Alors qu'il était jeune et n'avait qu'une moustache, l'Inspecteur Danny O'Brian s'est retrouvé confronté à un tueur en série de la pire espèce, véritable force de la nature surnommée «La Terreur». Non sans peine, O'Brian est parvenu à écrouer le monstre et à s'en sortir indemne, mais traumatisé. Quelques années plus tard, notre héros s'est laissé pousser la barbe. Il a acquis une confortable réputation au sein des forces de police et s'apprête même à devenir père. Mais c'est sans compter sur «La Terreur» qui parvient à s'évader, relançant la psychose dans la ville de Los Angeles. Rapidement, les morts s'accumulent au sein d'un immense théâtre fraîchement réhabilité. O'Brian se voit donc contraint de braver ses peurs, retrousser ses manches, et partir distribuer quelques coups de pieds dans les gencives de «La Terreur».
Qui aujourd'hui ne connaît pas la légende ? Mais qu'en est-il de l'homme derrière tout ça... Fruit d'un métissage Irlando-Alcoolo-Cherokee, Chuck Norris est le second mâle d'une fratrie de trois. Wieland, l'ainé, décèdera durant la guerre du Vietnam alors que Chuck reviendra transformé de son service militaire en Corée du Sud. Le jeune homme y apprend en effet le Tangsudo et Taekwondo, arts dans lesquels il parvient à se distinguer honorablement. A son retour aux Etats-Unis, il ouvre trois Dojos portant son nom et se lance dans la compétition. Il y fera alors la rencontre de Bruce Lee qui lui proposera le fameux rôle de Colt dans LA FUREUR DU DRAGON. La carrière cinématographique de Norris est alors lancée. Il entraine Steve McQueen, son médiocre rejeton Chad (FIREPOWER) et fait quelques apparitions de second plan. Puis il s'impose en premier rôle avec BREAKER ! BREAKER !, LE COMMANDO DES TIGRES NOIRS (auquel THE EXPENDABLES 2 fait un clin d'oeil), FORCE ONE et surtout LA FUREUR DU JUSTE qui l'amènera jusqu'à Cannes, par la petite porte toutefois.
Puis Norris verse une première fois dans le fantastique en 1982, lorsqu'il s'oppose à un tueur capable de régénérer ses cellules dans HORREUR DANS LA VILLE. Dans HELLBOUND en 1993, l'acteur s'attaque à une entité démoniaque invincible, qui panique cependant quand notre héros lui attrape la jambe ! Ce navet pur jus, c'est à Aaron Norris, petit frère de Chuck que nous le devons. Le duo infernal versera à nouveau dans la bondieuserie crétine en 1996, lorsque notre cogneur préféré incarnera une divinité indienne capable de se transformer en ours ou en loup dans FOREST WARRIOR. Décidément, le cinéma familial ne sied guère au grand Chuck qui se ridiculisera également dans BELLS OF INNOCENCE (un petit rôle toutefois), un métrage-supplice scénarisé par son fils Mike et dans lequel il incarne le Maire chevelu d'une ville fantôme... Autant dire que quand on pense cinéma fantastique, on ne pense pas forcément Chuck Norris ! Pourtant, le HERO AND THE TERROR dont il est question ici méritait bien un petit traitement dans nos colonnes...
Le film voit donc le jour en 1988, alors que Norris a déjà livré ses plus belles perles cinématographiques. Les trois PORTES DISPARUS (films hommages à Wieland Norris), INVASION USA, SALE TEMPS POUR UN FLIC et DELTA FORCE ont fait de lui une Star du cinéma d'action. Ces films (outre SALE TEMPS POUR UN FLIC) ont également en commun d'être des productions Golan-Globus, plus connus sous l'étiquette «Cannon Group». Ce sera aussi le cas de HERO AND THE TERROR, sorti chez nous sous le titre HÉROS, qui en porte indiscutablement les stigmates. L'un d'eux est bien évidemment la présence au casting d'acteurs récurrents de la firme Cannon. C'est ainsi que Steve James, chasseur de mecs en pyjama dans les trois premiers AMERICAN NINJA, incarnera ici le sympathique équipier du héros. Nous retrouverons également Billy Drago, inoubliable salopard dans LES INCORRUPTIBLES, INVASION USA, DELTA FORCE 2 et bien d'autres. Le monsieur surprend ici en donnant rapidement corps à un toubib assez pessimiste, délivrant quelques informations peu rassurantes au personnage principal. Branscombe Richmond, éternel Bobby Sixkiller de la série LE REBELLE, apparaît également, le temps d'ouvrir la bouche puis de se la faire démonter par Chuck Norris. Notable sera l'apparition de Ron O'Neil, acteur noir devenu une figure importante de la Blaxploitation grâce à SUPERFLY et sa suite. Nous citerons enfin la présence au casting de Jack O'Halloran, acteur irlandais au physique particulier et à la stature imposante (plus de deux mètres !). Le bonhomme est essentiellement connu pour le rôle de «Non» dans SUPERMAN et sa suite. Ici, il incarne sans surprise le tueur bestial que rien ne peut stopper.
Assez peu original, ce fameux criminel emprunte sa carrure et son mutisme aux nombreux psychopathes qui l'auront précédé. Michael Myers et Jason Voorhees viennent bien évidemment à l'esprit mais l'environnement urbain du métrage évoquera davantage le MANIAC de William Lustig. L'antre du dément, peuplé de femmes/mannequins inertes et dévoilé en début de métrage renforcera du reste ce sentiment. Il semble donc que nous tenions là l'une des inspirations majeures de Michael Blodgett lorsqu'il s'attela en 1982 à la rédaction de «Hero and the Terror», son second roman. Au final, le bonhomme n'en écrira que trois qui s'inscriront dans la logique d'une reconversion, sorte de charnière entre une carrière d'acteur (il est par exemple Lance dans BEYOND THE VALLEY OF THE DOLLS) et une autre qui suivra, en tant que scénariste pour Hollywood (TURNER & HOOCH, RUN). Quelle que soit son activité, Blodgett ne brillera guère et son jeu ne restera pas plus dans les annales que ses écrits. Pourtant, et malgré une trame assez grossière, «Hero and the Terror» et son adaptation sur grand écran recèlent quelques idées intéressantes…
La principale vient du fait que son «Héros» n'en est pas vraiment un. En début de métrage, un triple flash-back nous révèle ainsi les véritables circonstances de l'arrestation : «La Terreur» n'aura été stoppée que par une malencontreuse chute d'échelle ! Voilà qui égratigne quelque peu l'image de l'invincible Chuck Norris et fait de son personnage un héros malgré lui, voir même un usurpateur. Dès lors, le traumatisme a toute sa place, de même cette réticence qu'a notre protagoniste à se faire appeler «Héros» par ses collègues. L'inspecteur Danny O'Brian aura donc tout à prouver par le biais d'une seconde confrontation, qui intervient qui plus est à un moment clef de son existence...
Nous regretterons cependant que HÉROS n'exploite que superficiellement cette idée de départ. Car assez rapidement, le réalisateur William Tannen barbote au beau milieu des poncifs du cinéma d'action des années 80, dont la Cannon fut très friande. On a donc des torses épilés, du muscle en sueur, des salles de sport et quelques répliques (très) décalées. Tout cela n'a rien de véritablement désagréable mais fait indiscutablement «tâche» au sein d'une enquête plutôt sérieuse, menée à un rythme assez lent... Dans le même registre, on pointera l'excellente séquence du jogging de Steve James au sein d'un théâtre, sur fond de musique classique. Parfaitement menée, celle-ci se voit pourtant polluée par un parallèle facile et plutôt maladroit entre la mort d'un individu, et la naissance d'un autre. Il en sera de même des errances de notre héros au coeur des galeries de l'opéra. L'ambiance, bien présente, se trouve encore une fois désamorcée par une idée ridicule : O'Brian défonce un mur de briques pour y accéder. Soit. Mais comment le tueur, lui, faisait-il pour s'y tapir ? Etait-il maçon à ses heures ? Aïe...
Pour rester dans le Chuck Norris et le registre du polar urbain, HÉROS est donc assez loin d'égaler SALE TEMPS POUR UN FLIC. Si l'on considère en revanche l'élément «horrifique» apporté par le sérial killer, le film de William Tannen s'en sort déjà mieux avec quelques séquences aussi sèches qu'implacables. La violence reste toutefois limitée, avec une volonté évidente d'offrir un spectacle tout public, ou presque. Loin d'être parfait donc, HÉROS n'en demeure pas moins un métrage tout à fait recommandable, saupoudré malgré tout de quelques inélégances que l'on peine à s'expliquer.
En France, HÉROS aura curieusement connu deux éditions DVD. La première début 2005 avec une jaquette présentant Chuck Norris en premier plan, Ray-Ban sur le nez et flingue en main. Et la seconde ajoutera un an et demi plus tard une accroche qui est «Un flic, un tueur psychopathe. La chasse à l'homme peut commencer». Guère convaincante, cette petite phrase est bien la seule chose qui puisse différencier les deux éditions, rigoureusement identiques. Quel que soit le disque qui se présentera à vous, le menu (multilingue) sera donc d'une sobriété désarmante, offrant une poignée d'icônes peu explicites. Un chapitrage vous sera également proposé, ainsi que le traditionnel choix audio. Les doublages français, espagnol, allemand et polonais seront encodés, tout comme la version originale anglaise, en stéréo. Pas de souci technique ici, mais une restitution assez plate, bien peu dynamique. Au chapitre des curiosités, nous noterons une petite «folie» de la part des doubleurs en dix-huitième minute. Alors que la version anglaise parle de la télévision câblée, la piste française place une référence publicitaire à la chaine Canal+ ! Cela s'explique par le fait, qu'à l'époque, seule la chaîne cryptée française était à même de s'approcher des chaînes à péage américaine. Profitons-en pour signaler que durant cette même séquence, Chuck Norris se fait passer pour «le cousin Carlos» d'un propriétaire de baraque à frite. Le clin d'oeil se trouve bien évidemment dans l'évocation de ce prénom qui n'est autre que le véritable prénom du grand Chuck !
Sur le plan de l'image, nous avons clairement droit à une copie fatiguée. Rien de dramatique mais un petit dépoussiérage ne serait pas un luxe. Les couleurs sont également un peu ternes, et les teintes sombres bien peu profondes. Le grain est assez important mais plutôt naturel, offrant un cachet cinéma très agréable. La compression se fait pour sa part plutôt discrète et assez maitrisée. Enfin la définition proposée par l'encodage 16/9 est satisfaisante, et le ratio se veut fidèle au 1.85 d'origine.