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Critique du film
JUNK HEAD 2017

 

JUNK HEAD est pour ainsi dire le film d'un seul homme. le japonais Takahide Hori, de formation artistique, faisant le pari de se lancer seul dans la réalisation du moyen-métrage JUNK HEAD. Il l'anime en stop-motion (image par image avec des marionnettes en volume), le bricole sur plusieurs années avant de le montrer dans des festivals à partir de 2013, avec un certain succès critique.

Il développe ensuite son sujet court sur la durée d'un long-métrage, avec JUNK HEAD. Cette version est présentée en 2017 dans des festivals, puis remontée et distribuée en 2021 au Japon. Takahide Hori reçoit un peu plus d'aide pour ce film, mais il reste crédité comme réalisateur, scénariste, doubleur de la plupart des personnages, monteur, directeur de la photographie, décorateur, compositeur de la musique... !

Dans un futur lointain, les humains ont multiplié les avancées scientifiques et utilisé comme esclaves une population de clones et de mutants. Ces êtres artificiels s'étant révoltés, l'humanité les a enfermés dans des sous-sols insondables. Cependant, les humains ne parvenant plus à se reproduire, ils cherchent le secret d'une nouvelle fertilité parmi les mutants, dans les dangereux souterrains. Pour ce faire, ils envoient des explorateurs. L'un d'eux, un humain anodin mais courageux, est largué dans ces profondeurs et aussitôt décapité par accident ! Un mutant savant le reconstruit sous la forme d'un petit automate...

L'animation image par image d'objets en volume est presque aussi vieille que le cinéma et constitue une manière astucieuse d'animer l'inanimé, de donner vie à l'inerte. Elle relève autant du tour de magie que du miracle technique. Des pionniers de l'imaginaire s'en emparent et la développent, que ce soit Ladislas Starewitch en France (LE ROMAN DE RENARD) ou Willis O'Brien aux USA (LE MONDE PERDU).

Ces dernières décennies, alors que l'animation numérique progresse et menace de rendre cette technique désuète, elle perdure pourtant, que ce soit dans l'Avant-Garde (INSTITUT BENJAMENTA des Frères Quay), le cinéma familial british d'Aardman Animations ou les productions ambitieuses du studio Laika (LES NOCES FUNÈBRES de Tim Burton et CORALINE de Henry Selick).

Cette belle tradition se poursuit au Japon avec Takahide Hori, qui concocte donc ce JUNK HEAD, premier volet d'une série de métrages à venir, dédiés à un petit explorateur aussi malchanceux que persévérant. Le metteur en scène bricole son film en autodidacte très perfectionniste. Se voulant à contre-courant du cinéma commercial ou hollywoodien, il offre une science-fiction d'inspiration punk, placée sous le signe de l'humour noir et du  «Do It Yourself».

Il se place donc résolument dans les camps du cinéma d'avant-garde, de l'expérimentation et de l'Art pour l'Art. Ce qui ne l'empêche pas de garder un pied dans la science-fiction et la culture pop. Au Japon, cela n'a rien d'incompatible, comme l'ont déjà illustré des réalisateurs comme Shinya Tsukamoto (TETSUO) ou Masaaki Yuasa (MIND GAME).

JUNK HEAD explore une anticipation dystopique, reflétant une inspiration industrielle dans la peinture de ses sous-sols gigantesques, grouillant de créatures monstrueuses. Dans cet univers d'inspiration post-apocalyptique règnent la ruine, la dégénérescence, l'obscénité et l'ordure. L'humanité touche à sa fin. JUNK HEAD nous rappelle alors les souvenirs visuels des films de Terry Gilliam ou du BUNKER DE LA DERNIÈRE RAFALE.

Tout cela pourrait être déprimant, mais JUNK HEAD prend le parti d'en rire, en décrivant le parcours chaotique de son petit héros, parcours placé sous le signe de l'absurde et de l'humour noir. Régulièrement décapité, démonté, démembré par toutes sortes d'accidents et de monstres, il tombe entre les mains de savants et de bricoleurs qui le reconstruisent sous diverses formes. Parmi les êtres bizarroïdes qu'il croise, certains voient en lui un dieu vivant, d'autres un domestique bas de gamme.

Lui-même se voit en héros susceptible de sauver l'humanité. Mais cet idéaliste candide n'est guère à la hauteur de la violence et des atrocités qu'il croise. Ce personnage, tour à tour détruit, reconstruit, dupé, esclavagé, adulé, ce punching-ball sur pattes, reflète l'absurdité de la condition humaine, vaste blague sinistre où pourtant brille parfois un petit éclat qui lui donne sa valeur.

Notre explorateur souterrain affronte un bestiaire très varié, en grande partie composé de monstres aveugles inspirés des souvenirs de Clive Barker ou du peintre Francis Bacon. Il rencontre aussi des personnages plus ou moins idiots, comme ces trois gaffeurs chasseurs de monstres.

Takahide Hori évite la monotonie en déclinant des personnages, des créatures et des lieux diversifiés, en proposant des situations qui se renouvellent bien. JUNK HEAD culmine avec un affrontement final contre un monstre particulièrement coriace, où la vivacité du style cinématographique tourne à la virtuosité.

Inventif, original, drôle et cruel, JUNK HEAD constitue une belle découverte. Si certains moments n'évitent pas la répétition, si sa fin ouverte est un brin frustrante, ce film hors du commun n'en reste pas moins une jolie surprise, un cocktail aussi prometteur qu'imaginatif, première livraison d'une trilogie annoncée dont nous attendons avec impatience les prochains volets.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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