien loin et, même si l'acteur britannique n'a jamais entendu parler ni de Michele Soavi et encore moins de Tiziano Sclavi ou de Dylan Dog, Rupert Everett est conquis par le scénario. L'acteur est rejoint par François Hadji-Lazaro, tête de proue des groupes Les Garçons Bouchers et Pigalle, et Anna Falchi, mannequin et actrice.
Tout ce petit monde se retrouve embrigadé dans un tournage dénué de tout repos qui durera sept semaines, dont certaines seront consacrées au tournage de scènes dans les extérieurs glaciaux de deux cimetières italiens. Pour des raisons de budget et parfois de simplicité technique ou des contraintes de temps, des séquences sont modifiées pendant le tournage voire carrément supprimées, comme la rencontre de Francesco Dellamorte avec deux revenants qui seraient ses propres parents. De l'aveu même du réalisateur, il ne savait pas trop quelle direction il prenait en tournant le film alors qu'il n'avait toujours aucune idée du sens qu'il donnerait au métrage au moment de faire le montage définitif. Ce qui laisse une place énorme pour qui voudrait analyser DELLAMORTE DELLAMORE. Michele Soavi de son côté donnera des bribes de réponses ici ou là tout en restant quelque peu évasif.
Ce qui est certains, c'est que Michele Soavi a été très influencé par la peinture. Déjà dans LA SETTA, il reproduisait un tableau de Boris Valejo. Cette fois, il avoue avoir été inspiré par Magritte dont le tableau «Les Amants» ainsi que Arnold Böcklin et «L'île des morts». Le réalisateur s'inscrit donc, en grande partie, parmi les cinéastes qui privilégient l'image. DELLAMORTE DELLAMORE est d'ailleurs une véritable œuvre d'art de tous les instants. Des éclairages aux mises scènes particulièrement travaillées (Anna Falchi ou Rupert Everett se retrouvent affublés d'ailes d'ange, par exemple…), le film de Michele Soavi sort du contexte du cinéma horrifique pour entrer dans celui d'un merveilleux spectacle macabro-poétique, non dénué d'un grosse dose d'humour, et qu'importe si certaines ficelles techniques (en l'occurrence des fils pour les feux-follets ou une mouche) sont visibles ! A Gerardmer, personne ne s'y est trompé, d'ailleurs, puisque le film y fut couronné du prix du Jury en 1995.
Les deux personnages principaux, Francesco et Gnaghi, sont prisonniers d'un univers restreint. Une idée qui est présente dès le début du film ainsi que lors de son épilogue avec la boule à neige. Comme les résidents de cette petite boule que l'on agite, il n'est pas possible d'aller au delà des limites imposées, tout comme nous ne pouvons pas aller au delà des limites que nous impose notre vie. Mais cet univers se redéfinit rapidement par des évidences. A savoir que tout cela n'est qu'un rêve ou un fantasme, le personnage de Francesco le dit sans équivoque «C'est mon rêve !». A partir de là, tout est possible… Mais même dans les rêves, il n'est pas possible d'échapper à la mort. Même le bottin meur pour laisser la place à une nouvelle génération, c'est l'ordre des choses. Qu'on soit beau, laid, intelligent ou idiot, on finit tous par se retrouver au cimetière ! L'amour est aussi inévitable et Francesco idéalise la femme parfaite dans trois incarnations féminines très différentes. Au passage, l'orgasme n'est-il pas surnommé la petite mort ? Dans DELLAMORTE DELLAMORE, on vit... on aime… on meurt… Francesco Dellamorte en est le témoin, l'acteur et le rêveur.
DVD français |
DVD espagnol |
L'Espagne et l'Allemagne ont ouvert le bal des éditions DVD. Des éditions assez basiques et loin de proposer une image digne du DVD. L'année dernière, les Italiens ont sorti leur propre version en rendant cette fois hommage au film avec d'une part un véritable transfert 16/9 mais aussi des suppléments comme un commentaire audio et un Making Of. La séduisante idée d'entendre Michele Soavi et son scénariste s'exprimer sur DELLAMORTE DELLAMORE est rapidement oubliée par le fait que tout cela est proposé en italien sans aucun sous-titrage.
Avec son édition DVD, Studio Canal sort enfin le film mais dans la collection «Midnight Movie». Il faut donc s'attendre à tout ! En ce qui concerne l'image, le transfert 16/9 au format 1.66 comporte bien quelques petits soucis de pellicule ou un gros grain mais tout cela est avant tout le reflet d'un rendu cinéma et ne peut donc être vu comme un véritable défaut. Il n'en va pas de même avec l'encodage et la compression qui laissent apparaître quelques petits problèmes.
Deux pistes sonores sont présentes avec la version anglaise du film ainsi que le doublage français. Bien qu'il s'agisse d'un film italien, il n'y a ici aucune trace d'une bande sonore dans cette langue. Précisons tout de même que dans tous les cas, il est difficile d'opter pour une version originale puisqu'elle n'existe pas réellement. Dans les deux cas, il s'agit de pistes Surround bien qu'indiquées seulement en simple stéréo. Et dans les deux cas, elles s'avèrent assez agréables !
La collection «Midnight Movie» a l'avantage de proposer des films en DVD à petit prix. Parfois, comme dans le cas de BABY BLOOD, il n'y a pas d'incidence sur un contenu fourni digne d'un DVD. Mais dans la plupart des cas, il s'agit de disque à l'interactivité limitée. Pour DELLAMORTE DELLAMORE nous sommes malheureusement dans la seconde catégorie. Dommage que l'éditeur n'ait pas fait l'acquisition du commentaire audio, ce qui nous aurait permis de le découvrir avec un sous-titrage français. Mais en dehors d'une bande-annonce française et d'un spot TV, il n'y a rien d'autre à se mettre sous la dent.
DELLAMORTE DELLAMORE méritait bien mieux que ce traitement et il faudra s'en contenter pour voir le film avec le doublage dans notre langue ou des sous-titrages français. En effet, aucune autre édition ne propose ces options pour l'instant…