WESTWORLD est le premier long métrage de cinéma de Michael Crichton et c'est ce qui rend ce film particulièrement intéressant. Cet homme est devenu connu du grand public dans les années 90, suite à son association prolifique avec Steven Spielberg sur les deux premiers JURASSIC PARK et sur la série TV "Urgences". Pourtant la partie la plus intéressante de sa carrière remonte aux années 70 lorsque, constatant que la plupart de ses romans sont adaptés au cinéma, il décide de passer lui-même derrière la caméra.
Car Michael Crichton est, à la base, un romancier. Il publie ses premiers thrillers sous différents pseudonymes alors qu'il étudie la médecine à Harvard. En 1969, il publie son premier roman sous son vrai nom, "La variété Andromède". Et pour la première fois, Michael Crichton est adapté au cinéma, et pas par n'importe qui ! C'est Monsieur Robert Wise lui-même qui réalise LE MYSTERE ANDROMEDE, en 1971. Dès lors, Hollywood se jette sur les précédentes oeuvres de ce jeune écrivain et notamment sur "A case of need" ("Extrême urgence") qui deviendra THE CAREY TREATMENT (OPERATION CLANDESTINE) en 1972 sous la caméra de Blake Edwards. Et, fort logiquement, Michael Crichton signe, l'année suivante, son premier scénario original et le met lui-même en scène : WESTWORLD (MONDWEST).
L'action de WESTWORLD se situe dans un futur relativement proche. La séquence d'introduction pré-générique nous présente le cadre en quelques minutes via une sorte de reportage réalisé pour la TV (cette séquence apparaît d'ailleurs au format TV 4/3, alors que le reste du film est en Panavision 2.35). Delos est un parc d'attraction dernier cri pour adultes. Il est composé de trois mondes bien distincts : le vieil Ouest Américain, le Monde Médiéval et la Rome antique. Les visiteurs (fortunés, à 1000$ la journée !) se rendent pour quelques jours dans le monde de leur choix et entrent dans la peau du personnage de leurs rêves : shérif d'une petite ville de l'Ouest, souveraine d'un royaume médiéval... Autour d'eux gravitent d'autres visiteurs, mais aussi de nombreux robots, à l'apparence humaine, qu'ils peuvent tuer, séduire, etc... comme bon leur semble.
Le récit suit deux hommes d'affaires, interprétés par Richard Benjamin et James Brolin, qui ont (bien entendu) choisi de passer quelques jours dans ce bon vieux Far-West. Accessoirement, nous suivons aussi les péripéties d'un troisième amateur de western, interprété par Dick Van Patten (le père dans la série TV "Huit, ça suffit"!!!), et d'un couple, plus âgé, qui a opté pour le Moyen-Âge. Bien entendu, et vous vous en doutez, leur séjour ne va pas se dérouler exactement comme ils l'espéraient...
Narrativement, WESTWORLD est construit d'une manière assez habile (ce qui est la moindre des choses pour un romancier...). Par exemple, un des deux visiteurs principaux est déjà venu à Delos, et plus précisément à "Western-world". Ainsi, le personnage de James Brolin (un habitué des films fantastiques puisqu'on l'avait entr'aperçu dans LE VOYAGE FANTASTIQUE avant de le retrouver par la suite dans le genre qui nous intéresses avec ENFER MECANIQUE, AMITYVILLE,...) permet de s'affranchir d'un nombre trop important de scènes destinées à "planter le décor". Pendant la première demi-heure du film, il explique régulièrement à son comparse toutes les possibilités qui leur sont offertes, ce qui permet aux personnages de bien profiter de leur séjour et au spectateur de ne pas oublier qu'il ne s'agit pas d'un western... Parallèlement, le film nous présente les dessous de ce parc d'attraction. Ainsi, la nuit, une équipe vient récupérer les "cadavres" des robots abattus par les visiteurs et les conduit à un atelier de remise en état. Ces techniciens ont d'ailleurs volontairement un look de médecin, avec leur blouses blanches. Le milieu médical, Michael Crichton le connaît bien, de par son cursus. Il y reviendra d'ailleurs avec MORTS SUSPECTES, sa seconde réalisation, et la série TV "Urgences".
Mais il ne s'agit pas seulement de médecins, dans ce cas de figure, car le travail de ces scientifiques ne se "limite" pas à guérir ou donner la vie, mais il consiste à créer une nouvelle forme de vie et à la maintenir indéfiniment. Le message est clair : ils se prennent pour Dieu. Les allusions sont nombreuses et plus ou moins subtiles. Les multiples morts et résurrections du robot incarné par Yul Brynner illustrent leur toute puissance dans les mondes qu'ils ont créés. Leur salle de contrôle, depuis laquelle ils observent le comportement des visiteurs et des robots, nous rappelle comment les dieux de l'Olympe suivaient les aventures de Jason et de ses Argonautes dans le film de Don Chaffey. Enfin, comme dans l'Ancien Testament, c'est un serpent (être sournois, insaisissable, incontrôlable ?) qui symbolise le déclic à partir duquel tout va se dérégler...
Mais Michael Crichton ne se contente pas de montrer du doigt ces apprentis sorciers que la soif de pouvoir ou d'argent conduit à l'autodestruction. Il cite également des instincts plus courants chez l'être humain. En effet, de ces trois mondes de divertissement émergent deux sources d'attrait communes pour les visiteurs : la violence et la luxure. Les visiteurs ne semblent être venus pour rien d'autre que satisfaire leur pulsions meurtrières et sexuelles, et ce, sans aucun risque de retour de manivelle… C'est toute l'ambiguïté du parc d'attraction qui d'un côté permet d'assouvir des fantasmes plus ou moins avouables, sans retombée aucune, et d'un autre côté banalise le meurtre, l'adultère, l'exploitation des femmes,... Les comportements de nos deux héros illustrent d'ailleurs ces deux tendances : James Brolin, qui est déjà venu, ne semble plus vraiment s'amuser alors que Richard Benjamin (qu'on connaît surtout en tant que réalisateur de parodies moyennes telles que HAUT LES FLINGUES, J'AI EPOUSE UNE EXTRA-TERRESTRE, LES DEUX SIRENES...) semble prendre un réel plaisir lorsqu'il "tue" Yul Brynner pour la deuxième fois... D'ailleurs, ce personnage aura toujours du mal à identifier la limite entre le vrai et le faux.
La mise en scène, plutôt efficace, repose plus sur l'ambiance que les effets spéciaux. Michael Crichton s'offre quelques petits plaisirs une grosse bagarre de saloon, par exemple, mais ne semble pas très à l'aise dans cet exercice. Les acteurs, quant à eux, sont assez bons, notamment Yul Brynner qui campe un robot terrifiant, avec ses deux billes d'acier en guise d'yeux, semblant tout droit sorti des SEPT MERCENAIRES. Il faut dire que c'était la meilleure époque de Michael Crichton qui poursuivra avec deux autres réussites : MORTS SUSPECTES et LA GRANDE ATTAQUE DU TRAIN D'OR.
Dans les années 90, Michael Crichton se concentre sur l'écriture de scénarii et/ou romans. En 1993, il signe JURASSIC PARK, qui est une vraie honte ! Et je pense que certains d'entre vous, en lisant les lignes concernant WESTWORLD, ont compris pourquoi... JURASSIC PARK raconte, pour ceux qui ne le savent pas ou ont la mémoire courte, l'histoire de scientifiques voulant créer un parc d'attraction avec des dinosaures génétiquement reconstitués. Et, bizarrement, tout se dérègle !... Ca ne vous rappelle rien ? Le pire c'est que Michael Crichton ne se contente pas de se recycler lui-même ! Il emprunte outrageusement à Conan Doyle dont LE MONDE PERDU avait déjà été adapté trois fois (en 1925, 1960 et 1992) !
Le DVD est celui édité initialement par la MGM. Il porte aujourd'hui le logo Warner et se retrouve donc dans un de ces maudits boîtiers en carton ! En fait, il existe une différence par rapport à la version MGM. C'est une galette double face, mais le film n'est pas coupé en deux. Sur une face, on trouve une version Pan&Scan 4/3 pour les hérétiques et les bouffeurs de pop-corn. L'édition MGM faisait l'impasse de ce transfert 4/3. Sur l'autre, c'est un image optimisée 16/9 et au format qui nous attend, et c'est tant mieux ! Le transfert est de qualité : pas de défaut de compression apparent et une définition honnête. Par contre, le négatif n'a pas fait l'objet d'une restauration et semble quelque peu usé... Les couleurs ne sont pas resplendissantes, mais c'est souvent le cas pour les productions des années 70.
La version originale nous est ici présentée en stéréo d'origine, mais vos amplificateurs ne manqueront pas de la décoder en Dolby ProLogic. Ainsi, les voies arrières seront ponctuellement sollicitées, notamment lorsque la musique se fait plus présente. Les dialogues sont clairs. Une piste audio honnête. Pour information, la Version française est présentée en mono. Le DVD dispose de sous-titres français et anglais.
Le seul bonus est une bande annonce (au format 1,78:1 et optimisée 16/9, sur la face "Widescreen") d'une piètre qualité. C'est un peu léger… Un commentaire de l'auteur/réalisateur aurait été le bienvenu, mais comment aurait-il pu en enregistrer un sans mettre au grand jour les analogies avec son roman JURASSIC PARK...?
WESTWORLD est sans doute le meilleur film de Michael Crichton et il faut aujourd'hui le considérer comme un classique de la SF naturellement suivi d'une séquelle bien moins connue (FUTUREWORLD). Ce DVD permettra aux fans de la première heure de retrouver ce film avec plaisir, pour une quinzaine de dollars seulement. Mais il devrait aussi permettre aux plus jeunes de le découvrir et de se rendre compte que, si Michael Crichton n'est plus un bon auteur aujourd'hui, il a été un grand cinéaste, il y a quelques dizaines d'années...