En plein océan atlantique, un liner subit une tempête glaciaire, le navire sombre, les passagers meurent tous. Fu Manchu est derrière cet attentat inédit ; c'est selon lui la preuve qu'il possède une nouvelle arme à la puissance implacable. Encore au stade expérimental, elle doit cependant être étudiée par le docteur Melnik (Werner Aprelat) que Fu Manchu enlève. Malheureusement, le savant au cœur malade doit subir une opération chirurgicale de la plus haute importance, aussi faut-il à Fu Manchu enlever son médecin, Curt (Günther Stoll), et son assistante, la belle Marie (Maria Perschy). Le hasard veut que Curt soit un ami très proche du Dr. Petrie et de Nayland Smith, les deux ennemis jurés du chinois malfaisant. Aussitôt, ils partent à l'assaut du château de Fu Manchu, que ce dernier s'est attribué en massacrant les occupants. Mais Omar Pasha (José Manuel Martin), qui contrôle le trafic d'opium entre l'Orient et l'Occident, allié de Fu Manchu, se retrouve trahi par ce dernier, qui retient sa compagne (Rosalba Neri) prisonnière dans les caves du château. Nayland Smith saura-t-il faire alliance avec ce bandit pour contrer Fu Manchu dans ses plans démoniaques ?
«Encore une fois, le monde est à ma merci». C'est sous cette menace que débute THE CASTLE OF FU MANCHU, le cinquième et dernier épisode de la série initiée par Harry Alan Towers mettant en scène Christopher Lee dans le rôle du diabolique docteur. Fu Manchu l'avait prédit à la fin de l'épisode précédent (BLOOD OF FU MANCHU), «le monde entendra encore parler de moi…». Et encore une fois, Fu Manchu, plus méchant que jamais, toujours épaulé par sa fille (interprétée par Tsaï Chin) cherche à réduire le monde occidental à sa merci, et encore une fois il trouve Nayland Smith sur sa route.
La littérature populaire a su créer des mythes immuables, fondés sur des rituels répétitifs qui, s'ils le restent au cinéma, peuvent devenir à la longue très lassants. C'est malheureusement ce qui arrive dans ce film, réalisé par Jess Franco en 1969. La lassitude a gagné l'équipe et Christopher Lee a accepté pour la dernière fois de se grimer en l'une de ses interprétations les plus mémorables (derrière Dracula, bien sûr !). Il laissera la place à Peter Sellers en 1980 dans LE COMPLOT DIABOLIQUE DU DR. FU MANCHU de Piers Haggard. Jess Franco quant à lui retravaillera l'univers et le héros de Sax Rohmer, pour en tirer des aventures plus dénudées, en 1987 avec ESCLAVAS DEL CRIMEN.
Malgré cette lassitude, le film conserve encore de bons moments, dus généralement à la codification de l'univers créé par le romancier Sax Rohmer : si l'intrigue ressemble énormément à celle des épisodes précédents (LE MASQUE DE FU MANCHU de Don Sharp en tête) c'est pour en décliner les meilleurs aspects et pour multiplier les clins d'œil au fan du bandit "jaune" : encore une fois, le rapport de l'ennemi de l'occident avec l'eau, vecteur de son arme, est mis au premier plan : il trouve sa place au sein des éléments telle une divinité maléfique, usant des éléments naturels pour assouvir son pouvoir.
Le personnage de Fu Manchu, par ses excès, illustre à la perfection le sentiment paranoïaque nourri par le monde occidental, surtout anglo-saxon, exacerbé par la xénophobie, sentiment dont il faut relativiser la portée à l'époque de Sax Rohmer : en effet, le péril jaune stigmatisé par l'auteur de Fu Manchu était une crainte fort répandue tant chez le commun des mortels que dans la littérature, encore plus dans une littérature populaire quelque peu racoleuse (cela n'ôte en rien les très nombreuses qualités des romans de Sax Rohmer !). Le péril jaune est d'ailleurs un thème souvent mis en image par le cinéma anglo-saxon : JAMES BOND CONTRE DR. NO, LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN... (voir à ce sujet le dossier Péril Jaune, sur le site http://www.fantasfilm.com)
L'aspect subversif dû au traitement de ce thème n'a pas du tout rebuté Harry Alan Towers, ni Jess Franco qui continue dans ce film le travail commencé dans l'épisode précédent. Mais l'ensemble s'essouffle vite, manque surtout de crédibilité quant au scénario. La production n'a pas les moyens de ses ambitions, et cela oblige Franco à des pirouettes de mise en scène, des trucages hasardeux, surtout dans la séquence de l'éclatement du barrage sous l'assaut de l'arme de Fu Manchu, mais aussi dans la séquence finale de la destruction du repaire du chinois (avec une utilisation de stock shots assez mal intégrés : on perçoit le peu d'intérêt que Franco porte à l'unité de l'ensemble). Ce qui compte est ailleurs, le soin apporté à quelques plans phares en est la preuve (l'opération du savant, par exemple). Les femmes sont plus sexy, les couleurs plus pop que dans le film étalon de Don Sharp, Franco affirme aussi dans cette réalisation un style très personnel : stylisation des personnages et des décors, cadres malmenés… le tout rehaussé par une tonalité psychédélique propre à l'époque. On compte même parmi les curiosités le rôle tenu par Jess Franco lui-même (ce qui n'est pas rare dans ses réalisations) : il tient le rôle d'un flic stanbouliote nonchalant venu prêter main forte à l'héroïque duo britannique, incarné pour la seconde fois par Richard Greene et Howard Marion Crawford.
Même sans y croire vraiment, il inscrit son film dans la lignée du cinéma d'espionnage, avec une séquence d'ouverture directement inspirée de la série James Bond ou la lutte entre le gang d'Omar Pasha et les sbires de Fu Manchu. Le fait que le film se déroule à Istanbul, outre l'aspect exotique, permet de situer l'action aux confins du monde occidental, de profiter de cette limite naturelle de l'Orient, de repousser Fu Manchu à la frontière : l'image ainsi donnée de l'asiate aux yeux verts n'est pas celle de la puissance incarnée. Il apparaît ainsi comme affaibli, jouant son ultime carte, dans ce dernier épisode.
Le DVD édité par Blue Underground sort soit en DVD simple, soit inclus dans le coffret Christopher Lee collection contenant CIRCUS OF FEAR, THE BLOODY JUDGE et BLOOD OF FU MANCHU, tous trois produits par Harry Alan Towers et mettant en scène l'immense Christopher Lee. Les disques du coffret sont tous codés toutes zones, et sont donc visibles sur la plupart des systèmes pour peu qu'ils soient compatibles NTSC.
Moins fourni que le disque du coffret consacré au quatrième opus de la série, le DVD de CASTLE OF FU MANCHU présente néanmoins le film dans une copie très propre avec de très rares défauts : la qualité de l'image est correcte et les défauts sont inhérents au montage choisi : les stock shots souffrent vraiment d'une qualité très pauvre par rapport aux plans filmés par Franco, que le transfert embellit ; on peut cependant constater une teinte un peu trop rosée, surtout dans les séquences à l'intérieur du repaire. Le format dans lequel nous est présenté le film est au ratio de 1.66:1 et le DVD est compatible 16/9ème. Codé sur deux canaux, le son est dans en mono très clair. Le disque, outre ces qualités, possède tout de même plusieurs bonus : la bande annonce (qui permet d'apprécier rétrospectivement le travail de nettoyage effectué sur l'image du film), les filmographies de Christopher Lee et de Jess Franco, un livret, reproduisant l'affiche et incluant une introduction de Tim Lucas de Video Watchdog. La galerie quant à elle, permet de découvrir quatre affiches du film (dans une faible définition) et une trentaine de photos d'exploitation.
Les morceaux de choix sont, comme sur l'autre disque du coffret consacré à l'asiate maléfique, d'une part l'interview croisée des différents participants au film : elle est en quelque sorte la suite de l'interview présente sur BLOOD OF FU MANCHU ; d'autre part, l'essai en format texte sur le personnage de Fu Manchu (également sur l'autre disque) regorge d'informations.
Dernier Fu Manchu interprété par Christopher Lee, THE CASTLE OF FU MANCHU déçoit par son scénario bâclé mais peut réjouir par son pastiche de films d'espionnage. Le DVD de très bonne facture permet en tout cas de le découvrir dans des conditions excellentes, si ce n'est la barrière de la langue pour les non anglophones.