En 568, cela fait presque un siècle que l'Empire romain d'occident a été définitivement détruit par Odoacre, roi des Hérules. Les villes de la péninsule italienne sont alors soumises aux assauts de troupes barbares. La cruelle armée des lombards, dirigée par le roi Alboïn, envahit le Nord de l'Italie et massacre les habitants de la ville de Vérone. Les survivants de ce raid sanglant décident de résister tant bien que mal à ces envahisseurs impitoyables en harcelant les troupes lombardes laissées en garnison dans leur ville par Alboïn, parti conquérir Milan... Parmi ces résistants, Emilio, dont le père a été tué par les lombards, se montre le plus héroïque…
LA TERREUR DES BARBARES est un péplum tourné en Italie au moment de l'apogée de ce genre dans ce pays. Il est réalisé par Carlo Campogalliani, vénérable réalisateur italien qui s'était notamment illustré en réalisant plusieurs "Maciste" à la fin des années 1910. Surtout LA TERREUR DES BARBARES est le troisième péplum à mettre en scène l'acteur américain Steve Reeves. Nommé "Monsieur Univers" en 1950, ce culturiste tente d'abord, en vain, de se faire une place à Hollywood. Puis il est repéré par un producteur italien qui le choisit pour tenir le rôle principal du péplum mythologique LES TRAVAUX D'HERCULE de Pietro Francisci en 1957. C'est un triomphe, notamment aux États Unis. Steve Reeves devient enfin une star et la même équipe se retrouve aussitôt après pour HERCULE ET LA REINE DE LYDIE. Cela va marquer le démarrage d'une vague de "muscle-opera" et de péplums mythologiques mettant en scène des héros capables d'accomplir des exploits physiques tellement invraisemblables qu'ils relèvent du domaine du fantastique. On rencontre alors de nouvelles aventures du demi-dieu grec Hercule, du romain Maciste, de personnages bibliques (Samson, Goliath...)... Assez rapidement, l'alibi fantastique va servir à cautionner des débordements délirants (Maciste combat des extra-terrestres dans MACISTE CONTRE LES HOMMES DE PIERRE ou vit des aventures au temps des tsars russes dans MACISTE A LA COUR DU TSAR...) et le déclin de ce genre va devenir inéluctable. Le muscle-opera sera remplacé dans l'industrie italienne à partir du milieu des années 60 par les westerns spaghetti et les films d'espionnage inspirés par les succès des James Bond.
LA TERREUR DES BARBARES se situe donc, dans la carrière de Steve Reeves, juste après HERCULE ET LA REINE DE LYDIE. Il tournera ensuite d'autres péplums, tels LES DERNIERS JOURS DE POMPÉI de Mario Bonnard et Sergio Leone, LA BATAILLE DE MARATHON commencé par Jacques Tourneur et terminé par Mario Bava... Il cherche aussi à se diversifier en s'orientant vers l'exotisme, avec LE VOLEUR DE BAGDAD, se voulant dans la lignée du chef d'oeuvre du même nom interprété par Douglas Fairbanks dans les années 1920. Dans le même style, il incarne le prince malais Sandokan, personnage de la littérature populaire italienne, dans SANDOKAN, LE TIGRE DE BORNEO et LES PIRATES DE MALAISIE, tous deux signés Umberto Lenzi. Steve Reeves est aussi la vedette du film de pirates CAPITAINE MORGAN d'André de Toth et Primo Zeglio. LE FILS DE SPARTACUS de Sergio Corbucci, sorti en 1963, est son dernier péplum. Il s'éloigne du milieu du cinéma après 1964 et ne tente qu'un come back en 1967 avec le western italien L'EVADE DE YUMA, avant de mettre un terme définitif à sa carrière d'acteur. Il aura néanmoins marqué de son empreinte musclée le péplum italien de l'après-guerre dont il aura été la plus célèbre vedette. On a parfois ricané de son jeu dramatique relativement limité. Il est néanmoins indéniable qu'il bénéficiait bien d'un vrai physique de héros, et qu'on ne mettait jamais en doute la conviction des personnages qu'il incarnait lorsque ceux-ci luttaient contre des tyrans ou défendaient la veuve et l'orphelin.
Le film qui nous intéresse ici, LA TERREUR DES BARBARES, se veut a priori un péplum plus historique que mythologique. Il se base sur un fait réel de la fin de l'antiquité romaine (l'invasion lombarde de 568) et met en scène des personnages n'ayant pas de pouvoirs surnaturels. Enfin... Emilio, qu'interprète Steve Reeves, accomplit tout de même des exploits physiques absolument inimaginables pour n'importe quel être humain, même très fort : certaines de ses prouesses seraient tout à fait à leur place parmi les travaux d'Hercule (les épreuves de vérité par exemple). Emilio, chef des résistants romains, va multiplier les escarmouches et les sabotages pour lutter contre les lombards. Il va notamment se grimer en homme-bête afin de terrifier les barbares superstitieux. Mais le récit s'organise aussi, péplum oblige, autour de complots et d'intrigues de cour complexes parmi les lombards. Ainsi, le brutal Igor et son âme damnée, le sournois Suevo, tentent de discréditer Delfo, chargé de la garnison restée à Vérone. Cela va encore se compliquer quand Emilio et la fille de Delfo vont s'éprendre l'un de l'autre. Cet amour interdit va confronter les deux amants à des dilemmes déchirants...
Dans la catégorie des péplums italiens, LA TERREUR DES BARBARES se place d'emblée dans le haut du panier par certaines de ses caractéristiques. D'abord, les moyens sont bien là. Abondante figuration, vastes et magnifiques décors (le palais de Vérone, le camp des barbares...), costumes soignés, musique entraînante, spectaculaire charge de cavaliers, danseuse lombarde se livrant à des chorégraphies troublantes... Il ne s'agit certes pas d'une sous-production fauchée comme on en a pourtant tourné pas mal au début des années 1960 en Italie. La réalisation est assez vivante dans les scènes d'action et certains combats sont spectaculaires. Ainsi l'irruption d'Emilio déguisé en homme-bête et armé d'une énorme massue dans le campement des lombards donne lieu à un combat tout à fait "barbare". L'affrontement final est aussi riche en péripéties bondissantes. Les scènes de tortures sont fréquentes et parfois assez brutales (notamment les mises à mort des pacifiques chrétiens lors des représailles dirigées par l'infect Suevo). Pourtant, on retrouve certains défauts inhérents à ce cinéma. Le manichéisme est de mise dans la description des personnages et l'intrigue est pour le moins prévisible. Certaines séquences de palabre sont assez ennuyeuses et mises en scène sans aucune imagination. L'action a parfois tendance à rester au point mort un peu trop longtemps. L'interprétation est assez morne... Néanmoins, en fin de compte, LA TERREUR DES BARBARES se situe tout de même dans la bonne moyenne de ce style de films et devrait satisfaire les amateurs de péplum latin.
Par contre, il faut tout de même signaler certains problèmes liés à cette édition. En général, LA TERREUR DES BARBARES est signalé comme durant aux alentours de 95 minutes. Or, la copie ici présentée ne dure que 78 minutes. Il semble donc qu'on ait affaire à une version raccourcie de ce film, ce qui paraît confirmé par certaines coupures assez brutales. Qui plus est, le DVD est signalé comme étant 4/3. Si on le regarde ainsi, le format de l'image tourne autour de 1.70, et on constate que les figures sont assez "maigres", comme anamorphosée. Or, en commutant l'image de son téléviseur en 16/9 (si on a un téléviseur qui propose cette option...), on obtient un format d'image 2.30 (proche du cinémascope, donc) et un rendu des formes beaucoup plus naturel ! Un souci de ce genre s'était déjà produit avec le disque Baruck de CONAN LE BARBARE. De toute manière, la qualité de l'image n'a rien de transcendant : les couleurs sont très pâles, une dominante verte est souvent très visible, la définition devient impressionniste dans les scènes sombres… Il semble qu'on ait affaire à un master vidéo assez fatigué. Le chapitrage est limité à seulement 6 chapitres.
La piste son n'appelle pas de commentaire particulier, si ce n'est que seule la version française nous est proposée. Pas de VO à signaler, donc. On a affaire à un mono d'époque assez criard, mais sans souffle ou craquement trop saillant.
En guise de bonus, le DVD nous propose des filmographies de Steve Reeves, de l'actrice Chelo Alonso, et du réalisateur Carlo Campogalliani, avec seulement les titres originaux des films (pas les titres français, donc). Un diaporama nous propose de consulter onze captures d'écran prélevées dans le film. Enfin, on trouve des extraits des autres titres de la collection de péplums à laquelle appartient ce DVD (LE GÉANT DE THESSALIE, THOR LE GUERRIER…).
En matière de péplum, LA TERREUR DES BARBARES est un film plutôt intéressant et réussi, même s'il n'atteint pas le degré de qualité des plus grands classiques du genre. La sortie d'un film avec Steve Reeves reste de toute façon un évènement à saluer pour les amateurs de cinéma populaire italien. Toutefois, la qualité de cette édition est décevante (image anamorphosée, pas de VO, version raccourcie du film…), surtout au prix relativement élevé auquel il est vendu.
