Troisième réalisation de Robert Wise pour la RKO, LE RECUPERATEUR DE CADAVRES est une totale réussite. Partant d'un livre de Robert Louis Stevenson, inspiré d'un fait divers réel lui-même adapté plusieurs fois au cinéma par la suite. Ainsi, on notera LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS (THE DOCTOR AND THE DEVILS) de Freddie Francis avec Timothy Dalton même s'il n'y a pas de lien direct avec le livre de Robert Louis Stevenson et surtout L'IMPASSE AUX VIOLENCES. Le film nous parle d'un thème universel et qui reste, encore à ce jour, d'actualité. On y parle de l'éthique des scientifiques prêts à tout pour faire avancer leur travail. Ici, un professeur ferme les yeux sur la provenance douteuse des cadavres qui lui sont amenés pour parfaire l'éducation de ses éleves chirurgiens. La loi étant trop stricte, il n'hésite donc pas à payer des cadavres fraichement deterrés à un cocher avec lequel il semble partager un lourd secret. Un lien un peu trop étroit qui finira par les mener tous les deux à leur perte. Mais ce qui est réellement intéressant dans le récit, c'est que les personnages ne sont pas manichéens. D'ailleurs, les méthodes du chirurgien ne s'avèrent-elles par être payantes puisqu'une petite fille se voit guérie d'une paralysie. Ironie du sort, elle se retrouvera sur pied grâce au chirurgien mais aussi à une part de bienveillance de Gray au tout début du récit envers elle. Une histoire qui soulève donc de vraies questions. Auxquelles ni l'histoire développée dans le film et ni le réalisateur ne vous donneront des éléments de réponse. Préférant rester en retrait et laisser le spectateur se forger sa propre opinion.
Boris Karloff restera à tout jamais le visage d'un monstre. Celui de la créature de Frankenstein. Une figure qui a traversé les decennies pour finalement s'imposer comme l'image que tout le monde connait. Et pourtant ? Derrière le maquillage se cache un acteur. Ecrasé par un mythe, beaucoup l'ont hélas oublié. Boris Karloff n'était donc pas seulement doué pour donner vie à des monstres sous une tonne de maquillage (une momie, par exemple...). Et LE RECUPERATEUR DE CADAVRES arrive à point nommé pour remettre les pendules à l'heure. Méconnaissable, ou plutôt reconnaissable, l'homme joue avec une grande subtilité à visage découvert et dans un grand rôle. Tour à tour inquiétant, gouailleur voire charmeur, chacune de ses apparitions est un pur régal. Et c'est là, la force de l'interprétation de Boris Karloff, il rend attachant un personnage qui aurait pu être réellement détestable. Et lorsque l'on comprend la raison d'être de ce cocher et pourvoyeur de cadavres, l'émotion est à son comble.
Pour la petite histoire, dans le scénario original, Bela Lugosi n'avait pas sa place. Pourtant, la RKO insista pour que l'acteur intégre la production et ce contre l'avis de Val Lewton lui-même. Déjà à cette époque, les desiderata commerciaux influaient sur la création cinématographique. Le studio voulait réunir les deux monstres du cinéma fantastique de l'époque. Le rôle de portier qui lui est dévolu est donc assez mineur. Pourtant, la scène où il retrouve Boris Karloff est magnifique, ne serait-ce que dans les dialogues entre ces deux personnages.
Sur le DVD, les plus curieux qui laisseront le film se dérouler après le "The End" seront étonnés de voir un logo de Colorimage ainsi que de Chace Surround. Que font-ils à cet endroit ? Difficile à dire. Si l'on s'en refère à un copyright qui apparait tout à la fin, il semblerait que le master utilisé pour cette édition DVD soit en fait celui d'une version colorisée refaite à la fin des années 90. Présenté ici dans son noir et blanc d'époque, on imagine que l'éditeur a donc supprimé la couleur. Plutôt étonnant mais rien ne nous permet de l'affirmer à 100%. Toutefois, il faut dire que l'image est rudement jolie pour une oeuvre qui dépasse les cinquante ans. Il en va de même pour la bande-sonore qui est sans défaut. Mais une fois de plus, le logo Chace Surround pourrait faire penser que le master utilisé aurait été remixé en Stéréo Surround. Tout cela est bien étrange, donc ! Le résultat est pourtant excellent si l'on excepte l'impression que les personnages sont légérement détourés. Les seuls suppléments sont des extraits des films sortis en même temps chez le même éditeur.
LE RECUPERATEUR DE CADAVRES est donc la petite perle méconnue de la collection de neuf films fantastiques édités par les Editions Montparnasse.