Le royaume de Takicardie est gouverné par un roi autoritaire qui s'avère être épris de l'image d'une petite bergère. Une nuit, elle s'enfuit en compagnie de son amoureux, le ramoneur. Ils seront alors pourchassés par les sbires du roi et ne pourront compter que sur l'aide d'un oiseau...
Paul Grimault est l'un des grands noms de l'animation française. Pourtant, à l'origine, le cinéaste se destinait plutôt à une carrière scientifique. Toutefois, assez vite, ses études ne l'enthousiasment pas vraiment et il s'oriente alors vers une école de dessin ce qui le mènera à travailler dans un atelier d'un grand magasin. Paul Grimault va connaître un véritable tournant en rejoignant l'Agence Damour où il sera amené à peindre des panneaux publicitaires. Là, il va faire de nombreuses rencontres et en particulier Jacques Prévert et Jean Aurenche. Avec ce dernier, il va ainsi se lancer dans la création de films publicitaires où ils expérimentent l'animation image par image. Il s'associe en 1936 avec André Sarrut pour monter le premier studio d'animation français, Les Gémeaux, dont le premier objectif est de produire de la réclame animée. Au sein du studio, Paul Grimault va aussi réaliser des courts-métrages qui seront remarqués. Il va alors s'intéresser aux contes d'Hans Christian Andersen. Tout d'abord L'intrépide Petit Soldat de Plomb qui deviendra LE PETIT SOLDAT, un court primé dans plusieurs festivals. Mais en parallèle, Paul Grimault se lance dans un pari fou, celui de réaliser le premier long-métrage d'animation français ! C'est encore Andersen qui sera la base de départ et Paul Grimault envisage quelques contes comme Les Cygnes Sauvages ou La Reine des Neiges. Toutefois, Jacques Prévert avec qui il a lié une grande amitié attire son attention sur La Bergère et le Ramoneur. Le film entre en production en 1946 mais après quelques années, les finances viennent à manquer ce qui provoque des tensions entre André Sarrut et Paul Grimault. Alors que LA BERGERE ET LE RAMONEUR n'est pas terminé, le producteur décide d'écarter Paul Grimault et bâcle rapidement le film puis le distribuer dans les salles au début des années 50. Paul Grimault et Jacques Prévert refusent que leurs noms soient associés au film. Si LA BERGERE ET LE RAMONEUR devait être le premier long-métrage d'animation français, il sera finalement coiffé au poteau par JEANNOT L'INTREPIDE de Jean Image !
Séparé du studio Les Gémeaux, Paul Grimault monte sa propre structure où il sera maître à bord. Il va ainsi réaliser quelques courts-métrages mais aussi accueillir de jeunes cinéastes qui viendront apprendre le métier ou simplement travailler au sein de ce foyer. Ainsi Jacques Colombat, Jean-François Laguionie ou encore René Laloux passent dans les locaux des Films Paul Grimault. Même Jacques Demy viendra travailler sur des publicités avec Paul Grimault au début des années 50. Bien plus tard, Jacques Demy co-réalisera d'ailleurs LA TABLE TOURNANTE, un métrage mettant en scène et compilant une partie des travaux d'animation de Paul Grimault. Mais si le cinéaste a gagné son indépendance avec sa propre maison de production, il continue tout de même de penser à LA BERGERE ET LE RAMONEUR. Lorsqu'il réussit à récupérer les droits du film, à la fin des années 60, il prend donc la décision de le terminer tel qu'il l'avait souhaité à l'origine avec Jacques Prévert. Il va finalement prendre la décision de changer l'orientation du film. Ce n'est pas la première fois que Paul Grimault se retrouve face à une telle situation. Il avait débuté GO CHEZ LES OISEAUX qu'il n'avait pas pu finir en raison du début de la Seconde Guerre Mondiale. Finalement, il transformera le film en reprenant des passages auxquels il ajoute de la matière inédite pour aboutir aux PASSAGERS DE LA GRANDE OURSE. Paul Grimault et Jacques Prévert vont faire de même avec LA BERGERE ET LE RAMONEUR. Ils vont ainsi conserver une partie des séquences d'animation sur lesquelles viendront s'ajouter de nouvelles scènes. Les animateurs ayant travaillé sur le film d'origine sont rappelés de manière à continuer un film débuté quelques décennies auparavant. De jeunes cinéastes en herbe viennent prêter main forte aux vétérans pour ce qui deviendra LE ROI ET L'OISEAU.
LA BERGERE ET LE RAMONEUR puis LE ROI ET L'OISEAU vont être de véritables sources d'influences de ceux qui sont aujourd'hui considérés comme des ténors de l'animation tel que Hayao Miyazaki. Même Walt Disney avait envisagé au milieu des années 50 de financer Paul Grimault. Une idée en l'air qui ne se concrétisera jamais ce qui semble finalement logique au vue des métrages du cinéaste français dont l'univers semble bien éloigné de celui de Mickey. Dans les années qui séparent LA BERGERE ET LE RAMONEUR et LE ROI ET L'OISEAU, Paul Grimault va signer des films assez militants comme LE DIAMANT, LA FAIM DANS LE MONDE et LE CHIEN MELOMANE. Trois métrages qui ont une vision réaliste de notre monde et exposant les travers de l'humanité tout en conservant une touche de poésie. LE ROI ET L'OISEAU est de la même veine bien que le métrage se montre sous un jour moins expérimental… Encore que ? LE ROI ET L'OISEAU propose tout de même de longues séquences sans dialogue ainsi que des passages très surréalistes comme celui où l'on découvre des fauves mélomanes. Surréalisme et poésie participe ainsi grandement à la réussite d'un film où se confronte deux personnages diamétralement opposés : un oiseau et un despote. Autant dire une notion de la liberté qui se heurte à un régime totalitaire. Le roi du film met en avant un égocentrisme qui n'est pas sans rappeler le culte de la personnalité de Mussolini et d'autres dictateurs tristement célèbres. Pourtant LE ROI ET L'OISEAU ne s'appesantit pas sur le sujet, n'enfonce pas le clou de manière lourdingue. Au contraire, le film utilise le conte pour placer son message dans un contexte fort sympathique, souvent étonnant et le plus souvent en usant d'une naïveté qui rend encore plus belle l'histoire qui nous est racontée ici !
Soyons honnête, LE ROI ET L'OISEAU n'est plus aujourd'hui un summum de l'animation, certains passages sont ainsi plutôt inégaux. Mais ce n'est finalement pas la performance technique qui fait la force du ROI ET L'OISEAU mais bel et bien l'univers qu'il met en image. Que ce soit l'ambiance, le style ou l'histoire, nous sommes bien éloignés du tout venant de l'animation contemporaine et particulièrement les métrages numériques des gros studios hollywoodiens. Encore aujourd'hui, LE ROI ET L'OISEAU, malgré son âge, conserve une véritable fraîcheur qui fait souvent défaut aux dessins animés contemporains !
Ressorti dans les salles de cinéma durant l'été 2013 dans une toute nouvelle version numérique en haute définition, LE ROI ET L'OISEAU est ensuite proposé dans de nouvelles éditions Blu-ray et DVD. Il y a une dizaine d'années, le film avait déjà connu une distribution en double DVD chez StudioCanal. Néanmoins, le film n'avait jamais été proposé jusqu'ici en haute définition et pour en profiter pleinement il faudra donc s'orienter vers le Blu-ray. On notera d'ailleurs que l'éditeur propose dans la même boîte le Blu-ray mais aussi le DVD du film ainsi qu'un code de manière à le télécharger en copie numérique.
Le transfert plein cadre en 1080p/24 rend parfaitement justice aux dessins que ce soit les personnages mais aussi les arrières plans souvent très travaillés. Pour autant, il ne faut pas s'attendre à un résultat époustouflant, le joli transfert en haute définition est avant tout le reflet des techniques d'animation de l'époque. Certains passages sont réellement magiques alors que d'autres s'avèrent bien moins probants particulièrement les séquences issues de la première version du film tournée entre la fin des années 40 et le début des années 50. Le résultat est, en tout cas, une belle réussite ne cherchant pas à corriger certaines imperfections ou encore l'aspect dessiné ou peint des décors comme cela a pu être fait sur des dessins animés produits par Disney. De même, LE ROI ET L'OISEAU ne se pare pas de pistes sonores en DTS HD Master Audio 7.1 à même de faire trembler les murs de votre salon. Il faudra se contenter d'une piste stéréo non compressée qui remplit parfaitement son office, mettant bien en valeur la musique, souvent réduite à une mélodie au piano, de Wojciech Kilar.
Si nous n'avons rien à redire en ce qui concerne la retranscription du film, on sera un peu plus critique en ce qui concerne les suppléments. Si vous aviez le premier double DVD du film, il faudra le conserver car certains suppléments ne sont pas repris ici. En effet, l'édition DVD précédente présentait quelques films publicitaires de Paul Grimault ainsi que LES PASSAGERS DE LA GRANDE OURSE de manière indépendante. Evidemment, ce court-métrage, on le retrouve à l'intérieur de LA TABLE TOURNANTE mais pas dans toute son intégrité. Cela dit, heureusement que LA TABLE TOURNANTE est conservé puisque ce film nous permet de voir Paul Grimault dans son propre rôle face à des personnages animés provenant de ses propres dessins animés. Le film nous permet aussi de voir de manière chronologique une partie de ces courts-métrages ainsi qu'un segment, LE FOU DU ROI, produit spécifiquement pour LA TABLE TOURNANTE. Par ailleurs, si l'on perd des suppléments, il faut aussi préciser que l'on gagne la haute définition sur LA TABLE TOURNANTE mais aussi un tout nouveau documentaire d'une heure intitulé «S'il n'en reste qu'un nous serons ces deux-là» qui s'intéresse à l'amitié ainsi qu'au parcours de Paul Grimault et Jacques Prévert. Au passage, il est bon de préciser que les suppléments sont curieusement proposés avec une chronologie à rebours. Il apparaît en effet plus logique de commencer par le bas de la liste pour remonter vers le haute de manière à avoir un historique plus cohérent concernant Paul Grimault et en arriver à la création du ROI ET L'OISEAU.
«Paul Grimault, image par image» et «Drôle d'oiseau», vous les avez peut être déjà vu sur l'édition DVD précédente. Dans les deux cas, on va essentiellement s'intéresser au cas du ROI ET L'OISEAU. Si l'on revient un peu en arrière, certaines informations restent un peu dans le flou. C'est d'ailleurs pourquoi l'ajout de «S'il n'en reste qu'un nous serons ces deux-là» est fort bien venue et nécessite, à notre avis, d'être visionné en premier. Tous les documentaires donnent la parole à différents intervenants, parfois inattendus comme Jacques Higelin, mais aussi à Paul Grimault sur ceux datant de l'édition DVD de 2003. Le tout est plutôt réussi et se suit avec un véritable plaisir. On peut aussi voir un court-métrage de 1957, LA FAIM DANS LE MONDE, qui pose une édifiante question toujours d'actualité aujourd'hui. Il est bon de préciser que le DVD inclus dans le boîtier du Blu-ray ne propose que LE ROI ET L'OISEAU et LA TABLE TOURNANTE. Le reste des suppléments n'est disponible que si l'on achète le double DVD distribué à la même date que le Blu-ray.
Si l'on perd quelques suppléments, dont la bande-annonce, on peut aussi s'étonner que personne ne se soit dit qu'il puisse être intéressant de voir la version originale de LA BERGERE ET LE RAMONEUR. Cela aurait été une manière de pouvoir comparer les deux versions du film et ce même si l'une n'a jamais été approuvée par Paul Grimault et Jacques Prévert. De plus, la première version du film bénéficiait de voix différente avec, par exemple, Pierre Brasseur dans le rôle de l'oiseau ! Cela aurait été un ajout historique de poids tout comme si l'on avait pu découvrir l'intégralité des courts-métrages de Paul Grimault. Evidemment, il est facile de critiquer surtout qu'en réalité, cette édition Blu-ray est des plus satisfaisantes, permettant de retrouver le film de belle manière mais aussi en proposant des suppléments pertinents.