Header Critique : PRÉDATEURS, LES (THE HUNGER)

Critique du film
LES PRÉDATEURS 1983

THE HUNGER 

Miriam et John Blaylock forment un couple de vampires vivant à New York. John voit son corps, en principe immortel, se couvrir soudain de rides. Il consulte une spécialiste des maladies du vieillissement accéléré...

LES PRÉDATEURS est la première réalisation du britannique Tony Scott, lequel est alors influencé par la publicité ainsi que le cinéma expérimental et audacieux de son compatriote John Boorman (DÉLIVRANCE, EXCALIBUR).

LES PRÉDATEURS est adapté d'un roman de Whitley Strieber, déjà auteur du livre transposé par WOLFEN peu avant. LES PRÉDATEURS rassemble une distribution de vedettes, faisant la force du métrage, à commencer par Catherine Deneuve. Star du cinéma français, elle est peu habituée à tourner des films d'horreur ou hors de son pays, à part pour des exceptions comme REPULSION de Roman Polanski.

Son compagnon est incarné par le chanteur David Bowie, alors au sommet de sa popularité mondiale avec son disque «Let's Dance». Il se montre aussi actif au cinéma, jouant dans deux films mémorables la même année : LES PRÉDATEURS, et aussi FURYO de Nagisa Oshima. A leurs côtés, nous trouvons Susan Sarandon, qui revient au fantastique huit ans après THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW.

Le groupe de New Wave Bauhaus interprète au générique sa chanson-culte «Bela Lugosi's Dead». Une façon de dire : «le Roi Vampire est mort, vive le Roi Vampire !». Puisque LES PRÉDATEURS est une relecture ambitieuse et contemporaine du mythe du vampire, genre rendu moribond dans les années soixante-dix par sa surexploitation ainsi que par des pastiches et parodies en tous genres. Cette décennie a en effet mis à mal la veine gothique, ringardisée par les succès de films plus contemporains comme L'EXORCISTE.

Les années quatre-vingts marquent une résurgence et une modernisation de cette inspiration, avec des films comme LE LOUP-GAROU DE LONDRES ou LES PRÉDATEURS. Ce dernier amorce un retour du vampirisme au cinéma, et sera suivi par des titres marquants comme VAMPIRE... VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ?, AUX FRONTIÈRES DE L'AUBE ou GÉNÉRATION PERDUE.

LES PRÉDATEURS porte un regard nouveau sur la mythologie des vampires et l'adapte à sa décennie. Les buveurs de sang interprétés par Deneuve et Bowie se présentent comme deux riches oisifs, vivant à New York tels des aristocrates modernes. Certains traits classiques du non-mort sont abandonnés. Ici, ils se promènent en plein jour et ne dorment pas dans des cercueils.

Une distinction forte existe entre les vampires de naissance (Miriam) et les vampires "convertis" (John). En effet, après quelques centaines d'années de vie vampirique, les corps des convertis vieillissent et pourrissent, condamnant leurs âmes immortelles à une captivité misérable dans des macchabées décomposés.

La description de cette nouvelle génération de créatures de la nuit, ainsi que les trouvailles ingénieuses apportées à cette mythologie, font de ce film un précurseur de la culture Gothique des années 1990 (mais il ne faut pas oublier l'influence déterminante des romans d'Anne Rice, parmi lesquels «Entretien avec un vampire» est publié dès 1976).

Pour les personnages des PRÉDATEURS, l'enjeu principal est l'accession à un amour éternel, rendu possible par l'immortalité inhérente au statut de vampire. Une éternité de solitude n'a aucun sens et Miriam doit trouver des compagnons, hommes et femmes, à travers les siècles. Elle convertit des mortels au vampirisme en leur faisant miroiter une passion éternelle, alors qu'elle sait que leur "immortalité" dégénérera tragiquement au bout de quelques siècles.

John (impeccablement interprété par Bowie) est un de ceux-là. Nous assistons à sa décrépitude physique accélérée grâce aux extraordinaires maquillages de Dick Smith (LITTLE BIG MAN, L'EXORCISTE). L'angoisse de mourir étreint John profondément. Miriam tente alors de conquérir une jeune scientifique interprétée par Susan Sarandon, ce qui vaut une séance de saphisme raffinée.

Malgré ses qualités, LES PRÉDATEURS souffre d'une narration parfois lente, particulièrement vers la fin. Quant à la réalisation de Tony Scott, si elle est d'une élégance au diapason de ses vampires séduisants et cultivés, elle tombe parfois dans des excès de préciosité. Ainsi, les envols de colombes, les éclairages diffus à travers une atmosphère trouble et les rideaux agités par le vent sont autant d'effets répétitifs. Certaines séquences (comme un ballet en rollers sur la chanson «Funtime» d'Iggy Pop) paraissent gratuites et démodées.

Pourtant, grâce à son excellent casting, à ses étonnants effets spéciaux et à sa démarche originale et ambitieuse, LES PRÉDATEURS reste un film à part et une œuvre importante dans l'histoire de la mythologie des vampires au cinéma.

Après ce titre, Tony Scott se tourne vers Hollywood pour des œuvres plus conventionnelles et commerciales, à commencer par TOP GUN en 1986. Il ne reviendra au fantastique qu'une fois dans sa carrière, avec DÉJÀ VU en 2006, thriller jouant avec l'idée du voyage temporel.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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