Entre réalité et Matrice, Kaydara et Iad sont deux frères qui tentent d'assurer leur survie en œuvrant au titre de chasseur de prime. Mais Kaydara mène également une quête de plus grande ampleur, celle de l'accomplissement de soi qui ne pourra passer que par sa victoire face à l'Elu. L'homme entend ainsi révéler son propre potentiel et, peut-être aussi, celui d'autres hommes, aujourd'hui bridés par l'image écrasante d'un Neo tout puissant...
Regardez les captures d'écran, les visuels, la bande-annonce ou même le site officiel du film et vous aurez alors un aperçu de la claque visuelle qu'est KAYDARA. Lancez-vous dans le visionnage en haute définition du film et vous aurez bien plus encore : l'incroyable sentiment d'être face à une nouvelle aventure Hollywoodienne concoctée par les frères Wachowski. Non seulement en termes d'image, mais également sur les plans sonores et «philosophiques». Pourtant, il n'en est rien puisque derrière ce moyen-métrage de 55 minutes se cache en réalité un «Fan-film», mis en boite par deux «non-Fans» français, au fin fond d'un garage situé dans les Hautes-Alpes...
Nous sommes en 2005 lorsque Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard décident de mettre en commun leur passion pour le cinéma de divertissement. MATRIX est alors passé par là et sans être de véritables amoureux de la trilogie, les deux bonhommes apprécient son univers et les influences dont il est nourri. Ils décident donc de se «lancer», sans véritablement prendre la mesure de ce qu'ils entreprennent... Le duo se fait tout d'abord la main avec RATRIX, un court d'animation de six minutes prévu dès l'origine comme une portion ludique de KAYDARA. Il s'agit bien évidemment là de parvenir à recréer le visuel du monde de Neo, mais aussi de se former aux différentes technologies nécessaires à l'entreprise finale. Pari amplement réussi puisque cette première petite pelloche est d'une qualité indiscutable, aussi maîtrisée techniquement qu'elle est drôle, et par conséquent efficace.
Savitri Joly-Gonfard et Raphaël Hernandez passent donc rapidement à la vitesse supérieure et s'attaquent à la portion «Live» de KAYDARA, faisant intervenir pour cela une poignée d'acteurs totalement amateurs sur seulement six jours. Les conditions ne sont pas optimales et le jeu globalement peu convaincant. Pour pallier ces différents problèmes et recréer les deux mondes de MATRIX, le duo se lancera alors dans une phase de post-production de six années faites de patience, de minutie mais également de sueur. Durant cette période, l'acteur principal reviendra de temps à autres pour quelques re-shots, les voix seront pour la plupart redoublées en anglais et d'étonnantes maquettes seront incrustées au sein d'une imagerie numérique méticuleusement soignée. Aujourd'hui, face au métrage terminé, on ne peut que constater que la plupart des soucis précités ont été gommés et ne transparaissent plus qu'en de rares instants. A tel point, aussi étonnant que cela puisse paraître aux vues de cette genèse, que KAYDARA mériterait son intégration au sein de la saga originale, ce qui sera du reste sans doute le cas dans le cœur des spectateurs...
Maintenant, que KAYDARA soit en tous points digne de MATRIX et de ses suites ne signifie pas pour autant qu'il est dénué de défauts. En réalité, il est amusant de constater que le film souffre des mêmes «soucis» que ses aînés. A savoir que bien qu'elle soit spectaculaire, l'abondance d'action fini paradoxalement par lasser et poser quelques problèmes de rythme. Enfin comme c'était le cas pour le film des frères Wachowski, la «spiritualité» de KAYDARA pourra séduire ou, au contraire, laisser de marbre. L'idée de tuer Dieu pour libérer le potentiel des hommes est intéressante et peu conventionnelle, mais elle s'avère assez déroutante dans son aboutissement, et noyée au sein d'une trame finalement plus «convenue».
Reste que malgré ces quelques bémols assez subjectifs, KAYDARA est indiscutablement une expérience à vivre. Respectueux et inventif jusque dans sa bande originale, sublime et impressionnant dans ses images et sa mise en scène, le métrage de Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard est également une véritable étape dans l'univers du «film amateur». Un tour de force étonnant qui, que l'on y adhère ou pas, mérite d'être salué et reconnu comme tel. Gageons donc que les deux jeunes réalisateurs sauront rebondir rapidement et n'attendront pas six années de plus pour nous livrer une nouvelle pépite.