Header Critique : LE SILENCE DES AGNEAUX (THE SILENCE OF THE LAMBS)

Critique du film
LE SILENCE DES AGNEAUX 1991

THE SILENCE OF THE LAMBS 

Un Serial Killer, surnommé Buffalo Bill par la presse, tue et écorche des jeunes femmes. Le F.B.I. mène l'enquête et veut se faire aider par Hannibal Lecter, un autre tueur en série actuellement enfermé dans une institution. Pour l'interroger, le Bureau envoie Clarice, aspirante détective en cours de formation...

LE SILENCE DES AGNEAUX est l'adaptation cinématographique du roman du même nom, écrit par Thomas Harris. Cet ouvrage constitue la suite de «Dragon rouge» du même écrivain, déjà porté à l'écran par Michael Mann sous le titre LE SIXIÈME SENS en 1986.

La compagnie indépendante Orion a acheté initialement les droits du «Silence des agneaux» pour en faire un film réalisé et interprété par Gene Hackman (acteur de FRENCH CONNECTION de William Friedkin ou CONVERSATION SECRÈTE de Francis Ford Coppola). Mais celui-ci juge le récit trop violent et renonce. Le projet est alors confié à Jonathan Demme. Il vient de tourner pour Orion VEUVE MAIS PAS TROP, comédie d'humour noir ayant connu un certain succès.

Dans un premier temps, Michelle Pfeiffer (LES LIAISONS DANGEREUSES, VEUVE, MAIS PAS TROP), alors très populaire, est envisagée pour jouer Clarice. Mais elle trouve aussi le scénario trop violent. Finalement, le rôle est confié à Jodie Foster. Cette dernière débute dans les années soixante-dix comme actrice-enfant dans des productions Disney (UN VENDREDI DINGUE, DINGUE, DINGUE) ou des films du Nouvel Hollywood (notamment TAXI DRIVER). Sa carrière vient de rebondir en 1988 avec le remarqué LES ACCUSÉS, drame du viol réalisé par Jonathan Kaplan.

Anthony Hopkins (MAGIC de Richard Attenborough, AUDREY ROSE de Robert Wise, ELEPHANT MAN de David Lynch) interprète Hannibal Lecter. Acteur de théâtre renommé au Royaume-Uni, il est alors plutôt cantonné aux seconds rôles au cinéma.

A leurs côtés, nous reconnaissons Scott Glenn (LA FORTERESSE NOIRE, VERTICAL LIMIT), Charles Napier et même Roger Corman, producteur des premiers films de Jonathan Demme.

L'enquête est donc menée par Clarice Starling, jeune femme souhaitant devenir agent du F.B.I. Son point de vue est privilégié tout au long de l'enquête. Intelligente et énergique, elle se montre aussi réservée et mal à l'aise dans le milieu de travail policier, masculin et machiste.

Traitée avec condescendance par son supérieur, elle doit en plus supporter les regards insistants et dubitatifs des hommes du F.B.I.. Le parcours d'obstacles qu'elle traverse dans le générique annonce ainsi le dur itinéraire qui l'attend au sein de cet organisme. Une scène emblématique de ses difficultés nous la montre tenter d'imposer son autorité à une quinzaine de policiers, en leur ordonnant de quitter une salle où va se pratiquer une autopsie.

Les séquences les plus fameuses du SILENCE DES AGNEAUX sont les confrontations entre la jeune Clarice et le dangereux Hannibal Lecter, de part et d'autre d'une vitre de sécurité. Ces échanges sont rendus intenses notamment par l'alternance de cadrage frontaux et très serrés sur les visages des personnages. Clarice doit faire preuve d'intuition et d'habileté pour obtenir de Lecter les informations qu'elle recherche. Contrainte de créer une relation de sympathie avec ce monstre, elle joue finement sur des réponses et des questions sincères et directes, tout en esquivant les provocations du prisonnier.

Hannibal Lecter est un Serial Killer cannibale, capturé et enfermé dans une prison de très haute sécurité. Au sein de la faune des psycho-killers du cinéma (rencontrés dans DEUX MAINS, LA NUIT, PSYCHOSE, LA NUIT DES MASQUES ou L'ÉVENTREUR DE NEW YORK), il se caractérise par un bagage culturel inhabituel (il est psychiatre de formation). Il ne commet pas des meurtres poussé par des pulsions impossibles à refréner. Il tue pour le plaisir et l'excitation, comme le chasseur d'hommes de LA CHASSE DU COMTE ZAROFF.

LE SILENCE DES AGNEAUX le présente comme un personnage ambiguë : méprisant la valeur de la vie humaine et commettant des crimes de sang pour sa jouissance, il est aussi le seul personnage à se montrer courtois et respectueux envers Clarice. De plus, il l'aide vraiment à avancer dans son enquête, alors que ses supérieurs lui mettent des bâtons dans les roues ou dissimulent des informations.

Son goût pour la sincérité et son refus de l'hypocrisie achèvent de rendre Hannibal Lecter sympathique au spectateur - alors même qu'il est un monstre affamé de chair humaine. Anthony Hopkins est parfait dans cette interprétation où il équilibre cabotinage et maîtrise.

L'ambiance du SILENCE DES AGNEAUX se distingue par son hyper-réalisme délibéré. Refusant toute stylisation ostentatoire, la réalisation de Demme est toujours nette et solide. La photographie superbe est signée par Tak Fujimoto (LA BALADE SAUVAGE de Terrence Malick, SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan), collaborateur de longue date de Jonathan Demme. Il propose une symphonie automnale de teintes sourdes (rouges des briques, murs gris de la cellule de Lecter, ciel gris ou blancs, fleuves boueux et opaques). Elle unifie l'atmosphère du film tout en restant visuellement discrète.

Toujours dans le sens du réalisme, Demme décrit sans chichi les décors ternes des villes américaines, leurs bâtiments administratifs maussades, leurs vieilles voies ferrées, leurs pavillons décrépis et leurs noires forêts aux arbres maigres et dénudés. Ces choix artistiques font sourdre une poésie mélancolique.

Dans le même sens, les procédures d'enquête et les descriptions des cadavres (l'autopsie notamment) privilégient un vérisme cru. Alors que l'horreur classique de l'époque s'égare dans des pantalonnades (LA FIN DE FREDDY, sixième volet de la saga d'Elm Street sort la même année), LE SILENCE DES AGNEAUX convainc son public avec son ton cru et sérieux.

Pourtant, cet hyperréalisme s'emboîte mal avec des aspects invraisemblables du récit. Le personnage de Lecter lui-même est ici difficilement crédible : ce Serial Killer calme, raffiné et porté sur une introspection honnête des caractères, ne correspond guère aux grands psychopathes de notre temps. L'évasion d'Hannibal est aussi farfelue, ses gardiens semblant peu efficaces et son emploi d'un masque inattendu, grand-guignolesque, est dur à avaler.

Le personnage de l'autre tueur, Buffalo Bill, s'avère sous-développé. Réduit à un travesti grimaçant et idiot, il ne parvient pas à prendre dans la narration le relais de Hannibal une fois que celui-ci se trouve en retrait. Les origines du comportement de cet écorcheur (victime d'abus sexuels dans sa jeunesse) sont pratiquement escamotées, ce qui ne l'aide pas à acquérir une épaisseur humaine ou dramatique.

Dans la seconde heure du SILENCE DES AGNEAUX, le récit se disperse jusqu'à provoquer l'ennui. Certaines séquences, supposées être les apogées dramatiques du métrage, sont imparfaites : le massacre du policier par Lecter sur fond de musique classique ou les séances de psychanalyse balourdes et simplettes auxquelles il se livre frisent le ridicule.

Malgré ces faiblesses, LE SILENCE DES AGNEAUX n'en reste pas moins un film intéressant, à l'atmosphère réussie et porté par deux excellents acteurs. A sa sortie, il est un énorme succès commercial et critique (il récolte cinq Oscars, ce qui est rarissime pour un film si proche de l'épouvante). Il lance une vraie mode des films de Serial Killer qui va sévir tout au long des années quatre-vingts-dix, rebondissant en particulier avec SEVEN de David Fincher en 1995.

Au cours des années quatre-vingts, Orion peut se vanter d'avoir connu des gros succès commerciaux et critiques (ROBOCOP, AMADEUS PLATOON, DANSE AVEC LES LOUPS, HANNAH ET SES SŒURS). Mais comme d'autres compagnies indépendantes ayant émergé à cette période (Cannon ou Empire), elle connaît des difficultés à la fin de la décennie et se retrouve en banqueroute. LE SILENCE DES AGNEAUX est le dernier titre vraiment majeur à sortir de cette compagnie.

«Hannibal», le roman suivant de Thomas Harris mettant en scène Hannibal Lecter, sera lui aussi porté au cinéma, par Ridley Scott (ALIEN, BLADE RUNNER), avec HANNIBAL qui sort en 2001.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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