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Critique du film
KILLER CROCODILE 1988

 

KILLER CROCODILE est un film italien à petit budget réalisé par Fabrizio De Angelis sous le pseudonyme anglicisant de Larry Ludman. Fabrizio De Angelis est une figure notable du cinéma populaire italien, surtout en tant que producteur, notamment par le biais de sa société Fulvia Film.

Dans les années soixante-dix, il produit de tout : polar (S.O.S JAGUAR, OPÉRATION CASSEURS d'Umberto Lenzi), film érotico-horrifique (VIOL SOUS LES TROPIQUES), comédie paillarde...

Il s'illustre surtout dans l'épouvante en portant les meilleurs films de Lucio Fulci, avec lequel il collabore de 1979 à 1982, alignant plusieurs classiques de l'horreur latine : L'ENFER DES ZOMBIES, L'AU-DELÀ, LA MAISON PRÈS DU CIMETIÈRE et L'ÉVENTREUR DE NEW YORK.

De Angelis poursuit ensuite son chemin au gré des modes, avec LES GUERRIERS DU BRONX de Castellari par exemple, qui louche aussi bien sur NEW YORK 1997 que sur LES GUERRIERS DE LA NUIT.

Il réalise lui-même des films à partir de TONNERRE en 1983, film d'action imprégné de l'influence du premier RAMBO. Il dirige ensuite de nombreuses autres œuvres d'action : COBRA MISSION de 1985 avec Christopher Connelly et Donald Pleasence, KARATE WARRIOR de 1987 - pour lequel il tourne cinq suites jusqu'en 1993 !

KILLER CROCODILE est une de ses rares intrusions en tant que réalisateur dans le domaine de l'horreur. Il s'adjoint l'aide de pointures du cinéma populaire italien. Le scénario est écrit avec Dardano Sacchetti (LE CHAT À NEUF QUEUES de Dario Argento, LA BAIE SANGLANTE de Mario Bava, L'ENFER DES ZOMBIES). Et la musique est de Riz Ortolani (MONDO CANE, CANNIBAL HOLOCAUST).

La distribution est essentiellement composée de jeunes comédiens qui ne feront guère carrière. Mais nous trouvons dans le rôle du juge l'acteur hollywoodien Van Johnson (BRIGADOON, LA ROSE POURPRE DU CAIRE), ancienne vedette MGM des années quarante et cinquante. Le chasseur Joe est interprété par un vétéran du western italien ressemblant fort à Lee Van Cleef : Ennio Girolami.

Des jeunes écologistes se rendent en bateau sur un fleuve afin d'enquêter à propos d'une affaire de pollution. Ils découvrent des bidons radioactifs abandonnés en pleine nature. Ils préviennent le juge du village, mais il est à la solde des pollueurs et refuse de les écouter.

Les déchets provoquent des mutations chez les animaux. Un crocodile géant s'en prend alors aux hommes. Joe, baroudeur expert dans la chasse aux crocodiles, arrive sur ces entrefaites, décidé à en découdre avec la bête. De leurs côtés, les jeunes écolos, soucieux de préserver cette forme de vie, veulent l'empêcher de tuer l'animal...

Dans les années soixante-dix, les succès des DENTS DE LA MER de Steven Spielberg et des DENTS DE LA MER : DEUXIEME PARTIE de Jeannot Szwarc ont donné des idées à de nombreux réalisateurs opportunistes. Apparaissent alors en Italie des œuvres-catastrophes mettant en scène des requins tueurs, tels LA MORT AU LARGE et CHASSEUR DE MONSTRES signés Castellari. Ou des produits dérivés proches comme L'INVASION DES PIRANHAS de Margheriti et ALLIGATOR de Sergio Martino.

La première moitié des années quatre-vingts constitue un rapide début de la fin pour le cinéma italien qui, sous les pressions conjointes des télévisions privées, de la vidéo et de la concurrence hollywoodienne de plus en plus rude, voit son empire se réduire comme peau de chagrin.

Ainsi, la réplique à la sortie des DENTS DE LA MER 3 paraît faible. A cette occasion, seul APOCALYPSE DANS L'OCÉAN ROUGE de Lamberto Bava, tourné avec deux bouts de ficelle, sort des studios italiens. Quant au désastreux LES DENTS DE LA MER 4 : LA REVANCHE de 1987, son seul équivalent latin est ce peu fortuné KILLER CROCODILE, tourné en 1988, dans le dernier souffle du cinéma Bis italien à l'agonie.

Les réalisateurs transalpins désertent le cinéma afin d'aller travailler pour la télévision (Castellari, Lamberto Bava) ou le porno (Joe D'Amato). Les deux plus grands noms du fantastique italien sont réduits à l'exil (Dario Argento tourne ses films du début des années quatre-vingt-dix aux USA), voire à l'inactivité (Lucio Fulci).

Pour en revenir à KILLER CROCODILE, une étude succincte de son récit dégage les éléments typiques de ce style de films-catastrophes, aux bases posées par LES DENTS DE LA MER ou PIRANHAS. La nature, meurtrie par l'avidité des hommes, se venge sous la forme d'un crocodile monstrueux. Les autorités locales corrompues restent apathiques face à la menace.

Le chasseur Joe est un écho du vieux loup de mer interprété par Robert Shaw dans LES DENTS DE LA MER (personnage lui-même inspiré par le capitaine Ahab de « Moby Dick »). Tandis que les écologistes évoquent le zoologue joué par Richard Dreyfuss. Le recours à quelques effets gore (discrets et à l'impact amoindri par des trucages perceptibles), l'utilisation des vues subjectives et la présence d'une musique décalquant la partition de John Williams confirment que nous sommes face à un pompage éhonté du classique de Steven Spielberg.

Outre l'absence d'originalité, nous subissons une exécution cinématographique précaire. Le budget de KILLER CROCODILE a apparemment été englouti par le transport de l'équipe à la République Dominicaine (où a aussi été tourné L'ENFER DES ZOMBIES en son temps). Tout ce que nous voyons fait bâclé. Costume, réalisation, interprétation, accessoires, décors, montage... Tout respire l'amateurisme.

Le crocodile est l’œuvre de Giannetto De Rossi, fameux maquilleur du cinéma italien, qui a travaillé pour des réalisateurs de légende comme Sergio Leone, Bernardo Bertolucci, Federico Fellini ou David Lynch. Il a révolutionné la représentation des morts-vivants au cinéma avec les zombies putréfiés de L'ENFER DES ZOMBIES.

Ici, le résultat laisse à désirer tant ce crocodile apparaît raide et pataud. Plus grave, KILLER CROCODILE souffre d'un manque de rythme qui assomme vite le spectateur. Ce dernier ne se réveille, de temps en temps, que grâce à l'hilarante contre-performance des doubleurs français. KILLER CROCODILE s'avère mauvais et bien ennuyeux.

Ce jalon tardif du cinéma Bis italien bénéficie néanmoins d'une petite sortie en salles en France. Il y aura ensuite un KILLER CROCODILE II dont la réalisation est confiée à Giannetto De Rossi.

Les crocodiles tueurs reviendront sévir sur les écrans de cinéma à la fin des années quatre-vingt-dix, suite à la vague américaine de films-catastrophes portée par le GODZILLA de Roland Emmerich, PEUR BLEUE de Renny Harlin ou ARMAGEDDON de Michael Bay. Nous verrons sortir au cinéma un agréable LAKE PLACID de Steve Miner, suivi d'un moins ambitieux CROCODILE tourné par Tobe Hooper pour le marché vidéo.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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