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Critique du film
DEAD CERT 2010

 

Le Marché du Film de Cannes est un sacré moment dans une vie de cinéphile. Une orgie de films, un choix de tous les instants, à tous les rayons, à tous les étages... Une bataille permanente pour accéder à la salle désirée. Mais un constat glaçant s'impose en cette année 2010 : la médiocrité générale des produits présentés. Une profusion de produits en 3D : pas loin d'un quart des films en production promettent l'effet « dans ta face », des dessins animés à l'horreur en passant par les productions asiatiques de tous poils. Et une certitude : le cinéma de genre se porte bien et est largement représenté. Au milieu de ce trop-plein de choix, il y a tout de même l'espoir de tomber sur LA perle. C'est donc plein d'espoir qu'on se dirige vers la projection de DEAD CERT.

Freddy «Dead Cert» Frankham (Craig Fairbrass), puissant caïd et son gang londonien tiennent un night club avec danseuses lascives. Mais lorsque le mystérieux Dante Livenko (Billy Murray) débarque et gagne la propriété du-dit lieu lors d'un combat, le chef du gang londonien comprend qu'il a été doublé par une bande de vampires. Les danseuses sont mises au tapin et les vampires se vengent d'avoir été chassés de Londres plusieurs siècles auparavant.

Autre certitude : un grand besoin de Cresoxipropanediol (en capsules) se fait sentir après la vision de DEAD CERT. Le film est une tentative de croisement entre film de gangsters anglais, dans la tradition de FRERES KRAYS ou encore de ARNAQUES, CRIMES ET BOTANIQUE, et de films de vampires. Ca tombe bien, ces derniers étant particulièrement à la mode en ce moment. Le concept et la structure du film ressemblent aussi fichtrement à UNE NUIT EN ENFER alors que la séquence de night club fait penser à celle de BLADE… beaucoup de coïncidences. Mais bon, il n'existe pas de mauvais sujets, juste de mauvais traitements, non ? Déjà un petit mal de crâne ? Allez, un coup de silicate anhydrique de magnesium pour la suite.

Le scénario opte pour un règlement de compte intérieur dans les lieux mêmes du night-club. Celui-ci, qui ressemble à un entrepôt maquillé rapidement en bar à putes branchouille via quelques néons et podiums, ne trompera pas grand monde. Le budget relativement bas ne fait pas illusion et tout ceci ne sent guère l'originalité. En fait, DEAD CERT repose sur certains clichés inhérents au genre et ne cherche pas à s'en détourner. Misogynie ambiante : les femmes restent invariablement des prostituées, des écervelées ou des femmes au foyer respectueuses de leur mari. Les hommes sont des mâles, des vrais : on se castagne, on s'entretue, on se jauge, on se manipule mais tout se règle «entre hommes» à grands coups de poings dans la gueule et de pieux en plein cœur. Dès que les méchants vampires (forcément) prennent possession des lieux, le nom du bar passe de «Paradise» nimbé de bleu à «Inferno» en lettres rouges. Et le prénom du méchant comte vampire est Dante. Comme si on n'avait pas compris. Une brusque envie de palu-sulfo-gaïacol de potassium me saisit.

En fait, à force de vouloir rajouter des seconds rôles et le langage fleuri, on en arrive à des fantômes de personnages. Qui ressemble plus à des potes faisant coucou sur le tournage. Jason Flemyng et sa femme sortant du club, par exemple : ils ne servent strictement à rien. Ni à l'histoire, ni à la narration. A rien. Ce qui reste symptomatique du film, pétri de gras narratif qui, une fois ôté, laisse à peine une heure de métrage.

Les deux protagonistes principaux sont surtout connus du public anglais via l'interminable Soap Opera nommé EASTENDERS dont ils ont tenus des premiers rôles pendant quelques années. Craig Fairbrass a traîné ses guêtres dans le film de genre (PROTEUS de Bob Keen ou l'inénarrable GALAXIS avec Brigitte Nielsen. Respect.) en séries diverses via un WHITE NOISE 2 insipide. Il connaît depuis quelques temps un surrégime dans les tournages cinéma, jusqu'à atterrir chez Uwe Boll dans FAR CRY. Et Billy Murray est un vétéran de la télévision anglaise depuis une trentaine d'années. Il se dirige plus vers la production aujourd'hui, étant à l'origine du remake de THE ASPHYX. Le casting est complété par des habitués des écrans anglais comme Danny Dyer (dans STRAIGHTHEADS et le récent DOGHOUSE, produit et interprété par Billy Murray, par ailleurs !) ou encore Dexter Fletcher dont la carrière connaît des sursauts assez curieux, de DOOM à KICK ASS en passant par STARDUST… mais à y regarder de plus près, on se trouve dans un terrain plus commercial (opportuniste ?) qu'autre chose. Une approche très «Bollienne» de la mise en boite de films. La plupart des acteurs/actrices et techniciens ont déjà joué dans les autres films lancés par la boite de production Black and Blue Films (THE ASPHYX [2011], EXPOSE, JUST FOR THE RECORD ou encore DEVIL'S PLAYGROUND). Qui sont des films au budget et aux ambitions limitées, mais s'adressant à des marchés bien identifiés. Une machine bien huilée, qui fait penser à ce que faisait la Hammer Films dans sa planification économique de l'objet cinéma.

DEAD CERT vise bas. Cherche à flatter et caresser dans le sens du poil le public visé. Violence fun, côté cool des gangsters locaux et les méchants mafieux-gangsters de l'Europe de l'Est qui cherchent à investir la douce Albion. On parlait de la culture «Lad» dans notre chronique de DOGHOUSE. C'est un peu le même système ici. Sauf que DOGHOUSE se moquait gentiment de ses acteurs. Ici, pas de second degré quant à la portée des paroles et des actes : DEAD CERT prend tout au pied de la lettre. Et opte pour du bourrinage de base. Qu'il s'agisse des effets spéciaux, du deus ex machina ou du twist final, rien qui n'ait été déjà fait, tenté et filmé auparavant. Et comme le film ne cherche pas à révolutionner le genre ni la manière de faire, on assiste à un spectacle très pauvre en imagination, à la dérive question interprétation, bruyant au possible histoire de colmater le manque d'intelligence et débordant de sang.

Le sang coule à flot. Surtout dans la dernière partie du film. En fait, dès le moment où l'on comprend la présence des vampires et de leur ennemi juré depuis des années (un Steven Berkoff en perdition), le réalisateur opte pour un hallali hémoglobineux. C'est bien la seule cartouche qui reste aux auteurs du film pour tenter de le faire sortir de l'ornière. Et donc : caméra à l'épaule, image tremblotante, des «rhaaaaaaaa» hurlés en guise d'attaque. Les membres volent, les geysers de sang jaillissent, les «one-liners» comico-lourdingues fleurissent, les références religieuses aussi, les «fuck» volent ta reine (pour la douleur, c'est toujours ça de pris). Et le spectateur se prend une rasade de glyceroyl-rato-mono ammoniacal pour tenter de s'intéresser à un film qui s'étire dangereusement en longueur (avec une pensée émue pour Jean Yanne).

DEAD CERT marche quand même le long d'un fleuve pas très tranquille. Le film sous-tend un message assez limite. Asséné de manière pas très futée, on assiste un peu médusé à une charge néo-raciste à l'égard des communautés immigrées d'Europe de l'Est venant manger le pain des anglais de souche en s'établissant sur son sol. Il s'agit d'une polémique qui fait d'ailleurs long feu en Grande-Bretagne depuis quelques temps. Le British National Party (le Front National local) a du apprécier la parabole. Traduction dans le film : les méchants roumains qui sont de sales vampires veulent investir le sol anglais et profiter des richesses présentes. Puis mettent les gentilles serveuses anglaises au tapin. Une seule solution : utiliser leurs propres armes, leur botter le cul en étant encore plus vicieux qu'eux afin de les faire dégager et de récupérer notre bien. Un peu au bord de rendre le déjeuner avalé en vitesse avant la projection, votre serviteur aura compris que tout le bichlorhydrate milénique officinal du monde ne changera pas la vague nausée qui s'est emparée de lui.

Les crédits techniques du film sont juste adéquats. Des éclairages rougeoyants aux tendances gothiques font leur effet dans les scènes de combats contre les vampires. Mais le format Scope ne semble pas être utilisé au maximum de ses possibilités. Il est clair que les caméras Red One deviennent l'apanage de tout bon tournage de film à budget réduit et indépendant du système des majors. A noter aussi les accents très marqués de chacun des acteurs et actrices : il fut très difficile de maintenir une compréhension totale des dialogues débités à vitesse grand V tout au long du métrage.

Le film se verra probablement offrir une sortie cinéma en Grande-Bretagne, mais il est assuré que la trajectoire de la chose le mènera directement sur le marché vidéo en France. Inexploitable en salles du fait de son clair manque d'ambition et de son look vidéo amélioré, il n'est pas aidé par un traitement par-dessus la jambe d'un sujet rabaché et qui trouvera une médiocre place dans la bordée de DTV que nous subissons régulièrement. Du thriller horrifique de grande consommation, agencé de manière impersonnelle pour des spectateurs peu exigeants. Mais surtout un spectacle strictement sans aucun intérêt.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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