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Critique du film
REPLICAS 2012

 

Vous êtes-vous déjà trouvé dans une salle de cinéma, en train d'assister à un film que vous aviez envie de voir, que vous sentez être bon... Et malgré cela, vous n'avez qu'une envie, celle de partir car le sujet vous rebute ? C'est ce sentiment qui s'est emparé de votre serviteur à la vision de REPLICAS, eu égard au côté malsain et insidieux que le métrage développe progressivement.

A la suite de la mort de leur fille dans un accident de la route, les époux Hugues (Selma Blair et Joshua Close, également scénariste) partent avec leur fils Brandon (Quinn Lord) dans leur maison de campagne. Leurs nouveaux voisins (James d'Arcy et Rachel Miner) les accueillent malgré l'heure très matinale de leur visite. Ils sympathisent et les invitent à diner pour les remercier. Mais cela tourne à un interrogatoire à sens unique jusqu'à ce que Brandon se fasse agresser par le fils des voisins (Alex Ferris). Commence alors une escalade dans la violence...

REPLICAS prend la route d'un sous-genre du thriller psychologique que les américains appellent le «home invasion»(«invasion de domicile»). Une lignée déjà bien chargée avec LA MAISON DES OTAGES et son remake, FUNNY GAMES et son remake, SEULE DANS LA NUIT de Terence Young, OBSESSION FATALE de Jonathan Kaplan, l'excellent LADY IN A CAGE, PANIC ROOM, LA MAISON AU FOND DU PARC de Ruggero Deodato, THE STRANGERS de Bryan Bertino.... Et la liste est très loin d'être exhaustive. Donc des films où la sacralisation et le sentiment de sécurité d'une maison sont menacés par des individus souhaitant briser ce côté sacré, en pénétrant dans l'enceinte familiale pour la faire sienne. Avec si possible du suspense, de la violence, voire plus si affinités. Un sous-genre très visité mais REPLICAS réussit son pari de sortir du lot malgré un sujet très peu archétypal.

Le film démarre comme un drame sec sur la douloureuse perte d'un enfant. Difficulté de communication et décombres des sentiments enfouis dans les débarras d'un amour disparu. Ce vide circonstancié sera comblé par l'amorce d'un suspense d'apparence psychologique. Car le film de Jeremy Power Regimbal offre progressivement des poussées malsaines qui dérangent. La sensation de dépossession de sa vie et même de son propre corps monte jusqu'à un paroxysme qui met mal à l'aise. Le réalisateur dépeint scrupuleusement et de manière quasi clinique le vide existentiel et physique des vies de chaque famille. Ceci pour des raisons diamétralement opposées. L'une privée de sa substance vitale de par la mort de l'un des leurs. L'autre exclus de ressources afin de mener une vie qu'ils considèrent comme normale. Et dans chaque cas, on découvrira que ces frustrations recèlent une autre zone d'ombre, bien plus grave. Ingénieux, le scénario imprime sa marque dans des détails insignifiants mais terriblement révélateurs.

L'assaut psychologique et la manipulation menés par les envahisseurs s'installent insidieusement jusqu'aux explosions de violence. Les auteurs ne sombrent pas dans les simplifications réductrices communes aux films de genre. Ils décrivent plus un lent processus de prise de conscience, loin d'une réflexion purement binaire. REPLICAS ne contient que très peu de sang car il apparaît évident que Jeremy Power Regimbal poursuit un autre but. Il allie torture morale et violence physique via des jeux de dégradation et de cruauté. Prendre possession du statut, des personnalités de la famille désirée. Devenir des répliques fantasmées. Mais humilier d'abord, car l'objet du désir est pervers et finalement assez peu obscur. Le scénario nuancé de Joshua Close, qui équilibre justement la psychologie et les scènes de suspense, y est pour beaucoup. Car il représente la charpente nécessaire pour la crédibilité de ce récit de dépossession des identités de la famille Hugues.

Il existe une belle scène d'amour entre Selma Blair et Joshua Close où le spectateur voit retomber la pression. La manipulation est également du côté des auteurs car cette pression vient en réalité d'une monté d'un cran dans l'ignoble et le transgressif. Remarquable effet de mise en scène qui octroie au film l'accès à un palier supérieur vers le nocif. Il y a toutefois bien longtemps qu'on aura compris qu'aucune major n'aurait pu engendrer un tel film. Ni même le distribuer. Trop explicite, trop tordu. On demeure assez loin d'un FUNNY GAMES, tant les effets et le but recherchés sont éloignés – même si le film original de Mickael Hanneke reste supérieur en termes d'impacts sociétaux. Les aspects morbides et dégradants des situations trouvent un écho particulier au sein de cette maison bourgeoise, propice à un bonheur matériel finalement galvaudé. Et l'emploi d'un format anamorphique ne fait qu'ajouter a l'isolation des personnages. A la fois au sein du cadre mais également dans l'épreuve qu'ils traversent car la souffrance est propre à l'ensemble des protagonistes.

On ne saura jamais assez louer la performance assez spectaculaire de Selma Blair, qui se donne littéralement en pâture à la camera. Psychologiquement et physiquement, elle donne tout... sans jamais sombrer dans l'exagération. Remarquable. Idem pour James d'Arcy qui s'acquitte d'un rôle difficile qui donne ses lettres de noblesse à la cruauté impavide.

REPLICAS est parvenu à un stade de film insidieux. Un métrage correctement inséré dans un XXIème siècle qui a creusé les inégalités sociales, développé des jalousies méphitiques via l'obsession du statut social et l'illusion de la perfection ou encore la réussite de la cellule familiale. Une véritable obsession du cinéma américain. Ce supposé havre protecteur qui s'avère ici frelaté, ne laissant à la fin du film qu'une amertume tangible. Pas de sentiment libérateur, pas de satisfaction finale... REPLICAS fait mal, remue plus qu'on ne le soupçonne de par sa violence délétère et son climat malfaisant.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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