A l'annonce du passage d'un candidat de l'extrême droite aux élections présidentielles, des réactions populaires éclatent dans les rues des grandes villes françaises. Dans ce contexte chaotique, quatre jeunes s'enfuient après avoir fait un braquage. Leur chemin va alors croiser celui d'une famille très particulière…
Le parcours de Xavier Gens est plutôt atypique puisqu'il se lance dans le tournage de pelloches entre amis avant de décider d'acquérir la «technique» qui lui manque. Pour cela, il va faire de l'assistanat sur diverses productions de façon à voir de l'intérieur un véritable tournage. C'est ainsi qu'il va se balader sur les tournages de productions américaines dont deux Jean-Claude Van Damme qui seront réalisées en partie en France (MAXIMUM RISK et DOUBLE TEAM). Il va donc apprendre son boulot sur le tas au contact de Ringo Lam, Tsui Hark ou encore Philippe de Broca. Ce qu'il a appris, il va le mettre en pratique sur ses courts-métrages suivants, leur conférant une facture plus professionnelle ou en réalisant des publicités et des clips vidéo. En gagnant un prix au Festival de Cognac, son court-métrage AU PETIT MATIN va lui apporter un coup de pouce qui lui donnera l'opportunité de passer à la vitesse supérieure. Il va ainsi réaliser l'un des segments de l'anthologie SABLE NOIR produit pour la télévision en remplacement de Fabrice Du Welz. Son projet suivant est un premier long métrage horrifique titré FRONTIERE(S).
Comme beaucoup de jeunes cinéastes français, Xavier Gens entend faire des films dans le registre qu'il apprécie et ce même si la production francophone s'avère très frileuse dans le domaine de ce que l'on qualifie généralement le «Cinéma de genre». Dès lors, son amour d'un certain cinéma le mène à emprunter une voie similaire en abordant son propre projet. Partant d'un contexte social particulier, il livre sa version francisée de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE. Cette parenté apparaît comme évidente mais il est intéressant de constater que FRONTIERE(S) possède aussi quelques similitudes avec un film largement moins connu. En effet, AMERICAN GOTHIC, réalisé par John Hough, abordait un sujet présentant des accents identiques au film de Xavier Gens. Dans les deux films, des voyageurs s'égarent dans un lieu gouverné par une famille vivant un peu hors du temps. La micro société familiale y est régie par un père de famille autoritaire inculquant dans la peur des valeurs extrêmes à ses rejetons craintifs. Le personnage de la petite fille, interprété avec talent par Maud Forget, n'est pas non plus sans rappeler les enfants de AMERICAN GOTHIC. Difficile néanmoins de savoir si Xavier Gens a vu le métrage de John Hough et s'il s'en est inspiré tout comme on ne peut que supposer un petit apport en provenance du SOUS-SOL DE LA PEUR de Wes Craven. La filiation avec MASSACRE A LA TRONCONNEUSE ne fait, quant à elle, aucun doute puisque le cinéaste français la cite sans complexe. D'autres emprunts émaillent, au passage, un film sous influences que le cinéaste va réinventer ou réinjecter à sa façon au sein de son intrigue…. Parfois avec succès et parfois beaucoup moins… Dans les passages les plus curieux, une séquence amène immédiatement le souvenir de THE DESCENT. Une scène efficace mais qui semble, dans le même temps, aussi gratuite qu'incohérente dans son cheminement. Qu'importe puisque FRONTIERE(S) doit surtout être abordé un peu plus comme une attraction de fêtes foraines, à l'image d'un train fantôme, où des éléments disparates vous sautent à la gueule pour un résultat inégal qui ne laisse jamais indifférent.
Hors de son postulat de film d'horreur, Xavier Gens place son film dans un contexte social assez particulier en évoquant le passage de l'extrême droite au deuxième tour des élections présidentielles de 2002. L'idée est intéressante et donne l'occasion au cinéaste de pondre un pamphlet qui tombe malheureusement un peu plat. En effet, si les ambitions du cinéaste étaient de nous montrer le visage de l'extrême droite, il est hélas fort dommage d'avoir pris comme contrepoint des jeunes de banlieues forcément vulgaires et délinquants. En dézinguant la tronche d'un agent de police ou en volant un paquet de biftons, les héros du film ne montrent pas la colère d'une jeunesse contre un système répressif mais plus simplement le portrait de simples criminels. Le discours du film s'en trouve faussé en plaçant d'un côté une banlieue délinquante et de l'autre un terroir fascisant. Au moins le traitement n'a rien de manichéen dans son approche puisque les trois personnages les plus attachants sont des victimes, à des degrés divers, de ces deux systèmes. La «petite» fille de la famille se raccroche à une illusoire espérance qui fait partie des excellentes idées d'un scénario bien tordu. Les deux autres, l'héroïne principale et Farid (Chems Dahmani), suivent leurs proches plutôt que de prendre véritablement leur destin en main. Le bilan est donc pour le moins pessimiste donnant surtout l'impression de voir une jeunesse incapable de suivre sa propre voie autrement que par la violence face aux vieilles idées rances qui risquent de littéralement les bouffer au propre comme au figuré. Du coup, il est préférable d'éviter d'analyser le contenu de FRONTIERE(S) dont le message semble maladroitement échapper, en cours de route, à son auteur. Heureusement, le film de Xavier Gens pousse le trait parfois assez loin provoquant quelques passages très «Z» et donc flirtant avec un second degré parodique que l'on préfère voir comme pleinement assumé par le cinéaste. Dans le genre, l'arrivée du patriarche de la famille lâchant sa première ligne de dialogue peut difficilement être prise au sérieux. A ce propos, l'interprétation de Jean-Pierre Jorris, dans le rôle du père de famille, provoque un écart étrange avec le rythme tendu du métrage continuant de lui conférer un certain décalage avec les horreurs vues à l'écran. A ce niveau, la dernière fusillade du film sera le clou d'un spectacle outrancier et finalement sympathique dans sa générosité délirante.
Discrète, la partie politique du film sert, à vrai dire, surtout de carburant à un métrage d'exploitation où le gore nous est servi largement par Xavier Gens. Plus souvent rigolo que vraiment dérangeant, FRONTIERE(S) expose tout de même quelques passages peu ragoûtants avec une plongée dans la fange ou un découpage de tendons particulièrement réussis. Les acteurs jouent le jeu mais sans pour autant être au diapason. Le début du film, dont la mise en image est convaincante, fait un peu peur avec le jeu des comédiens qui ne semblent pas vraiment être dedans. Mais une fois que le film trouve son rythme de croisière, il faut bien reconnaître que cette imperfection s'estompe et que la plupart des acteurs s'exposent complètement sans avoir peur du résultat. Evidemment, en tête de cette distribution, on retiendra Karina Testa et son interprétation «borderline» sans oublier de mentionner Maud Forget ou encore Joël Lefrançois, certes moins connus que les célébrités apparaissant dans le film mais livrant un travail aussi (bien plus ?) mémorable.
Choisi pour faire partie du package 2007 du «8 Films to Die For» de After Dark aux Etats-Unis, le film ne pourra finalement pas être diffusé de cette façon aux Etats-Unis. En effet, le MPAA donnera un NC-17 (une véritable interdiction au moins de 17 ans) au film de Xavier Gens et plutôt que d'en adoucir certains passages, After Dark sortira le film dans un circuit très limité de salles en mai 2008 avant de le distribuer quelques jours plus tard en DVD. En France, le film sortira au mois de janvier 2008 et les affiches détourneront la décision de la commission de classification des films. Interdit au moins de 16 ans avec l'obligation de placer une mention d'avertissement quant au contenu extrême du film, l'affiche française inscrira en énorme «Ce film accumule des scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes». La prévention du spectateur devenant un outil marketing peut être un peu disproportionné, en tout cas pour les habitués du cinéma horrifique, en regard du contenu réel du film. Surtout qu'à force de vendre des films sur des réputations exagérées, on risque de décevoir un public qui s'attendrait à beaucoup plus. Dans le cas de FRONTIERE(S), cette idée s'avère plutôt amusante car typiquement dans l'esprit d'un film d'exploitation.
Si FRONTIERE(S) n'a pas que des qualités, ce premier long métrage s'avère toutefois bougrement sympathique dans son approche dépourvue, en apparence, de grandes prétentions tout en osant des idées très «Bis». A ce niveau, FRONTIERE(S) est tout autant, comme beaucoup l'ont déjà dit, une version franchouillarde de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE qu'une sorte de néo-nazisploitation bien déconnant. Cela n'en fait pas un «grand» film mais c'est tout de même plutôt extrêmement couillu !
Europa Corp sort le DVD de FRONTIERE(S) dans son format large avec un transfert 16/9. On aura un peu de mal à savoir s'il y a des problèmes de compression puisque le film propose, à l'origine, une image qui n'est pas dénuée, bizarrement, de soucis numériques. L'image retranscrite sur le DVD reste toutefois dans la très bonne moyenne d'un format où les dérives semblent bien peu fréquentes particulièrement chez les éditeurs consciencieux. Ce qui est le cas ici ! Pour l'audio, il est possible de choisir entre un mixage en stéréo ou une version en Dolby Digital 5.1. La piste multi-canal s'avère largement plus appréciable et propose une très belle dynamique donnant le ton dès le début du film. La partition musicale, très réussie, de Jean-Pierre Taieb en sort particulièrement grandie !
Suite au film, il faut s'attaquer aux suppléments assez nombreux. On débute par un commentaire audio enregistré par Xavier Gens en compagnie de Karina Testa. La conversation s'avère très détendue et sympathique. Les anecdotes amusantes fusent mais le capital sympathie de l'ensemble retombe lorsque Xavier Gens exprime les idées politiques derrière le film. Particulièrement dans la dernière scène où le cinéaste expose un point de vue qui donne un peu l'impression que nous ne vivons pas dans le même pays que lui. De même, le cinéaste évoque le fait que l'on ne puisse pas faire tout ce que l'on veut dans notre pays sur un écran de cinéma. Xavier Gens voulait utiliser des images de l'actuel président de la république dans son film et il lâche le fatidique mot de «Censure». Le souci, c'est qu'il ne donne pas plus d'explication à ce sujet et il apparaît donc surtout qu'il s'agit d'une autocensure de son propre chef ou de la production. D'ailleurs, il n'évoquera pas tellement plus les soucis rencontrés avec les producteurs de départ du film l'obligeant à tourner une scène en cachette. Le commentaire se terminera par un autre discours un peu gênant où l'on ne comprend pas très bien l'amalgame entre DVD et DivX. Le cinéaste nous expliquant qu'il faut aller voir les films en salles. L'évocation du DivX paraît quelque peu déplacée puisque ceux qui vont écouter ce commentaire, jusqu'au bout, sont plus que certainement des consommateurs ayant lâché le prix fort pour l'achat du DVD. D'ailleurs, à l'insertion du disque, l'acheteur honnête se tapera au passage un spot expliquant qu'il ne faut pas pirater les films. Reste qu'il est louable pour Xavier Gens d'inciter les spectateurs à se rendre dans les salles pour voir les métrages de ses camarades français en faisant une liste relativement exhaustive. Moins sympa que lui, on pense pour notre part qu'avant d'aller voir un film parce qu'il est français, il apparaît plus important d'aller voir un film parce qu'il peut être bon (et pour se faire une idée par soi-même, il faut de toutes façons le voir). Pour ceux qui attendraient le pseudonyme de Karina Testa dans le jeu World of Warcraft, la réponse est donnée, en même temps que l'identifiant de Xavier Gens, dans un autre supplément mais nous ne vous diront pas lequel. Cela ne gène pas vraiment mais il est à noter que la bande sonore du commentaire audio est légèrement décalée par rapport aux images du film ce qui est, par endroit, assez curieux.
Le plus intéressant des suppléments est un documentaire sur la création du film. Si l'on n'évite pas quelques tirades des acteurs à propos du contenu politique, le reste suit le travail sur le plateau nous montrant une ambiance carrément détendue. Sans être scolaire ni promotionnel, ce documentaire se déroule de façon plaisante en exposant certains des trucages mis en œuvre pour les effets spéciaux. On peut découvrir ensuite quelques scènes coupées et commentées par Xavier Gens, toujours en compagnie de l'actrice principale. Sympathique, sans plus, on retrouvera une nouvelle fois un commentaire audio du cinéaste sur une comparaison entre les story-boards et les séquences finales dans le film. Le dernier supplément commenté est une galerie de polaroïds pris sur le tournage, la plupart du temps comme référence. L'idée est plutôt sympa et amène de nouvelles anecdotes et souvenirs. Par contre, carrément inutile, la partie «Vidéo Skyblog» montre quelques bouts d'images prises essentiellement sur le tournage et ne servant, ici, pas à grand chose. Les «Teasers» sont largement plus savoureux en exposant la façon de vendre le film. Une approche assez similaire est d'ailleurs utilisée dans la partie consacrée aux diverses affiches du film. Pas forcément d'accord sur certains des propos exposés dans certains des suppléments, il est néanmoins impossible de ne pas avouer qu'il s'agit là d'une excellente édition DVD où le film reçoit un traitement additionnel bien venu. Par contre, si vous voulez voir les bandes-annonces de HITMAN, deuxième long métrage de Xavier Gens, et HATCHET, elles n'apparaissent pas sur les menus et ne sont lancées qu'à l'insertion du DVD.