Couple stable et harmonieux, Craig et Sherry Burton n'attendent plus qu'un enfant pour combler leur désir de famille. Lorsqu'ils font un soir l'amour dans leur chambre, ils sont dérangés par une aveuglante lueur bleutée. Reprenant leurs esprits, ils s'aperçoivent que plusieurs heures se sont écoulées alors qu'ils jureraient s'être mis au lit depuis seulement quelques minutes. Quand, les semaines passantes, Sherry tombe enfin enceinte, Craig se met en tête que l'enfant qu'elle porte est le résultat d'une insémination extra-terrestre.
L'amateur de fantastique connaît bien Brian Yuzna, le réalisateur de ce PROGENY. Producteur émérite, ce dernier est entré avec fracas dans le genre en finançant RE-ANIMATOR du complice Stuart Gordon. La connaissance accrue du processus de fabrication d'un film le poussera pourtant très vite à se coiffer lui-même d'une casquette de réalisateur. Avec régularité, Yuzna enquillera des séries B soignées et fonctionnelles (surtout adaptées au marché vidéo), qui resteront dans les mémoires pour une poignée de séquences franchement osées : le body piercing corsé de l'héroïne du RETOUR DES MORTS-VIVANTS 3, le segment outrageusement gore de NECRONOMICON ou la pornographie ultra organique du final de SOCIETY.
Mais si Yuzna est capable de tous les excès, il souffre également d'inégalité. Car mis à part les moments forts de ses séries B, le cinéaste a du mal à trouver l'inspiration qui sortirait sa mise en scène de l'académisme le plus total. L'exemple le plus flagrant étant SOCIETY, où Yuzna dirige son film comme un vulgaire sitcom télé pour l'achever par un denier quart d'heure encore à ce jour inégalé d'audace malsaine. Ce constat est autant la conséquence de contingences budgétaires très contraignantes que d'une certaine limite chez le cinéaste. Car Brian Yuzna ne cherche pas à être un auteur marquant du genre mais juste un bon artisan capable de tirer la meilleure efficacité de son script et de son budget, la qualité du film fini dépendant plus de ces deux derniers éléments.
Parent pauvre de la filmographie du cinéaste, PROGENY paye ici son manque de promesses gores puisque Yuzna s'attaque ici à de l'horreur psychologique. Une décision qui ne met pas en valeur les points forts du réalisateur puisque le film ne contient pas de séquences propices à d'audacieux dérapages. La narration étant construite quasi exclusivement autour de scènes dialoguées, Yuzna verse donc dans une neutralité de point de vu qui fait franchement passer PROGENY pour une production télévisée. Passé ce point, il faut reconnaître que l'ensemble se suit volontiers avec intérêt malgré un budget que l'on imagine encore plus anémique que jamais (soyons donc indulgents sur les effets spéciaux).
Le point fort de PROGENY est d'être bien écrit, tout simplement (à noter que Stuart Gordon lui-même est crédité comme co-scénariste). Renforcé par une interprétation solide, dont un Arnold Vosloo avant sa naturalisation égyptienne et un sobre Brad Dourif, le spectateur se prend vite au jeu de la paranoïa d'un homme persuadé que sa femme est enceinte d'une créature extra-terrestre. On pourrait ainsi comparer le film à un long épisode des X-Files de la grande époque. Ou alors, pour les plus exhaustifs, à un remake du téléfilm THE UFO INCIDENT avec James Earl Jones qui décrivait déjà en 1975 une histoire d'abduction en vue d'expérimentations sur les humains (et inspirée comme de bien entendu de véritables faits réels qui sont arrivés pour de vrai ! Enfin ?).
Bien que très sage dans la carrière de Yuzna, PROGENY décide malgré tout de tourner le dos à la suggestion en se montrant volontiers explicite dès que faire se peut. Est-ce à la demande de producteurs s'inquiétant de ne pas satisfaire les amateurs de fantastique, ou bien à un metteur en scène qui s'ennuie un peu ? Toujours est-il que PROGENY tire la moindre occasion de présenter des images fortes via l'exposition en détail des expériences aliens (contredisant de cette manière la tentative d'ambiguïté autour du dénouement final), ou encore via quelques plans bien saignants justifiés par le poste de chirurgien du personnage principal. Et comme ce n'est pas toujours suffisant, le film utilise plus que de raison le joker «sensations fortes» en représentant des séquences oniriques certes impressionnantes mais franchement usitées par de grosses ficelles. Qu'importe, PROGENY n'a pas été conçu pour révolutionner le genre mais tout simplement pour faire passer un moment honnête et distrayant à ses spectateurs. Mission réussie.
Habillage soigné, bonus abondants, l'édition DVD de PROGENY s'annonçait sous les meilleurs auspices. Malheureusement, passées les premières minutes de visionnage, l'utilisateur déchante bien vite. Le film est en Letterbox au format mais non anamorphosé pour le 16/9 et la qualité d'image est de bien mauvaise qualité compte tenu des standards actuels. La compression est très mal gérée, réservant aux séquences colorées du film un résultat peu flatteur. Un malheur n'arrivant jamais seul, l'étalonnage se montre également déconcertant puisque les noirs apparaissent littéralement bleutés ! Dommage puisque côté audio, la piste stéréo surround se montre d'une étonnante efficacité (une fois décodée en Pro Logic). Avis aux non-anglophones, aucun sous titres français n'est disponible.
Côté bonus, l'éditeur nous convie à une avalanche de suppléments dont la pertinence laisse un peu perplexe compte tenu de la nature de PROGENY (à savoir un petit film bricolé essentiellement pour le marché vidéo). Ce n'est donc pas un, mais deux commentaires audio qui nous sont proposés avec d'un côté Brian Yuzna et ses deux producteurs (Jack F. Murphy et Henry Seggerman) et de l'autre les scénaristes Stuart Gordon et Aubrey Solomon. Si les deux pistes sont plutôt agréables et rythmées, il faut reconnaître que les propos tournent vite court, passé le récit de la mise en chantier du film vu par chacun des intervenants. Reste une gentille paraphrase de la narration du film, ponctuée de quelques détails malgré tout intéressants. Ces deux commentaires auraient sans aucun doute mérité d'être fusionnés en un seul pour plus de fluidité.
Le disque propose également un rapide Making Of en musique des créatures du film, trois scènes storyboardées à comparer en multi angle avec le résultat fini, trois tonnes de biographies des acteurs ou des membres de l'équipe, la bande-annonce, un quizz style «QCM» pour tester ses connaissances en paranormal et une galerie de photos d'exploitation. Passons sur ces réjouissances franchement inégales pour nous arrêter sur deux séries d'interviews. L'une donne la parole à de véritables abductés et à un psy spécialiste des régressions par l'hypnose (bien entendu, on laisse le soin à chacun d'entre vous de juger de la pertinence de tels propos), tandis que l'autre voit défiler le casting, Yuzna et les producteurs pour des entretiens express. Tournant autour des mêmes questions (comment êtes-vous venu sur le film ?, comment êtes-vous entré dans l'histoire ?...), l'ensemble est à nouveau plaisant à défaut d'être passionnant. Un détail qui en dit long sur le soin apporté à cette édition : il n'y a pas de couche bleue sur l'image de cette série d'interviews ! L'étonnante teinte qui en résulte s'explique vraisemblablement par une erreur du câblage composante lors de la masterisation du bonus. La classe !
Excellant dans la bizarrerie et le grotesque, Brian Yuzna se montre beaucoup moins inspiré dès qu'il s'agit de mener un récit un tant soit peu classique. En jouant la carte de l'horreur psychologique, PROGENY prive donc le cinéaste d'espaces de dérapages. Reste un film rondement mené et sans prétentions qui, s'il ne restera pas bien longtemps en mémoire, ne manquera pas de faire passer un bon moment à ses spectateurs… à condition de ne pas se montrer trop exigeant sur la piètre qualité de cette édition.