Header Critique : POLTERGEIST III

Critique du film
POLTERGEIST III 1988

 

Cette année, la petite Carol Anne vit chez son oncle et sa tante dans un building à Chicago. Elle va à l'école dans une institution pour surdoués. Mais le spectre du révérend Kane la poursuit encore...

Malgré les difficultés rencontrées lors du tournage des deux premiers POLTERGEIST, le studio MGM décide d'ajouter encore un nouvel épisode à cette saga. Il faut dire que le cinéma d'horreur américain sombre dans la folie des suites. L'explosion de créativité amorcée au début des années soixante-dix s'essouffle. Après le succès des GRIFFES DE LA NUIT, New Line aligne trois suites en trois ans des aventures de Freddy Krueger. Alors que le succès de la saga VENDREDI 13 ne fait que décliner, Paramount continue à aligner ses films à un rythme soutenu.

A la fin des années quatre-vingts, le phénomène s'aggrave. Arrivent des suites tardives et non sollicitées par le public comme L'EXORCISTE, LA SUITE en 1990, treize ans après EXORCISTE II, L'HÉRÉTIQUE ; HALLOWEEN IV six ans après HALLOWEEN III : LE SANG DU SORCIER ; CREEPSHOW 2 cinq ans après CREEPSHOW ; LES DENTS DE LA MER 4 : LE RETOUR quatre ans après LES DENTS DE LA MER 3 ; GREMLINS 2, LA NOUVELLE GÉNÉRATION six ans après GREMLINS

Même le cinéma Bis italien, pourtant quasiment mort en terme de production à cette époque, pond un ZOMBIE 3 neuf ans après L'ENFER DES ZOMBIES. Cette hystérie numérotée n'afflige pas que le genre horreur puisque nous avons même un GRAND RETOUR DE DJANGO vingt et un ans après le western spaghetti DJANGO !

Le film d'horreur américain rentre dans une période de déclin comparable à celle qu'a connue le cinéma fantastique hollywoodien au début des années quarante après la floraison du début des années trente ; ou le cinéma gothique anglais à la fin des années soixante après l'éclosion de la fin des années cinquante.

A court d'idées, le genre accumule les suites au rabais, faites avec des budgets et des ambitions de plus en plus faibles. Les producteurs font comme toutes les personnes qui n'ont pas confiance en l'avenir : ils se rabattent sur le passé et se déconnectent progressivement du présent, en l'occurrence des vraies attentes du public contemporain.

Des nouveaux talents émergent comme Kathryn Bigelow (AUX FRONTIÈRES DE L'AUBE) ou Peter Jackson (BAD TASTE). Mais s'ils sont remarqués par la critique, leurs films ne connaissent pas de très grands succès publics. Des grands noms du genre continuent à proposer des œuvres de qualité (INVASION LOS ANGELES de John Carpenter, L'EMPRISE DES TÉNÈBRES de Wes Craven, L'AVENTURE INTÉRIEURE de Joe Dante). Mais ils ne retrouvent pas les succès des œuvres qui les ont fait connaître.

POLTERGEIST III s'inscrit donc dans cette tradition de suites que le public n'attend même pas. Ainsi, POLTERGEIST 2, film à gros budget, connaît des résultats décevants, en net déclin par rapport au POLTERGEIST original. Pourtant, le studio MGM embraie directement sur un troisième métrage. Il est décidé qu'il ne recourra pas ou peu aux trucages optiques spectaculaires signés Robert Edlund, qui ont fait la spécificité de la saga.

Il s'agit là de faire des économies, mais la production recrute en contrepartie Dick Smith, figure légendaire du maquillage américain dont les techniques révolutionnaires ont participé aux succès de L'EXORCISTE, ou encore des classiques non fantastiques LE PARRAIN et LITTLE BIG MAN.

Réalisé par Gary Sherman (LE MÉTRO DE LA MORT, RÉINCARNATIONS), POLTERGEIST III ne reprend que trois des personnages des films précédents: la petite Carol Anne (Heather O'Rourke), la médium Tangina (Zelda Rubinstein) et le révérend Kane (interprété cette fois par Nathan Davis). Nous trouvons d'autres comédiens intéressants, comme Tom Skerritt (ALIEN, DEAD ZONE), Nancy Allen (PULSIONS, ROBOCOP) ou Lara Flynn Boyle (future vedette de la série TV « TWIN PEAKS »).

Le premier POLTERGEIST cherchait à moderniser le film de maison hantée. Les esprits se manifestaient à travers des objets quotidiens contemporains, comme un téléviseur. Au lieu de sévir dans une vieille baraque moisie, ils s'en prenaient à un pavillon de banlieue tout neuf et tout propret.

POLTERGEIST III pousse plus loin cette idée en proposant que les spectres viennent hanter un gratte-ciel au cœur d'une grande ville. Gary Sherman joue habilement sur des décors urbains pour inquiéter le spectateur. Il exploite la solitude angoissante émanant des ascenseurs, des parkings ou des couloirs exigus des grands immeubles. Cela rappelle PULSIONS de Brian De Palma ou TÉNÈBRES de Dario Argento. L'ambiance des bâtiments modernes, stérile et saturée de lumière blanche, n'est pas moins terrifiante que celle des vieilles maisons gothiques aux recoins obscurs.

Autre astuce : les fantômes communiquent avec le monde des vivants à travers les multiples surfaces de verre et d'eau de ces habitats (baies vitrées, immenses miroirs, piscine, flaque d'huile dans un garage). L'apparition des spectres surgis du passé est tout à fait insolite dans ces décors. Le réalisateur est assez habile pour faire commencer le récit rapidement et maintenir un rythme solide.

Hélas, POLTERGEIST III souffre de défauts gênants. Les personnages manquent d'épaisseur et l'interprétation est médiocre. Nous avons du mal à nous intéresser à leurs malheurs. Les motivations des fantômes sont floues. Nous ne comprenons pas ce qu'ils cherchent à obtenir. L'accumulation de scènes horrifiques agace. En effet, elles ne font pas avancer l'histoire et leur réalisation laisse à désirer. Certains effets spéciaux sont discutables (maquillages, voitures gelées). Plusieurs scènes sentent trop le déjà-vu (Carol Anne aspirée dans un puits de lumière) et nous rappellent que la série des POLTERGEIST, malgré toute la bonne volonté de Sherman, a du mal à se renouveler.

Malgré de bonnes idées, POLTERGEIST III ne parvient pas à convaincre, faute d'un scénario mieux construit et de personnages plus intéressants. Il s'agit donc du dernier épisode de la saga - bien que celle-ci va refaire surface avec le remake POLTERGEIST de 2015, tentative non couronnée de succès commercial de surfer sur le succès des films de fantômes de James Wan.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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