LA FELINE avait séduit le public l'année de sa sortie et représente
encore aujourd'hui l'un des grands classiques du 7è Art. Consciente
de ce succès, qui à l'époque l'avait sauvée de justesse de la faillite,
la RKO commanda une suite au scénariste. On retrouve donc ici tous les
personnages du premier volet, mais on s'interroge encore sur le titre
de cette séquelle. En effet, il n'y a pas une once de malédiction et
ni homme-chat, ni femme panthère, ni même une toute petite référence
à la légende qui, dans LA FELINE,
tissait la trame du scénario. Le seul lien avec la première histoire
est le couple formé par Kent
Smith et Jane Randolph,
qui a convolé depuis en justes noces. De cette union est née une délicieuse
petite fille un peu trop rêveuse, qui sera au coeur de cette nouvelle
intrigue. L'enfant, fille unique du couple, éprouve des difficultés
à communiquer avec ses petits camarades, et s'invente des histoires
pour égayer sa solitude, ce qui n'est pas sans inquiéter son père, qui
se souvient encore de la folie qui avait gagné peu à peu Irena, sa première
femme. Hanté par ce souvenir, il pousse sa fille à fréquenter les autres
enfants, craignant qu'elle ne sombre dans une sorte de schizophrénie
fatale, comme la belle "féline". Malgré les efforts de la petite fille,
aucun enfant ne veut jouer avec elle. On connaît bien la cruauté dont
sont capables les enfants, et leur méchante propension à isoler ceux
qui ne sont pas comme eux. Ils trouvent Amy "bizarre" et n'hésitent
pas à la montrer du doigt, à la railler et à lui signifier qu'elle dérange.
Ce film tient plus du conte
pour enfants que du film d'épouvante cher à Jacques
Tourneur, mais il constitue une bonne approche de l'univers des
enfants. La petite fille, soucieuse de faire plaisir à son père s'invente
une compagne de jeux dont elle n'arrive pas à matérialiser l'image,
manquant de références acceptables. Lorsqu'elle voit une photo d'Irena,
l'amie imaginaire prend son apparence féerique, et la beauté de celle-ci
met l'enfant en confiance. Face à un monde qui la presse ou la maltraite,
elle se réfugie dans la douceur et la tendresse de cette amie et en
fait sa partenaire pour jouer dans le jardin familial. Malheureusement,
les adultes ne comprennent pas grand-chose aux enfants, à moins de les
côtoyer régulièrement, comme l'institutrice du film. Il n'y aura qu'elle
pour dire au père que les enfants ont besoin de s'inventer des histoires
et qu'il ne faut pas y voir une quelconque anomalie. Les parents ne
sont pas forcément les mieux placés en ce qui concerne l'éducation des
petits, et ont souvent tendance à projeter leurs propres angoisses sur
leur progéniture, comme on le voit très clairement dans le film qui
nous intéresse ici. La conception de la normalité du père est donc remise
en question par l'institutrice, permettant de sauver l'enfant d'une
mort certaine. On peut voir dans cette idée, la représentation métaphorique
des conséquences d'une éducation trop pesante sur l'avenir des enfants.
Par exemple, nombreuses sont les personnes qui présentent de graves
troubles de la personnalité dont l'origine remonte à l'enfance. Cet
aspect est d'ailleurs en quelque sorte présenté avec la
famille Farren dont le personnage de la fille n'est autre que Elizabeth
Russell également au générique de LA
FELINE.
A l'époque du tournage de LA MALEDICTION DES HOMMES-CHATS, Robert Wise travaillait comme monteur à la RKO. Il côtoyait alors Orson Welles avec qui il avait travaillé sur CITIZEN KANE et LA SPLENDEUR DES AMBERSON (THE MAGNIFICENT AMBERSONS). Jugeant que le travail n'avançait pas assez vite, Val Lewton décida de remplacer Gunther von Fritsch. Il proposa à Robert Wise de passer à la réalisation. Tout d'abord hésitant et ne voulant pas froisser Gunther von Fritsch, il finit par accepter la proposition en comprenant que de toutes façons, Val Lewton mettrait une autre personne à la barre du film. Ce qui explique la présence du nom des deux réalisateurs au générique du film.
Bien que Jacques Tourneur n'ait pas contribué à la réalisation de ce film, on y retrouve les ambiances qui ont marqué nombre de ses productions, en particulier dans les jeux d'ombre et de lumière. Par contre ici, l'élément fantastique, représenté par l'apparition d'Irena, est porté à l'écran, tandis que celui qui fait référence au Cavalier sans tête est simplement suggéré par un son qui évoque la course d'un cheval mais qui s'avère tout autre chose. Au passage, on remarquera que la légende de Sleepy Hollow, qui a fait l'objet récemment de la production éponyme que l'on connaît, est un ingrédient important du scénario. Malgré un titre assez peu évocateur, ce film mérite quand même qu'on s'y intéresse un tant soit peu, ne serait-ce que pour voir à nouveau réunis les acteurs du succès de Jacques Tourneur.