Philippe LeMarchand est un brillant fabriquant de jouets parisien. Une récente commande du Duc De L'Isle devrait lui permettre de toucher une forte somme salvatrice. Le jeune artisan ne sait pas encore qu'il vient de concevoir une boite ouvrant les portes de l'enfer... De L'Isle use de la boite pour redonner vie à Angélique, une jeune femme paumée qu'il vient d'assassiner. LeMarchand, prend alors conscience de son erreur et tente de mettre fin au mal qu'il a créé. Cette tentative désespérée lui coûtera la vie... Deux siècles plus tard, la descendance LeMarchand est à nouveau confrontée à Angélique mais aussi à Pinhead. Tout deux souhaitent éteindre la lignée du fabriquant de boites mais cette quête ne prendra fin qu'en 2127, alors qu'un nouveau descendant use du jouet confectionné par son ancêtre...
Dès 1988, Peter Atkins et Clive Barker travaillent ensemble sur le scénario de HELLRAISER II : LES ECORCHES, la suite de HELLRAISER : LE PACTE sorti un an plus tôt. Une réelle entente naîtra alors entre les deux hommes et Atkins restera en contact avec l'écrivain lors de l'écriture d'un troisième scénario qui aboutira sur HELLRAISER III en 1992. Quelques années plus tard, Clive Barker partage sa vision d'un quatrième volet avec Peter Atkins. Il imagine une aventure très différente des autres, s'étalant sur trois époques et débutant au cœur d'un Londres victorien. Atkins suggère alors de retracer le destin des LeMarchand dont l'ancêtre français, Philippe, inventa la fameuse boite. Pour coller au roman d'origine «Hellbound Heart», il sera ainsi décidé que la première partie de cette aventure se déroulera donc plutôt à Paris, à la fin du 18ème siècle.
La quête d'un réalisateur peut alors débuter. Barker est envisagé mais doit décliner l'offre en raison de son planning déjà particulièrement dense, partagé entre le tournage de LE MAITRE DES ILLUSIONS et le scénario de CANDYMAN 2. On pense alors à Guillermo Del Toro qui vient de réaliser CRONOS, puis à Stuart Gordon. Ce dernier sera d'ailleurs plus qu'envisagé mais quittera bien vite le projet pour «désaccord artistique». On approchera alors le jeune Kevin Yagher, un spécialiste des maquillages ayant œuvrés sur trois épisodes de la saga Freddy (ainsi que sur la série télé), et un Vendredi 13 (CHAPITRE FINAL). L'homme trempe également dans le domaine des effets spéciaux (JEUX D'ENFANT) et a, à l'époque mis en scène trois épisodes des CONTES DE LA CRYPTE. Ce curriculum vitae convient parfaitement aux producteurs qui donnent alors leur feu vert…
Après six versions du script, le projet peut démarrer officiellement en août 1994 avec un (maigre) budget de quatre millions de dollars en poche. La sortie sur les écrans est planifiée pour janvier 1995 mais, alors que Yagher est encore en plein travail et que les effets spéciaux sont loin d'être terminés, les producteurs réclament une première projection de l'œuvre. Bien qu'ils aient eu entre les mains chacune des versions du script, ceux-ci se déclarent déçus et surpris de constater que le charismatique Pinhead n'apparaît qu'après trois quarts d'heure de métrage. De plus, le monstre/icône n'est pas assez présent à l'écran et le personnage de la belle Angélique (Valentina Vargas) lui fait de l'ombre. Il est alors demandé à Yagher de faire quelques aménagements. Il lui faudra pour cela bouleverser la chronologie de son film afin que le populaire cénobite incarné par Doug Bradley apparaisse plus tôt et plus longtemps.
La décision déplait à Yagher mais l'homme, qui réalise ici son premier long, plie et fini par accepter. Quelques scènes sont alors retournées et le film est remonté. Le travail est suivi de près par des producteurs qui réclament toujours plus de modifications. Yagher craque finalement en déclarant qu'on lui réclame un film tout autre que celui qui était prévu. Il se retire donc du projet et exige que son nom n'apparaisse plus au générique. Pour le remplacer, la société Miramax pense à Joe Chappelle, un réalisateur qui connaît au même moment moult problèmes avec le montage de HALLOWEEN VI : LA MALEDICTION (épisode bien nommé qui sonna le glas temporaire de la saga). Sans doute masochiste, l'homme accepte et met provisoirement de côté Michael Myers au profit de Pinhead. Le planning est cependant serré et Chappelle ne consacrera que les mois d'avril et mai 1995 au charcutage du film de Yagher. S'il conserve la portion contemporaine du métrage quasiment intacte, il déstructure en revanche totalement les parties se déroulant dans le passé et le futur. Le métrage passe alors de 110 minutes (minimum) à 86. Sur cette durée définitive, un tiers fût tourné par Chappelle. HELLRAISER IV : BLOODLINE n'est donc plus que l'ombre de lui-même et seule une moitié du film de Yagher subsiste, terriblement remontée/défigurée par ailleurs... Le film sortira finalement sur les écrans américains en mars 1996, avec plus d'un an de retard.
L'accueil sera alors des plus mitigés. Et pour cause : Tous renient la paternité de l'enfant difforme. Le métrage sera donc signé «Alan Smithee», un pseudonyme peu engageant permettant aux réalisateurs insatisfaits de ne pas apparaître au générique. Le film perd son idée de départ (confronter Pinhead à Angélique) et l'ensemble du casting est terriblement déçu. Doug Bradley déclarera même un peu plus tard «BLOODLINE est la plus misérable expérience de ma carrière». Un aveu qui en dit long...
HELLRAISER IV : BLOODLINE se présente donc sous la forme d'un triptyque se déroulant sur trois époques. Le passé évoque la création de la boite, la naissance de la démoniaque Angélique et la malédiction qui frappera plusieurs générations de LeMarchand. Cette portion, quoique terriblement charcutée et bancale s'avère des plus sympathiques. Initialement, son ouverture devait évoquer celle de LES GRIFFES DE LA NUIT de Wes Craven dans laquelle nous pouvions voir la fabrication du fameux gant de Freddy. Mais comme dit précédemment, des modifications chronologiques (le film débute par une séquence futuriste) ont décalées cette scène un peu plus tard dans le film. On y découvre alors quelques plans serrés et très découpés qui nous révèlent les mystères de la création de la boite. Bien que son impact soit amoindri, il s'agit là d'une séquence intéressante laissant place à une ambiance sombre et glauque, enchaînant directement sur l'usage qui sera fait de l'objet... La mort puis la renaissance d'Angélique (tournées par Chappelle) sont certes moins percutantes que l'idée d'origine mais là encore, la scène fonctionne, notamment grâce à des effets spéciaux de bonne facture et une imagerie digne d'un nouvel opus de Frankenstein. De L'Isle vient de redonner la vie à une femme morte à l'aide de la boite : «She's alive» !
Dans la version de Yagher, Angélique n'avait rien d'une miséreuse utilisée par De L'Isle. Elle était une séduisante et libertine aristocrate, complice perverse du sombre Duc, magicien à ses heures. Suite à la livraison de la boite par LeMarchand, elle proposait à quatre riches personnages un jeu pour le moins stimulant. Chacun d'eux devait manipuler la boite, à tour de rôle, pour en percer les mystères. A chaque manipulation concluante, la belle offrait d'ôter l'un de ses vêtements. Voilà donc comment sera utilisé l'énigmatique objet de LeMarchand, et ce pour la première fois... Intégralement nue, Angélique devint ainsi la première démone créée par le cube, une Princesse Cénobite alors que les autres individus présents dans la pièce furent condamnés à n'être que ses larbins. Le personnage joué par Valentina Vargas était par conséquent largement précurseur de celui de Pinhead, puisque ce dernier ne «naîtra» qu'en 1930, suite à l'usage fait d'une boite par le Capitaine Elliot Spencer. La Angélique de Atkins et Yagher devait être l'alter-ego du monstre mythique et mener dans ce HELLRAISER IV : BLOODLINE à un véritable «choc des titans». Après remontage, le personnage sera complètement étouffé même s'il reste encore, au détour de quelques dialogues, des allusions à son statut de Princesse arrogante. Il sera également possible de retrouver des bribes de la séquence précédemment décrite dans la bande-annonce l'époque, disponible par exemple sur le disque édité en France par Studio Canal. Nous vous proposons quelques captures d'écran ici même...
Angélique présente la boite et explique le jeu. | ||
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La boite passe de mains en mains et fini par bondir sur la table pour s'enclencher. | ||
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Angélique récompense les joueurs en se déshabillant. | ||
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Le lustre tremble et Angélique révèle sa nature démoniaque. | ||
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Les chandeliers et le lustre prennent feu. | ||
La boite s'attaque aux joueurs… |
Ajoutons, toujours en ce qui concerne la portion tournée par Yagher et se déroulant en 1784, que lors de son retour au «Château du rêve» (tel que nommé par Atkins), LeMarchand assistait à un bal masqué, peuplé d'individus qui allaient se révéler être des monstres au service d'Angélique. Notons également que De L'Isle finissait défénestré par sa démoniaque comparse, comme en témoigne là encore quelques images issues de la bande-annonce d'époque…
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La mascarade... | ||
… et De L'Isle prenant conscience qu'il n'est pas le Maître ! |
La portion se déroulant dans le présent est à dire vrai bien moins intéressante. Prenant place quasi-exclusivement dans l'immeuble aperçu en fin de troisième volet, elle nous présente un descendant LeMarchand obsédé par ses visions nocturnes. A tel point qu'il en vient à faire construire un immeuble à l'image de la maudite boite (immeuble en construction à la fin de HELLRAISER III). Une opportunité inouïe pour les cénobites de débarquer en masse... Mais il faut pour cela éliminer cet architecte avant qu'il ne comprenne et anéantisse tout espoir...
Moins sombre, plus démonstratif, ce segment voit apparaître Pinhead et son étrange chien cénobite («Chatter Beast»). Nous assistons à quelques morts plutôt graphiques et à la création de nouveaux guerriers du mal : Les cénobites jumeaux («Twins»). A l'origine, l'agent de sécurité Valérie Dyson devait être la victime contemporaine de Pinhead mais Yagher décida en cours de tournage qu'il en serait autrement. La Valérie du script deviendra alors deux vigiles jumeaux (joués par Jimmy et David Schuelke) se déclarant «inséparables». Pinhead les prendra au mot et en fera, lors d'une étonnante séquence de transformation, de terrifiants siamois interprétés par deux autres acteurs jumeaux : Michael et Mark Polish. L'occasion de saluer encore une fois le magnifique ouvrage réalisé par le maquilleur Gary J. Tunnicliffe, présent dans la saga depuis le volet précédent. Travail qui sera du reste encore à l'honneur dans la troisième partie du métrage, nous dévoilant une Valentina Vargas stupéfiante en cénobite sexy. Des aveux même de Tunnicliffe, la «coiffe» de l'actrice aura été inspirée de celle de Whoopi Goldberg dans SISTER ACT et sa silhouette de celle de Anjelica Huston dans LA FAMILLE ADDAMS...
Le dénouement de ce film en trois actes se veut être une apothéose. Lorgnant du côté de ALIEN, il tente d'instaurer une ambiance sans toutefois y parvenir réellement. L'ensemble est assez dénué de sens et surtout, de tension. De cela, les producteurs et Chappelle sont seuls responsables puisqu'en éparpillant les séquences futuristes tout au long du métrage, ils brisent tout suspense et perdent de surcroît l'implication du spectateur. Il est en outre un fait qu'après la portion contemporaine, la surenchère de ce segment fatigue et sa «simplicité» déçoit. Clairement plus faible que les autres, cette ultime portion plombe donc l'ensemble et c'est avec une facilité déroutante que les cénobites se font encore une fois bernés.
Avec sa première portion raccourcie et totalement refaite, son volet central un peu faible et son dénouement ennuyeux, HELLRAISER IV : BLOODLINE déçoit. L'épopée envisagée se transforme en petite série B et les ambitions d'origines perdent ici toute valeur. L'impact souhaité est totalement anéanti et Pinhead, devenu un monstre parmi tant d'autres, est encore une fois ridiculisé. Reste que l'amoureux de la saga pourra en apprendre un peu plus sur les origines de la boite, qu'une allusion nous explique brièvement pourquoi il en existe plusieurs (vues dans HELLRAISER II : LES ECORCHES) et que les cénobites éclaboussent encore l'écran de par leur incroyable charisme...
S'il faut donc retenir quelque chose de la vision du métrage, c'est qu'il est aujourd'hui aussi écorché que les créatures qui le hantent. L'intelligence et l'originalité qui devaient être siennes se sont perdues au profit de nombreuses incohérences. Celles-ci, couplées à la fameuse bande-annonce, laissent cependant transparaître une part de ce qu'aurait dû être le métrage. Sa (re)découverte peut donc s'apparenter à celle d'un Puzzle palpitant qui ne manquera pas de fasciner les cinéphiles que nous sommes. Pour le reste, Pinhead impressionne encore une fois mais cela ne sera pas suffisant pour engendrer le succès commercial espéré. La franchise quittera donc le grand écran pour se décliner par la suite en vidéo. Un bien triste sort pour une saga qui avait si bien commencé...
L'édition chroniquée ici possède la particularité qu'elle doit être évitée ! Ainsi, alors que le disque français (édité par Studio Canal) dispose d'arguments techniques plutôt convaincants (format respecté, 16/9eme, version originale et française), cette édition belge ne dispose pour elle d'aucun atout ! Reste qu'elle est cependant proposée dans les boutiques en ligne françaises ainsi que dans certains hypermarchés pour un prix modique. La tentation est donc grande et la confusion possible. Cependant, attentifs lecteurs, les spécifications de la chose devraient vous dissuader sans mal. Jugez plutôt...
Commençons par l'image qui nous est proposée en version Open Mate, pour un ratio 1.33 loin du 1.85 d'origine. Cette édition dévoile donc davantage d'image en haut et en bas, pour un résultat fade et on-ne-peut-plus télévisuel. Plus étonnant, la copie belge semble avoir perdue les filtres de couleurs bleu ou vert pour un rendu tirant clairement vers le rouge. Le résultat est, disons-le, assez moche et se voit par ailleurs plombé par une compression visible couplée à une définition assez décevante. Le comparatif ci-dessous se montre assez éloquent :
Sur le plan sonore, cette édition cartonne encore en ne proposant qu'une simple version française. Les amateurs de version originale en seront donc pour leurs frais et n'auront pour seul choix qu'un doublage souvent approximatif, dénaturant même certains propos. S'il reste clair, le son en stéréo est par ailleurs d'une platitude remarquable...
Inutile d'espérer des bonus puisque nous l'avons dit : Ce disque cumule les tares. Le malheureux acheteur n'aura donc même pas l'occasion de soigner sa peine avec une bande annonce. Reste que HELLRAISER IV : BLOODLINE n'a, pour l'instant, pas eu les faveurs des éditeurs en ce qui concerne les suppléments. Alors qu'il existe plus de quarante minutes de scènes coupées et qu'il serait pertinent de revenir sur le «Development Hell» du film, les disques disponibles restent particulièrement légers et avares…
Vous l'avez compris, il conviendra donc au dévédéphile averti d'ignorer dédaigneusement cette édition belge. Chose facile puisqu'elle est aisément identifiable par son visuel de mauvais goût en haut duquel trône une dégoulinure de sang bien malvenue... Si vous la voyez, fuyez-la !