Trois jeunes voyous entrent dans un train de nuit et s'y font rapidement remarquer. La gêne n'est dans un premier temps qu'auditive mais bien vite, les passagers se voient injuriés et bousculés. L'un des trois malfrats, plus entreprenant que les autres, parvient à séduire l'une des femmes du train mais ce qui s'annonçait comme une relation sexuelle consentie vire finalement au viol collectif. Devant l'immobilisme des autres voyageurs, les voyous n'hésitent pas à passer à la vitesse supérieure, multipliant alors les exigences sexuelles et les actes de violence…
Acteur incontournable du cinéma Bis transalpin, George Eastman (Luigi Montefiori) œuvre aussi en tant que scénariste et propose à la fin des années 70 un traitement nommé LA RAGAZZA DEL VAGONE LETTO, alias TERREUR EXPRESS, à Ferdinando Baldi. Notons que sur le papier, la chose ne devait guère prendre plus de place que les précédents scripts de VIOLEZ LES OTAGES! ou LE GRAND ALLIGATOR et due donc être compulsée rapidement. Qu'importe cependant la légèreté du concept car le réalisateur accepte de se charger de la mise en images, peut-être par nostalgie des trois collaborations qu'eurent les deux hommes dix ans plus tôt… Baldi hérite donc d'une intrigue évoquant très clairement l'impressionnant L'INCIDENT (1967) de Larry Peerce ainsi qu'un autre drame ferroviaire intitulé LE DERNIER TRAIN DE LA NUIT (1975). Réalisé par Aldo Lado, ce dernier était en réalité une décalque intelligente et efficace de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven, lui-même déjà très largement inspiré de LA SOURCE de Ingmar Bergman. Comme c'est souvent le cas, la multiplication des copies nuit bien vite à la qualité de celles-ci et TERREUR EXPRESS n'y coupera pas. Plutôt qu'une copie, disons que le film de Ferdinando Baldi serait donc davantage une variante dégénérée du film de Aldo Lado…
En effet, TERREUR EXPRESS reprend à la lettre les différents éléments mis en place par son compatriote italien et les dope à l'excès, semblant par instants même les parodier. Prenons par exemple la galerie de personnages. LE DERNIER TRAIN DE LA NUIT nous proposait une paire de victimes face à quelques délinquants mais aussi des passagers indifférents, voire complices. On pouvait alors y voir le reflet d'une période politiquement trouble, celle des Années de Plomb qui divisaient alors l'Europe et notamment l'Italie entre une Extrême-gauche prolétarienne «active» et une bourgeoisie sévèrement critiquée… Dans TERREUR EXPRESS, cette idée sera bien évidemment reprise mais aussi largement accentuée, faisant de tous les passagers «corrects» (père de famille, chef d'entreprise, etc...) des veules (caractère magistralement mis en scène dans L'INCIDENT) mais aussi des pervers, des individus méprisables ou trompeurs. La critique sociale est donc bien là et, munie de lourds sabots, donnera finalement raison à un prisonnier (en fait un étudiant révolutionnaire) et une prostituée qui acceptera de donner de sa personne pour épargner les autres… Si l'idée reste intéressante, on regrettera tout de même qu'elle prenne des proportions aussi pataudes, nuisant quelque peu à la crédibilité de l'ensemble.
Nous parlons de crédibilité mais en réalité, la chercher dans TERREUR EXPRESS serait peine perdue. L'orientation clairement Bis du métrage se soucie peu d'une quelconque authenticité et joue avant tout la carte de l'image choc. Et force est de constater qu'en cela, Ferdinando Baldi se montre plutôt inspiré en misant notamment sur le sexe. Qu'il s'agisse de relations consenties ou le plus souvent forcées, les étreintes sont légions dans TERREUR EXPRESS. Une même victime (Silvia Dionisio) pourra même aller jusqu'à se faire violer trois fois avant de s'autoriser une petite partie de jambes en l'air amicale ! Zora Kerova sera pour sa part prise en sandwich lors d'une étreinte particulièrement graphique, poussant le vice jusqu'à offrir quelques plans complaisants d'anulingus. Enfin la jeune vierge du wagon-lit, puisqu'il en fallait une, finira par s'offrir aux tortionnaires sans que l'on comprenne vraiment pourquoi. Compétitivité féminine peut-être… Reste que les (a)mateurs apprécieront sans doute, malgré le ridicule qu'occasionne cette parade «érotique» en cinq actes et les inévitables longueurs qu'elle entraîne.
TERREUR EXPRESS adoptant la forme relativement classique du «Rape and Revenge», les trois premiers quarts de métrages dédiés aux exactions (essentiellement) sexuelles seront bien évidemment suivis d'une inévitable vengeance. Expédié et fort peu démonstratif, cet ultime pilier du film n'offre malheureusement pas le panache espéré et ne sera donc pas celui que l'on retiendra. En effet, si le film de Baldi s'est aujourd'hui fait une petite place dans les mémoires cinéphiles, c'est davantage pour ses scènes dévêtues, comme nous l'avons vu, mais aussi pour le malaise qu'il parvient à générer malgré sa maladresse. Cette sensation est bien souvent la résultante du jeu d'acteurs tels que Carlo De Mejo, Werner Pochath ou Fausto Lombardi, malfrats odieux et grimaçants, mais aussi de quelques séquences particulièrement corsées. A titre d'exemple, nous citerons l'accès de folie de Venantino Venantini qui, retrouvant sa femme violée, tente de la soumettre à son tour, cherchant ainsi à prouver qu'il est un homme aussi «viril» et «capable» que les agresseurs. De même, le personnage joué par Roberto Caporali n'hésite pas à faire déshabiller sa jeune fille, à humer ses sous-vêtements puis à les faire porter par sa maîtresse… Autant de petites touches sordides qui font du film un (modeste) monument de perversion
Malgré donc ses personnages caricaturaux, son scénario filiforme, son propos pataud et ses acteurs parfois mal inspirés, TERREUR EXPRESS tire plus ou moins son épingle du jeu en abattant la carte du glauque et de l'excès. Voilà qui ne suffit pas à faire de l'œuvre de Ferdinando Baldi un bon film, mais qui lui permet d'acquérir le statut de «petite pelloche» d'exploitation regardable…
Cette (re)découverte de TERREUR EXPRESS, c'est à l'éditeur allemand Camera Obscura que nous la devons. Doté d'un joli boîtier cartonné sur lequel nous retrouvons l'une des superbes affiches d'époque, le DVD a de quoi titiller la rétine du cinéphile curieux. L'insertion du disque dans le lecteur nous amènera à un menu animé plutôt sympathique, nous permettant le lancer le métrage mais aussi de choisir langues et sous-titrages. La piste originale italienne répond bien évidemment présente, de même que le doublage en allemand. Tous deux sont proposés dans un mono (encodé sur deux canaux) propre qui, à défaut d'être cristallin, s'avère clair durant les dialogues et restitue sans encombre la partition de Marcello Giombini. Les sous-titres sont de qualité et un niveau d'anglais moyen permettra sans mal de suivre ce film qui n'a rien de vraiment subtil !
Sur le plan de l'image, le constat pourrait paraître plus mitigé avec quelques bouts de pellicule franchement abîmés. Ces instants sont cependant très rares et s'expliquent par le fait que l'éditeur a pris grand soin de nous offrir une version totalement «Uncut» du métrage. Quelques séquences proviennent donc de copies plus douteuses mais rassurez-vous, elles ne concernent pas les instants «cruciaux» du film. Au-delà de cela, l'image proposée est de bonne qualité, offrant de jolies couleurs et une définition très correcte, épaulée par un encodage 16/9ème respectant le ratio 1.66 d'origine. D'une manière générale, le résultat est donc très satisfaisant, voire étonnant pour ce type de production.
Non content de proposer la version intégrale du film, l'éditeur s'est en plus efforcé de nous offrir un contenu éditorial de qualité. Déjà à l'origine, entre autres, du très bon documentaire vu sur le disque de VASE DE NOCES, la société Freak-O-Rama poursuit ainsi sur sa lancée et nous présente un montage de trois interviews sur une durée excédant les vingt-quatre minutes. George Eastman, Carlo De Mejo et Zora Kerova font donc appel à leurs souvenirs afin de retracer la genèse du film et de nous livrer quelques anecdotes. Le documentaire se montre dynamique et structuré, passant régulièrement d'un intervenant à l'autre et recoupant logiquement leurs propos. L'approche est globalement chronologique, débutant donc par le scénario d'Eastman et sa relation avec Ferdinando Baldi. On poursuivra ensuite avec les conditions et relations de tournage avant d'achever le tout sur une conclusion aussi amusante qu'unanime ! Nous noterons que ces interventions, bien qu'enregistrées en italien cela va de soi, sont sous-titrées en allemand mais aussi en anglais. Il en sera d'ailleurs de même de la courte introduction au film donnant la parole à Carlo De Mejo puis Zora Kerova.
En plus du documentaire, le disque Camera Obscura se voit secondé par une galerie de trente images, mêlant affiches, photos d'exploitation et articles en allemand. On trouvera par ailleurs les bandes annonces italienne et anglaise de TERREUR EXPRESS, ainsi qu'un bonus caché qu'il vous faudra débloquer en cliquant sur «Gauche» puis «OK», lorsque vous êtes positionnés sur le documentaire. Ce supplément-surprise est en réalité constitué de chutes de l'interview de Zora Kerova réalisée par Freak-O-Rama. La chose n'a pas d'autre intérêt que de se montrer amusante puisque nous avons là une sorte de bêtisier montrant la comédienne en compagnie de son chien capricieux...
Terminons enfin le tour de cette édition de qualité par l'évocation d'un livret bilingue allemand / anglais de huit pages. Rédigées par Christian Kessler, ces quelques lignes nous apportent un supplément d'informations, quelques recoupements pertinents mais aussi un point de vue plutôt enthousiaste quant au film.