Seul héritier de l'école martiale Hokuto Shinken, Kenshirô erre dans un monde dévasté et en proie à la violence. Bien que rongé par son passé, la perte de son Maître et la disparition de sa bien aimée, Ken retrouvera finalement un but en s'opposant aux hordes de sauvages qui asservissent les humbles villageois. Peu à peu, ce héros se fera connaître sous le nom de «l'homme aux sept cicatrices» et décidera de remonter jusqu'aux sources du mal en la personne du tyran Shin.
Le personnage de Ken naît en 1983 de l'imagination du scénariste Yoshiyuki Okamura (sous le pseudo de «Buronson», hommage à Charles Bronson) et sous les traits du dessinateur Tetsuo Hara. D'abord éditée sous forme de 245 courts chapitres dans Weekly Shonen Jump (une revue japonaise dédiée aux mangas), «Hokuto no Ken» sera ensuite ré-imprimé au format manga «classique» pour un total de 27 volumes. En 1984, le succès du format papier incite la Toei à mettre en chantier une série animée qui sera diffusée la même année sur Fuji TV. Malgré une qualité graphique discutable, la série sera un incroyable succès qui engendrera un long métrage d'animation en 1986. La série poursuivra en parallèle son petit bonhomme de chemin et s'étendra finalement sur pas moins de 152 épisodes (109 pour la première série et 43 pour la seconde). A son arrivée en France, la première série sera diffusée dans l'émission bien connue intitulée «Le Club Dorothée» et fera polémique en raison de son caractère extrêmement violent. A cette époque, seuls 83 épisodes seront donc diffusés et il faudra attendre 1996 pour pouvoir visualiser 17 épisodes supplémentaires… Le succès devenant bien vite international, les japonais poursuivront la saga animée via plusieurs OAV et feront par ailleurs entrer l'homme aux sept cicatrices dans l'univers du jeu vidéo à de nombreuses reprises…
Curieusement, l'archipel ne franchira le pas du métrage «live» (avec acteur donc) qu'à l'occasion d'un court de six minutes. La chose ne laisse pas place au doute et s'avère n'être en réalité qu'un «essai» très amateur dans lequel les fameuses cicatrices du héros sont dessinées au feutre. Les amoureux des prothèses pourront par ailleurs s'exploser les mirettes avec un Kenshirô doté d'une paire de sourcils découpés à même un paillasson ! Du grand art. Pour d'autres adaptations, il faudra se tourner du côté de la Corée qui produira, entre 1990 et 1992, trois films sans pour autant posséder les droits d'adaptation de la franchise. Ce dernier point n'est d'ailleurs qu'un simple «détail» qui n'empêchera pas les métrages d'être commercialisés en VHS avec des jaquettes reprenant quelques uns des plus célèbres dessins de Tetsuo Hara… La piètre qualité des films pourrait suggérer que nous avons encore à faire ici à des œuvres amateurs réalisées entre amoureux de la bouteille. Il n'en est cependant rien et le ridicule général de ces adaptations officieuses n'est dû qu'à une incompétence hors du commun. Certains personnages sont donc rendus chauves grâce à un simple bonnet de bain, Kenshiro devient barbu via une prothèse de coton, Shin dispose de cheveux en laine blanche, les décors sont ceux d'une carrière à la X-OR et les costumes ne sont que le résultat d'un alliage aluminium/carton étonnant ! Nous pensions avoir touché le fond ? Il n'en est cependant rien car nos amis taiwanais s'emparent du concept (toujours sans verser de droits) et réalisent deux métrages dont la qualité plus que douteuse n'est pas sans rappeler le triste DRAGONBALL de Joe Chan. Si le premier opus ressemble à s'y méprendre à une soirée pyjama organisée dans un immeuble désaffecté, le second privilégie en revanche les prothèses et armures de papier mâché…
Inutile de préciser que pour les amateurs de l'homme aux sept cicatrices, le constat est amère et la pilule délicate à faire passer. Fort heureusement, l'espoir renaît au milieu des années 90 lorsqu'une adaptation américaine officielle est enfin annoncée. Le casting commence à prendre forme et, bien vite, le scepticisme s'installe : l'acteur Gary Daniels, blond aux yeux bleus, vient d'être choisi pour interpréter le héros japonais de l'aventure ! Si les compétences martiales du monsieur sont indiscutables, son jeu d'acteur particulièrement «sobre» et son regard, véritable hublot donnant vue sur un aquarium vide, sont en revanche plus problématiques. Bien consciente des «doutes» que peuvent avoir les fans, la production s'empresse alors de dévoiler les premières photos d'un Daniels aux cheveux teints et à la pose volontaire. Le japon aura même droit à quelques clichés «différents» sur lesquels l'acteur sera rasé de prêt (ce qui n'est pas le cas dans le film) et maquillé au point d'afficher un faciès typé eurasien ! Le casting s'étoffe ensuite et bien vite, ce KEN LE SURVIVANT «live» prend des allures de réunion d'acteurs Bis. Shin, grand ennemi de Kenshirô, sera ainsi incarné par Costas Mandylor, autre musculeux aux côtés duquel Daniels passerait sans mal pour un comédien oscarisable… Malcolm McDowell prêtera pour sa part ses traits à Ryuken, mentor de Ken, alors que Chris Penn, Clint Howard et Melvin Van Peebles donneront respectivement vie aux personnages de Jackal, Stalin et Asher…
Aux commandes de ce qui s'annonce dès lors comme une bien triste embarcation, nous retrouverons le réalisateur Tony Randel. L'homme se chargera par ailleurs de la rédaction du scénario en compagnie du bien connu Peter Atkins, responsable des scripts de trois volets de la saga HELLRAISER mais aussi de WISHMASTER. Les deux hommes ont déjà œuvré de concert sur HELLRAISER 2 : LES ECORCHES pour un résultat des plus étonnants. On se prend donc à espérer que le duo sera capable de reproduire l'impossible, à savoir créer un grand film avec des moyens très réduits. Cette fois-ci, le miracle n'aura bien évidemment pas lieu et, même s'il sort au cinéma sur le sol japonais, KEN LE SURVIVANT a tout d'un petit film destiné au marché de la vidéo… Voilà qui tombe à pic puisque c'est le sort qui lui sera réservé aux Etats-Unis ! Le manque de budget crève les yeux et l'ambiance post-apocalyptique du manga se voit ici retranscrite à l'aide d'une maigre poignée de sable et de quelques malheureuses planches de bois. Le château du grand Shin ne compte ainsi qu'une seule pièce, l'unique ruelle de l'unique village s'avère si étroite que les odieux motards peinent à l'emprunter et les plans désertiques semblent avoir été tournées dans un studio dimensionné comme une chambre d'étudiant. Inutile donc d'espérer de grands espaces car ce KEN LE SURVIVANT à tout d'un film «intime» dans lequel chaque mouvement d'acteur doit être savamment chorégraphié pour ne pas faire s'écrouler une partie des décors en carton !
Outre ce manque de budget évident et fatal à l'entreprise, KEN LE SURVIVANT pèche par une trop grande simplification du matériau d'origine. En effet, la trame scénaristique générale se réduit ici à une variante très élaguée de l'intrigue opposant Ken à Shin. Notons d'ailleurs que le personnage de Shin devient ici miraculeusement la réunion des personnages papiers qu'étaient Shin et Raoh. Cette «compression» de l'intrigue n'est bien évidemment pas sans incidence et KEN LE SURVIVANT devra se contenter de n'être qu'un film sans profondeur alignant assez mollement les combats. Lors de ces séquences, la mise en image tente en revanche de coller au plus prêt à l'«esprit» du manga et c'est sur ce point précis que le résultat s'avère des plus douteux. En effet, que serait un Ken sans ses fameuses techniques martiales connues de tous ? Un affront aux fans, de toutes évidences. Malheureusement, ce qui passe fort bien à l'écran en version animée n'est pas toujours adaptable tel quel avec des acteurs de chair et d'os… Ainsi, les techniques de l'école Hokuto Shinken consistant à toucher furtivement une série de points vitaux nous apparaissent dans le film de Tony Randel comme très déroutantes, voire même ridicules. Dès les premières altercations, le bilan est sans appel et la magie n'opère pas. Malgré quelques mâchoires mollement déboîtées et colonnes vertébrales brisées, la violence est sans impact et prête même à la franche rigolade. KEN LE SURVIVANT semble à l'évidence avoir été pensé pour un public jeune, ce qui confirme l'incompréhension chronique dont est victime l'univers manga en occident…
Du côté des acteurs, le constat s'avère sans surprise des plus navrants. Gary Daniels et Costas Mandylor rivalisent bien évidemment d'incompétence mais c'est finalement l'actrice Isako Washio qui détrône sans mal les deux lourdauds. Bien que peu présente à l'écran, celle qui interprète ici Julia, compagne de Ken, terrifie par son statisme et son incapacité à produire une quelconque émotion. Un bien triste constat face à celle qui est tout de même à l'origine des maux du héros… Difficile donc d'aborder le KEN LE SURVIVANT de Tony Randel sous un angle positif. Le métrage déçoit indiscutablement et ne comblera malheureusement ni les amoureux de l'œuvre papier, ni les spectateurs avides d'une heureuse découverte. Le métrage ne trouvera donc sa place qu'aux côtés de ces films post-apocalyptiques mineurs et réalisés sans le sou. Une bien triste expérience qui semble d'ailleurs avoir sonné le glas des tentatives d'adaptation «live» de Hokuto No Ken…
Bien qu'il existe outre-Manche une édition double DVD, bardée de supplément, nous avons privilégié pour cette chronique l'édition Antartic qui est l'une des deux éditions simples sorties sur le sol français il y a maintenant quelques années. Les éditions françaises s'avèrent en effet être actuellement les seules qui soient accessibles aux non-anglophones… Il faudra cependant se contenter du strict minimum, à commencer donc par les options sonores qui se limitent au seul doublage français d'époque. Proposé en stéréo, celui-ci se montre très correct et prend grand soin de reprendre à l'exact les phrases «cultes» que les amateurs de l'animé connaissent bien («Tu es mort, mais tu ne le sais pas encore»). Point de dérive cependant et les libertés qu'avaient pris les doubleurs peu scrupuleux sur la série d'animation n'auront fort heureusement pas court dans le métrage de Tony Randel. Sur le pur plan technique, la piste se montre claire mais bien trop plate. Les coups portés n'ont de fait aucun impact et le manque de «pèche» général se fait cruellement sentir…
Du côté de l'image, le constat est à peu de choses près le même. A savoir que nous avons là une copie lisible mais loin d'être optimale. Trop sombre, pas assez contrastée, encombrée d'un grain parfois gênant, l'image du disque Antartic peine à convaincre. La compression est en revanche discrète et la copie est pratiquement dénuée de défaut de pellicule. Il est cependant clair que l'édition anglaise s'en sort globalement bien mieux que son homologue française… Ceux qui feront la comparaison constateront par ailleurs une différence de taille : le format. Le disque britannique propose en effet le métrage dans un ratio 1.77 proche du format cinéma et ce via un encodage 16/9ème d'à propos. La galette française opte de son côté pour un ratio 1.33 et un encodage en 4/3… Y'aurait-il du recadrage dans l'air ? Pas exactement… KEN LE SURVIVANT se voit en effet proposé en «Open Mate» sur le disque Antartic. Entendez par là qu'il s'agit d'une copie dévoilant plus d'image en haut et en bas. Le bien-fondé d'une telle présentation s'avère discutable puisqu'elle trahit clairement la vision cinéma de l'œuvre mais respecte la voie du direct-to-video qui fût celle du métrage dans de nombreux pays. Paradoxalement, l'aspect «téléfilm» du métrage dans son format 1.33 semble plus pertinent au visionnage. En effet, à bien y regarder, la copie cinéma «coupe» régulièrement le haut des têtes des personnages et ceux-ci se montrent souvent «serrés» en hauteur. La version «Open Mate» est donc moins étouffante même si elle a, reconnaissons-le, une forte tendance à faire ressortir la pauvreté des décors. A chacun donc de faire son choix... Quel qu'il soit, il sera légitime à sa manière…
Du côté des bonus, le choix est maigre, pour ne pas dire filiforme. Cela se résume à la bande annonce d'origine, proposée en français et au format carré, ainsi qu'à trois maigres biographies proposées sous forme d'images fixes. Malheureusement, l'édition DVD Antartic est donc à l'image du film en lui-même: bien pauvre.