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Critique du film
BEAST 2011

 

Exploration de la cellule d'un couple en crise, le film de Christoffer Boe s'inscrit dans une longue tradition chère au cinéma d'auteur européen, en y adjoignant une illustration allégorique, aux frontières de l'horreur à la manière d'un Zulawski dans POSSESSION, l'hystérie en moins. Encore que...

Le film disséque avec une précision quasi chirurgicale la lente descente d'un homme dans les recoins torturés et douloureux de son âme éprise d'une femme qui s'en éloigne peu à peu. Sa transformation psychologique, le passage de l'état amoureux d'un dépendant affectif extrême à celui de la haine pure. BEAST nous offre le spectacle de l'entre-deux. Les diffèrentes nuances de dégradation magnifiquement retranscries par l'interprétation percutante de Nicolas Bro vont opérer tout un tas de transformations, à la fois sur la narration du film, sa mise en scène et de manière encore plus spectaculaire sur le physique même de l'acteur principal, réduit à un état primaire de violence de moins en moins contenue.

Christoffer Boe fait mouche avec les scènes de vie quotidienne d'un couple retranscrites dans un style proche du documentaire. Des échanges amoureux dévoilant la vulnérabilité d'un homme confrontée à une femme au bord de l'asphyxie et cherchant à se dégager de l'emprise d'un homme devenu trop encombrant (dans tous les sens du terme), aux rendez-vous donnés à un amant dans une discrète chambre d'hôtel, la précision de la mise en scène et l'attention donnée aux réactions successives de l'homme confère au film une subtile crédibilité en ce qui concerne l'implosion physique et mental du personnage principal.

Présenté dans le cadre du Festival du Film Fantastique de Gérardmer, édition 2012, le film se distingue néanmoins du tout venant du genre, dans la mesure où il vient puiser dans l'horreur un outil d'expression pour souligner l'intériorité bien réelle des états psychologiques respectifs des protagonistes et des situations quotidiennes dans lesquels ils sont plongés. Ceux qui s'attendent donc à des débordements surréalistes, se verront probablement frustrés d'une telle utilisation des outils du genre. On reste ici dans un échange de destruction ou les quelques effets horrifiques, relativement sobres, sont à raccrocher à des ponctuations cauchemardesques. Après tout Zulawski, qui semble être une source d'inspiration de Christoffer Boe, a toujours réfuté l'appartenance de POSSESSION au genre. Snobisme ou vraie nuance dans la note d'intention, nul doute que BEAST participe du même débat.

Sous ses airs de sujet déjà vu et exploré maintes fois, BEAST retient donc l'attention par son élégante mise en scène, la justesse et l'abandon complet de l'acteur principal dans son rôle de bête humaine. Le film nous propose une vision noire de la cellule du couple, ou l'un et l'autre se contaminent de leur propre bestialité. Le dernier plan en forme d'ironie symbolique achève de rendre ce point de vue, aux touches d'humoir noir, sans concession et radicale.

Rédacteur : Nicolas Kannengiesser
Photo Nicolas Kannengiesser
4 critiques Film & Vidéo
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