Les travaux un peu trop fantaisistes du professeur Trevor Anderson (Brendan Fraser) font de lui la risée de ses pairs. Alors que son laboratoire est sur le point de fermer suite à la suppression de ses subventions, il découvre de curieux indices concernant le dernier voyage de son frère disparu. Faisant équipe avec son neveu et une guide de montagne, Anderson va s'enfoncer dans les entrailles de la Terre à la découverte d'un monde inexploré (ou presque), aussi merveilleux qu'hostile.
VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE est une énième adaptation du livre de Jules Verne. Pour autant, il n'en constitue pas une transposition radicale dans la mesure où les personnages du film sont inédits. La petite originalité de cette nouvelle version est de faire marcher nos héros sur les traces des explorateurs de l'histoire originale, le bouquin de Jules Verne sous le bras. Une astuce scénaristique qui ne justifie en aucun cas la mise en chantier d'une nouvelle adaptation. Car si VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE nous arrive actuellement sur les écrans, ce n'est pas pour nous raconter une jolie histoire, mais plutôt pour nous en coller plein la rétine (et, accessoirement, une petite migraine).
Plus qu'un film «classique», VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE est une sorte d'attraction de l'été car il a été filmé en utilisant le nouveau procédé de caméra 3D mis au point (entre autres) par James Cameron. Oui, la fameuse 3D ! Qui n'a pas fait l'expérience des lunettes en carton aux filtres bicolores (rouge et vert/bleu) donnant à l'image un rendu «particulier» tout en collant au crâne du spectateur un petit mal de tête encore prégnant malgré deux tubes d'aspirine ! L'un des derniers souvenirs de cinéma de «stéréovision» était le (presque) dernier épisode de Freddy Krueger, LA FIN DE FREDDY de Rachel Talalay, qui utilisait le procédé sur son dernier quart d'heure. Améliorée grâce à une technologie utilisant des lunettes non colorées, la 3D s'est mise à exiger un matériel de projection spécialisé et coûteux, la reléguant à l'exhibition de parc d'attraction (comme le moyen métrage LES AILES DU COURAGE de Jean-Jacques Annaud, projeté au Futuroscope de Poitiers) ou de versions spéciales pour salles IMAX (BEOWULF...). La mission de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE est donc en premier lieu de «sortir» le film 3D de son ghetto pour le faire revenir dans les véritables salles de cinéma. Un défi par encore très viable vu le peu de salles équipées. Le film sera donc exploité parallèlement en version «plate» comme un film lambda.
Précisons d'emblée que nous avons visionné le film dans sa technologie 3D et que notre avis est fortement conditionné par le rendu de cette dernière. Les lunettes chaussées sur le pif, nous voilà prêt à voyager «au centre de l'image» et à en explorer les moindres profondeurs ! Première constatation : oui, la 3D, ça marche ! L'image se creuse, les différents avant et arrière-plans se dissociant parfaitement. Deuxième constatation : non, la 3D n'est pas faite pour le cinéma de divertissement moderne ! L'image 3D devient intéressante sur les plans fixes, les paysages, des éléments simples évoluant à vitesse réduite. Le moment le plus bluffant du film est sans aucun doute cette courte séquence sous-marine ou les bulles d'oxygène semblent nous envelopper pour nous placer au milieu des comédiens. Mais nous sommes en 2008, à l'ère du divertissement frénétique, du montage ultrarapide, de l'image surchargée. Le film ayant été pensé pour une exploitation classique, il ne change pas véritablement sa forme pour l'adapter exclusivement au bon fonctionnement de la 3D. En résulte une vision chaotique, alternant plans bluffants et séquences approximatives, car la rapidité des plans ne permet pas au cerveau de construire le «rendu» 3D. Pire, le film se permet des plans qui ne marchent pas en 3D : comme des champs/contrechamps avec des amorces floues de comédiens. Normales en version plate, ces images ne fonctionnent pas en relief où c'est théoriquement à l'œil du spectateur de faire le point dans l'image.
Au-delà de la technique, que reste-t-il du film ? Pas grand-chose malheureusement. Nous sommes dans un univers très JUMANJI où les pires dangers interviennent dans une absence paradoxale de menace physique. D'une attaque de dinosaure à l'assaut de poissons géants, d'explosions de lave volcanique aux chutes vertigineuses des personnages dans des grottes sans fond, les péripéties s'enchaînent et se ressemblent. Nous sommes dans de l'aventure familiale ayant tout misé sur les effets spéciaux, comme en témoigne le choix du metteur en scène, Eric Brevig, un spécialiste chevronné des effets visuels sans aucune expérience de la réalisation.
On ressort de ce VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE en 3D comme on ressort d'un violent manège de fête foraine, le corps saturé de sensations dont on a du mal à discerner si nous les avons réellement appréciées. La 3D aussi bluffante soit-elle sur certains plans, n'en apparaît que plus vaine tant elle peine à s'insérer dans l'écriture formelle du cinéma actuel. Passé la surprise de l'effet, le relief au cinéma prouve que sa mission est vaine dans son concept même : vouloir intégrer à tout prix dans l'image un spectateur par nature passif par rapport à cette même image. Il apparaît évident que la technologie essuie pour l'instant ses plâtres sur l'image cinéma, plus simple à maîtriser, avant d'atteindre son véritable secteur : le jeu vidéo, un secteur où la 3D gagnera tout son sens immersif chez un spectateur actif par rapport à l'œuvre qui défile sous ses yeux. On quitte donc nos lunettes 3D avec cette étrange pensée, celle que l'évolution de la technologie vient de dépasser les capacités diégétiques que le cinéma pouvait jusqu'alors offrir. Le cinéma est mort, vive le cinéma !