Après avoir échappé à la guillotine, le Baron Frankenstein disparaît
dans la nature. On le retrouve, trois ans plus tard, installé comme
praticien dans une nouvelle ville, sous un faux nom. Et son affaire
marche tellement bien qu'elle génère la jalousie d'un groupe de ses
confrères, qui voient d'un mauvais il sa présence sur leur "territoire".
Néanmoins, un des plus jeunes d'entre eux, qui a reconnu le Baron, semble
désireux de rejoindre Frankenstein afin d'étancher sa soif de savoir.
Le Baron, ravi de rencontrer un esprit qui partage son approche de la
science, l'enrôle dans son équipe et lui révèle son projet secret...
On prend (presque) les mêmes et on recommence ! Et oui, à l'exception de Christopher Lee, le générique présente les mêmes noms que les deux précédents succès de la Hammer, FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ et LE CAUCHEMAR DE DRACULA. On y retrouve donc Terence Fisher aux commandes, Jimmy Sangster à l'écriture et Peter Cushing dans le rôle principal. Mais l'absence de Christopher Lee ou, du moins, l'absence d'une réelle Créature, aura une influence défavorable sur le succès populaire du film...
Pourtant la Créature de Frankenstein et Dracula étaient loin de monopoliser les projecteurs et la caméra, dans les deux premiers films... En effet, Christopher Lee y est très peu visible. Même dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA, dans lequel il interprète le rôle-titre, on le voit très peu à l'écran. Il reste cependant omniprésent grâce à la mise en scène de Fisher. Le climat créé par le réalisateur est tellement oppressant que l'on peut ressentir, en permanence, l'ombre du Comte Dracula qui enveloppe les protagonistes de l'histoire.
Dans FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ, Fisher et Sangster se sont volontairement démarqués de l'histoire originale pour recentrer leur film sur le personnage du Baron. C'est donc tout naturellement que la Créature apparaît peu à l'écran. Mais là encore, le récit de Sangster et la mise en scène de Fisher rendent la Créature quasi-omniprésente. La terreur s'immisce d'ailleurs d'autant mieux que le vrai monstre, c'est le Baron. Fisher alterne d'ailleurs habilement les séquences nous présentant le Baron en société, toujours très respectable, et le Baron chez lui, dans son laboratoire, où seule la réussite de son projet importe, quel qu'en soit le prix...
Et c'est cette orientation qui a été conservée, dans LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN. Le film commence là où FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ s'est arrêté. Le Baron est emmené de son cachot jusqu'à l'échafaud. Là, Terence Fisher ne s'amuse pas à générer un pseudo-suspense stérile et nous révèle très rapidement que, lorsque le couperet est tombé, ce n'est pas la tête de Frankenstein qui a été tranchée Puis il accélère encore un peu l'écoulement du temps et nous projette trois ans en avant, dans une autre cité.
Manifestement, le Baron a adopté un profil bas. Il exerce à nouveau la médecine, sous une autre identité. Il semble par contre s'être un peu éloigné de cette bourgeoisie (ridicule, comme toujours chez Fisher) dont il faisait partie jadis. La majeure partie de son temps, il la passe à soigner des nécessiteux et on pourrait presque croire que Frankenstein a retrouvé le droit chemin... Cependant une note d'humour noir à propos du bras d'un pickpocket nous confirme rapidement que la nature de ses projets reste probablement inchangée...
Un des intérêts
du film réside d'ailleurs dans cette évolution du Baron. Sa dualité
est tellement moins évidente qu'on peut (presque) se demander si la
part monstrueuse de Frankenstein ne s'est pas dissipée. Mais le récit
s'applique discrètement à nous " rassurer "... Tout au long
du film, des informations sont distillées et nous permettent de mesurer
l'horreur des expériences menées par le Baron depuis trois ans. Et de
son côté, Frankenstein s'amuse régulièrement à lâcher quelques petites
phrases remplies de sous-entendus... Par ailleurs, ses colères sont
beaucoup plus rares et plus brèves. Loin des pertes de sang froid de
FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ,
le Baron apparaît beaucoup plus sensé et plus scientifique.
Ainsi, lorsqu'il présente ses projets à Hans, son assistant, on est partagé entre deux sentiments opposés. Car l'acte du Baron semble noble au premier abord, mais qu'en est-il de ses motivations ? Et c'est toute la subtilité du personnage de Frankenstein qui parvient à dissimuler ces expériences de dément à son entourage, en les présentant comme des actes humanitaires. La mise en scène de Fisher met d'ailleurs merveilleusement en valeur l'ambiguïté de la situation. LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN est en effet enrichi d'une charge dramatique qui prend presque le pas sur l'horreur pure. En effet, même si elle est toujours présente, l'horreur est très peu montrée : elle est souvent évoquée, racontée, dite, mais ne perd jamais de son impact
Ainsi, LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN soulève deux interrogations concernant, d'une part, le prix du progrès et, d'autre part, la place de l'éthique dans la recherche médicale. Ces deux thèmes sont d'ailleurs abordés bien plus ouvertement que dans le premier film ou dans le roman de Mary Shelley. Terence Fisher ira encore plus loin dans cette direction pour LE RETOUR DE FRANKENSTEIN. Dans cet avant-dernier film, le plus gore de la série, la plupart des protagonistes sont des médecins, qu'ils soient victimes ou alliés (contraints) du Baron, et aucun n'est présenté de façon avantageuse...
Le DVD de Columbia nous propose le film, au format respecté (et anamorphique). Warner, qui a recadré les deux Fisher précédents en 1,77:1, devrait en prendre de la graine ! Mais ne nous réjouissons pas trop vite... Certes, le transfert numérique a quelques qualités. La définition est notamment meilleure que celle du DVD de FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ, qui paraissait un peu flou, par instants. Malheureusement, c'est la copie utilisée qui déçoit. Pour commencer, elle est couverte de petits défauts de pellicule. Mais surtout, il s'agit apparemment d'une copie Eastmancolor et non Technicolor (procédé pourtant utilisé pour ce film). Résultat : les images sont ternes et on est loin des couleurs flamboyantes observées sur LE CAUCHEMAR DE DRACULA ou FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ...
Une seule piste son est proposée, en mono d'origine. Elle est très acceptable. On a par ailleurs le choix entre les sous-titres anglais, français et japonais. Là encore, on peut relever une faute de goût de la part de Columbia puisque les sous-titres sont jaunes et très volumineux. Côté suppléments, on a vite fait le tour. La galerie de photos, notamment, est ridicule tant elle est courte ! Il y a également trois bandes-annonces : celle du film de Fisher, celle des SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT et celle de LA PROMISE (sombre remake de LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN, avec Sting et Jennifer Beals).
LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN est une digne suite à FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ. Même si le film a été boudé par le public, il a d'énormes qualités. L'absence de réelle Créature n'enlève rien à son impact, au contraire ! En effet, toute l'histoire est ainsi recentrée sur le véritable monstre : le Baron Victor Frankenstein. Peter Cushing apporte d'ailleurs une nouvelle dimension à ce personnage, qui en devient encore plus terrifiant. En outre, le rôle de Karl, qui se substitue à la Créature, donne une perspective dramatique inédite au film et permet de soulever plus ouvertement des questions de fond. Moins spectaculaire et moins envoûtant que son prédécesseur, LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN est peut-être au final un film plus intéressant... Quel dommage que Columbia n'ait pas soigné un peu plus cette édition !