Brian Yuzna s'est d'abord distingué en produisant pour Stuart Gordon deux célèbres adaptations de Lovecraft au milieu des années quatre-vingts : RE-ANIMATOR et FROM BEYOND. Puis il a mis en scène des films d'horreur comme SOCIETY ou RE-ANIMATOR II, lesquels en ont fait un réalisateur respecté des amateurs d'un cinéma Gore inventif. Après sa participation à NECRONOMICON, il se tourne vers un projet de Slasher plus classique : LE DENTISTE.
Pour son scénario, Brian Yuzna retrouve ses complices de RE-ANIMATOR et FROM BEYOND, à savoir Stuart Gordon et Dennis Paoli. Ce film a la particularité d'être produit par le Canadien Pierre David, collaborateur clé de David Cronenberg au début des années quatre-vingts. Quant à la musique, elle est signée par Alan Howarth, partenaire de John Carpenter sur certaines de ses musiques les plus fameuses comme LA NUIT DES MASQUES et FOG. Nous nous réjouissons aussi de retrouver le sympathique comédien Ken Foree (ZOMBIE, FROM BEYOND) en inspecteur de police.
Sale journée pour le docteur Feinstone, directeur d'un cabinet de dentistes. Le jour de leur anniversaire de mariage, il se rend compte que sa femme le trompe avec le jardinier. En plus, un inspecteur du fisc lui cherche des histoires. Malgré tous ses problèmes, il est un vrai professionnel et décide de s'occuper avant tout de ses patients...
A la fin des années quatre-vingts, le cinéma Gore et le Slasher, qui ont eu leur heure de gloire au cours de la décennie, ne sont plus des valeurs sûres en terme de succès. Le premier est rendu exsangue par une censure américaine conservatrice et par les changements de goût du public. Tandis que le second s'est raréfié suite à une surexploitation de moins en moins imaginative de son filon. De plus, les grands studios occupent le terrain de l'horreur avec d'assez grosses productions à succès, comme MISERY, BRAM STOKER'S DRACULA ou LE SILENCE DES AGNEAUX.
Pour un petit Slasher horrifique indépendant comme LE DENTISTE, le principal débouché s'avère donc le marché de la vidéo et de la télévision. Ainsi, ce titre ne sortira pas au cinéma, ni aux USA, ni en France.
Avec LE DENTISTE, Yuzna poursuit sa peinture au vitriol de la riche bourgeoisie américaine, déjà amorcée avec SOCIETY. Il suit le docteur Feinstone, un riche dentiste obsédé par la propreté et l'ordre, aussi bien physiques (tâches, pourritures des dents) que morales (manque de discipline, corruption). Que ce soit dans sa vie professionnelle ou personnelle, il se comporte comme un maniaque. Il est attiré par les surfaces blanches aseptisées et la perfection formelle de la musique classique.
Le générique est d'ailleurs étonnant : ses mains vides exécutent les geste du dentiste avec la même précision et la même douceur qu'un chef d'orchestre dirigeant des musiciens. Malgré les soins dentaires qu'il prodigue consciencieusement, la destinée de la dentition humaine est de pourrir irréversiblement, jusqu'à la mort. Incapable de supporter cette idée terrifiante, notre praticien sombre dans la folie et la violence.
Convaincu que son rôle purificateur ne s'arrête pas à quelques détartrages, il décide d'extraire de sa vie les dents cariées qui l'empêchent d'atteindre son idéal. Ces mauvais chicots, ce sont sa femme qui lui vide son compte en banque et le trompe sans scrupules, ses employés peu reconnaissants et son inspecteur du fisc.
L'idée d'utiliser un dentiste comme tueur dans un film d'horreur est bien évidemment excellente. Une peur ou une souffrance exprimées au cinéma auront d'autant plus d'efficacité sur le spectateur que celui-ci les aura expérimentées dans la réalité. Or, tout le monde a des mauvais souvenirs de dentiste. La simple vision d'un arrachage de dent met mal à l'aise le plus chevronné des amateurs de cinéma Gore !
Astucieusement, le scénario exploite l'environnement du cabinet de dentiste : l'ennuyeuse salle d'attente, les outils stérilisés... Et évidemment le fauteuil de soin, lieu de toutes les appréhensions et de tous les fantasmes. LE DENTISTE exploite le terrible sentiment de vulnérabilité qui étreint le patient abruti par l'anesthésie tandis qu'un inconnu bricole à l'intérieur de sa bouche avec des outils coupants et dangereux. Ainsi, après inhalation d'un gaz insensibilisant, une femme est complètement inconsciente tandis que le docteur Feinstone lui démolit une dent à grands coups de fraise (image très désagréable !).
Mais malgré les qualités de la réalisation, de l'interprétation et du scénario, LE DENTISTE souffre d'une trame prévisible, parfois lente. Il a néanmoins suffisamment d'atouts pour convaincre l'amateur de cinéma d'horreur. Nous apprécions particulièrement le portrait de ce praticien dérangé qui est, à sa façon, un grand idéaliste.
Suite au DENTISTE, Brian Yuzna tourne rapidement coup sur coup deux films destinés au petit écran : PROGENY, œuvre intéressante qui surfe sur le succès de la série « AUX FRONTIÈRES DU RÉEL », et LE DENTISTE 2, première et dernière suite du DENTISTE.