En Russie, le tout-puissant et tyrannique tsar Nicolas Nicolaievitch
envoie une expédition menée par le savant Akim dans des
terres reculées afin d'y retrouver un trésor fabuleux
abandonné par les chinois au temps lointain des grandes invasions
barbares. Dans la grotte où se trouve ce fabuleux butin, Akim
découvre, dans un cercueil, le corps du colosse Maciste (Mirko
dans la VF), miraculeusement conservé grâce à la
très basse température ambiante. Maciste est ramené
à la vie. Nicolas tente d'en faire un outil au service de son
pouvoir autocratique, mais Maciste prend néanmoins le parti du
peuple russe opprimé...
Le personnage de Maciste n'est pas issu de la mythologie antique. Il s'agit en fait d'un personnage inventé au cinéma dans le péplum CABIRIA de Giovanni Pastrone, film italien très influent tourné en 1914. Le colosse Maciste y était l'esclave d'un praticien romain. Interprété par un docker génois Bartolomeo Pagano, ce géant ne joue qu'un rôle secondaire dans CABIRIA, mais il devient si populaire qu'une longue série de films muets va mettre Maciste/Bartolomeo Pagano en vedette, de MACISTE (1915) à MACISTE DANS LA CAGE AUX LIONS (1925/1926). Toutefois, ces aventures avaient la particularité de prendre des cadres historiques et géographiques très variés, ne faisant que rarement appel à l'histoire antique. Une énumération de quelques titres permet de se rendre compte de cette diversité : MACISTE DÉTECTIVE, MACISTE MÉDIUM, MACISTE ET LE NEVEU D'AMERIQUE... En commun, ces titres n'ont que le personnage central du brave géant Maciste, dont la défroque varie selon les époques et les lieux de ses aventures.
Le péplum italien renaît dans les années 1950, quand les américains commencent à tourner des fresques historiques en Europe et particulièrement en Italie : ainsi la superproduction hollywoodienne QUO VADIS de Mervyn LeRoy est filmée à Rome en 1951, tout comme le sera BEN HUR de William Wyler. Les italiens décident de se mettre à ce genre, notamment à travers le travail du précurseur Riccardo Freda : SPARTACUS avec Massimo Girotti, dès 1952 ; THÉODORA, IMPÉRATRICE DE BYZANCE avec Gianna Maria Canale... Le domaine du péplum mythologique n'intéresse pas trop les américains, qui préfèrent les sujets historiques ou les histoires religieuses inspirées de la Bible. L'antiquité fantastique va donc rapidement devenir le terrain de prédilection du cinéma italien. Ainsi la prestigieuse firme Lux produit en 1954 ULYSSE de Mario Camerini, avec Kirk Douglas dans le rôle principal, qui est un gros succès commercial. Vient ensuite en 1957 LES TRAVAUX D'HERCULE de Pietro Francisci, une production moins ambitieuse, mais qui connaît aussi un énorme succès et fait du culturiste américain Steve Reeves une vedette internationale. C'est le début de la mode du "muscle opera" mettant en scène des héros de l'antiquité très baraqués, capables d'accomplir des exploits physiques inouïs.
On a alors l'idée de faire revenir Maciste, héros populaire du cinéma italien par excellence. Cela se fait avec LE GÉANT DE LA VALLÉE DES ROIS en 1960. Ce film est réalisé par le vétéran Carlo Campogalliani, qui avait réalisé plusieurs Maciste muets interprétés par Bartolomeo Pagano à la fin des années 1910. Il venait d'ailleurs de tourner le péplum LA TERREUR DES BARBARES avec Steve Reeves en 1959. Plus de vingt Maciste seront tournés en Italie de 1960 à 1964, date du GRAND DÉFI, dernier film de cette vague à mettre en scène ce personnage.
C'est un Maciste assez tardif qui nous est proposé ici en DVD. LE TRÉSOR DES TSARS date en effet de 1964. Le rôle de Maciste est tenu par Kirk Morris (Adriano Bellini de son vrai nom), vedette du muscle opera qui interprètera plusieurs fois ce rôle, dans MACISTE EN ENFER de Riccardo Freda par exemple. LE TRÉSOR DES TSARS est réalisé par Tanio Boccia, sous le pseudonyme d'Amerigo Anton. Il est à noter que Kirk Morris et Tanio Boccia ont souvent tourné ensemble dans les années 1960 : citons LE TRIOMPHE DE MACISTE, MACISTE ET LES FILLES DE LA VALLÉE, SAMSON L'INVINCIBLE ou le film d'aventures LE VAINQUEUR DU DÉSERT...
Dans la série des Maciste des années 1960, le héros avait une furieuse tendance à se balader dans le temps et l'espace. Les premiers films vont se dérouler au cours de l'Antiquité à des dates et des endroits variables (Egypte, Grèce, Rome...). Mais rapidement, Maciste se retrouve dans des sites et à des périodes qui n'ont plus guère de rapport avec le péplum : on le rencontre dans un monde préhistorique (MACISTE CONTRE LES MONSTRES de Guido Malatesta), en Écosse (MACISTE EN ENFER de Riccardo Freda), dans l'Empire mongol du XIIème (LE GÉANT A LA COUR DE KUBLAI KHAN de Riccardo Freda), dans l'Espagne du XVIème siècle (MACISTE CONTRE ZORRO d'Umberto Lenzi) ou dans l'Amérique pré-colombienne (TARZAN CONTRE LES COUPEURS DE TÊTES, qui est en fait un Maciste réalisé par Guido Malatesta) !
Dans LE TRÉSOR
DES TSARS, on retrouve donc Maciste en pleine Russie. Toutefois,
il n'est pas aisé de dater précisément cette aventure.
Certes, on a affaire à un tsar Nicolas Nicolaievitch. Le titre
de tsar n'étant apparu qu'au milieu du XVIème siècle
et, vu les vêtements et les architectures, on serait tenter de
situer cette histoire vers la fin du XVIème siècle ou
le début du XVIIème siècle. De toute façon,
le premier tsar Nicolas à avoir réellement régné
dans ce pays a vécu à la fin du XVIIIème siècle
et au début du XIXème siècle, période à
laquelle l'architecture russe n'avait plus rien à voir avec la
forteresse médiévale proposée dans ce film. Qu'importe
! La Russie est ici surtout un pays coloré et plein de dangers,
servant de décor exotique à ces nouveaux exploits de Maciste.
Ce cadre évoque aussi bien le classique du cinéma populaire
italien L'AIGLE NOIR de Riccardo
Freda d'après Pouchkine que MICHEL STROGOFF de Carmine
Gallone d'après Jules Verne, ou même un peu IVAN
LE TERRIBLE d'Eisenstein
pour ses intrigues de cour !
Afin d'expliquer "rationnellement" la présence de Maciste à cette époque, LE TRÉSOR DES TSARS fait retrouver l'homme le plus fort du monde, congelé, par des archéologues russes. Que faisait Maciste dans cette contrée et comment s'est-il retrouvé dans cette situation ? Mystère... Il n'en reste pas moins que ces aventuriers parviennent prestement à ramener le héros antique à la vie. Or la Russie est alors dirigée par le très cruel tsar Nicolas, véritable incarnation du mauvais gouvernement : après avoir tué son propre père pour accéder au pouvoir, il écrase son peuple sous les impôts et les servitudes, tout en se divertissant dans d'onéreuses fêtes et en organisant des supplices publics tout à fait sadiques. Le peuple, opprimé, tente de se révolter. Mais les rebelles qui sont pris par les terribles soldats du tsar sont torturés jusqu'à la mort. Nicolas tente de faire de Maciste son allié. Mais celui-ci est un homme de convictions, et il refuse de se mettre au service du tyran...
On notera au passage que, dans la version française, il n'est jamais question de Maciste : le bon géant est ici appelé Mirko. Toutefois, on retrouve bien les recettes de la série des Maciste. Tyran cruel, courtisane perverse, populace opprimée, scènes de torture, bagarre, jets de rochers en tous genres... Rien ne manque. Le récit recèle quelques séquences spectaculaires comme l'assaut des pillards contre la caravane des archéologues, l'écartèlement de Maciste sur la place publique par deux attelages de chevaux, Maciste projetant une énorme vasque de bronze sur les gardes du tsar... Les décors, en studio ou en extérieur, sont variés, la figuration paraît suffisante, la réalisation des scènes d'action est correcte. Bref, c'est plutôt du bon travail, surtout si on compare LE TRÉSOR DES TSARS au désastreux MACISTE ET LES FILLES DE LA VALLÉE, une autre collaboration Kirk Morris-Tanio Boccia sortie récemment en DVD.
Toutefois, on peut tout de même regretter une légère surabondance de dialogues terriblement prévisibles et bien peu captivants, ainsi que des intrigues de cour assez pauvres (la courtisane et l'éminence grise de service tiennent des rôles un peu effacés). Cela pourra tout de même énerver les spectateurs les moins patients. L'interprétation est globalement correcte. Kirk Morris n'a certes pas le physique noble d'un Steve Reeves et on peut trouver ses traits et son jeu dramatique un peu épais. Toutefois, rappelons, que Maciste n'est pas un demi-Dieu, mais un héros simple, un ancien esclave, qui met ses muscles, et non son cerveau, au service des opprimés du monde entier. Il n'est donc pas anormal qu'il n'ait pas la même prestance que l'interprète du fils de Jupiter ! La conviction de Kirk Morris n'est de toute façon pas à mettre en doute, notamment dans les séquences d'effort physique où son visage exprime avec une intensité expressionniste l'effort surhumain qu'il accomplit (certains esprits chagrins ont d'ailleurs qualifié son interprétation de grimacière...).
En ce qui concerne l'image de ce DVD, on signale d'abord que le format scope a été légèrement recadré. Il est bien plus proche du 2.0 que du 2.35. Cela entraîne des cadrages un peu trop serrés, ce qui est particulièrement évident lors du générique. Signalons au passage que ce générique est celui d'une copie française d'époque, agrémenté de dessins illustrant les exploits de Maciste au moyen d'un style naïf tout à fait charmant ! Il n'en reste pas moins que la copie semble à peu près complète et que la luminosité, les couleurs, la compression et les contrastes sont plutôt bien gérés. Toutefois le cadrage est légèrement instable, et on peut remarquer quelques saletés par moments. Mais dans l'ensemble la qualité de l'image est plutôt correcte si on veut bien prendre en compte qu'il s'agit d'un film assez ancien et rare.
En son, on ne trouve, comme toujours dans cette collection, qu'une VF d'époque en mono, relativement propre, même si elle est un peu criarde et si on entend parfois des craquements et du souffle. Cette bande-son souffre toutefois d'un défaut assez énervant : sur une paire d'enceintes, on constate que le son sort comme si les deux canaux n'étaient pas en phase. Cela provoque un équilibre sonore désagréable et une grande difficulté à localiser la source sonore dans l'espace. Bref, c'est très dérangeant. Une seule solution : il faut permuter les fils + et - aux bornes d'UNE SEULE des deux enceintes et tout rentre dans l'ordre pour la consultation de ce film. Après avoir regardé LE TRÉSOR DU TSAR, n'oubliez pas de rebrancher votre enceinte dans le bon sens ! On trouve aussi ce défaut sur le DVD MACISTE ET LES FILLES DE LA VALLÉE dans la même collection.
En ce qui concerne les bonus, on retrouve, comme sur les autres DVD de cette série, des filmographies sélectives ne présentant que les titres originaux des films (ici pour les acteurs Kirk Morris et Massimo Serato, ainsi que pour le réalisateur Tanio Boccia), un diaporama de onze captures vidéos du film, ainsi que des extraits des autres titres de cette collection dédiée aux péplums.
LE TRÉSOR DES TSARS est un film plutôt agréable et une honnête introduction à la série des Maciste. On peut donc se réjouir de sa sortie en DVD en France, d'autant plus que cette oeuvre est apparemment inédite en DVD dans le reste du monde. Regrettons tout de même que, techniquement, ce DVD soit un peu décevant.