Le docteur Charles Forbin a mis au point un super ordinateur qui va prendre en charge la gestion des défenses militaires américaines. Mais, seulement quelques minutes après sa mise en service dans des conditions réelles, la machine envoie un énigmatique message : «Il y a un autre système !». C'est le début d'une aventure qui risque de changer le destin de l'humanité…
Durant la Seconde Guerre Mondiale, Dennis Feltham Jones est officier britannique et c'est là où il trouvera le nom de Colossus. En effet, durant la guerre, les services de renseignements anglais utilisent une machine de déchiffrement nommée Colossus. Evidemment, cet ordinateur est bien loin de ressembler à la machine qu'il va dépeindre dans son premier ouvrage qui sera publié en 1966. A partir de ce premier livre, l'auteur va se consacrer à la littérature de science-fiction. Bien que Dennis Feltham Jones écrira d'autres livres par la suite, Colossus restera l'un de ses ouvrages les plus connus. L'écrivain lui donnera d'ailleurs deux suites au milieu des années 70 avec The Fall of Colossus et Colossus and the Crab. Mais avant d'en arriver à ses prolongements sur papier, le livre va être adapté au cinéma par l'entremise de la Universal.
Petite production pour la Universal, COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT échoue dans les mains d'un réalisateur déjà bien rodé par le tournage de nombreux épisodes de séries télévisées. Pour son deuxième long métrage à destination du cinéma, il se trouve face à un problème plutôt complexe. L'histoire se déroule dans un nombre restreint de lieux et l'interaction se réduit souvent au dialogue entre des êtres humains et un ordinateur. Le défi est de taille mais le cinéaste va le relever avec un véritable talent. Il va ainsi dynamiser les séquences statiques en leur donnant du mouvement. Tout en restant classique, et donc sans adopter une démarche prétentieuse, il va sans cesse changer les points de vue, déplacer ses personnages de manière à optimiser au mieux tous les recoins du décor. Evidemment, ces recettes sont celles d'un talentueux réalisateur de télévision. Exploiter au mieux les maigres ressources mises en œuvre de façon à donner le spectacle le plus divertissant aux spectateurs. Télévision ou cinéma, peu importe, Joseph Sargent exploite son talent de la mise en scène et de l'image. A cet effet, il va expérimenter avec une certaine jubilation plusieurs idées visuelles avec COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT. Parmi celle-ci, on pourra évoquer une ligne de dialogue qui commence lors d'une réunion d'état major dans un avion en plein vol et qui se termine, de façon naturelle, entre un homme et une femme nus dans un lit. De même, le réalisateur va jouer avec les écrans. Car COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT est un film où les écrans de communication, d'ordinateur ou de télévision sont assez omniprésents. Il n'est pas rare que deux lieux, remplis de figurants, se retrouvent liés par un dialogue via des écrans interposés. Par souci de réalisme pour le jeu des acteurs, le cinéaste s'était arrangé pour mettre en scène en direct les deux versants de la discussion sur des plateaux différents. Enfin, pour terminer de dynamiser son récit, le réalisateur va prendre le contre-pied de son sujet en adoptant sur la majeure partie du film un ton décontracté. Sensible, particulièrement sur les excellents morceaux musicaux de Michel Colombier qui viennent ponctuer, le plus souvent, non pas l'action mais plutôt les attentes ou les latences de l'informatique. Car, en dehors de ces moments, la musique de COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT est souvent absente ou bien moins proéminente.
Autre point de décontraction, le personnage principal n'est pas un vieux scientifique emmerdant qui tombe en dépression face à la catastrophe qu'il vient lui-même d'amorcer. L'interprétation de Eric Braeden est particulièrement réussie. L'acteur transmet la fascination du créateur pour sa machine intelligente ou encore sa fierté en tant que paternel d'un tel système. Car il est impossible d'oublier que si le personnage est le héros, c'est aussi un peu le fossoyeur de l'humanité. Avec cette évidence en tête, il continue pourtant tout du long à s'émerveiller des possibilités insoupçonnées de sa création tout en adoptant un optimisme sans faille. Cette vision du personnage assez surprenante donne un reflet particulièrement subtil à l'histoire tout en lui donnant une légèreté qui sera mise à mal à plusieurs reprises lorsque des missiles nucléaires viennent à jouer un rôle plus actif que dissuasif. Réalisé en pleine guerre froide, le film n'ignore pas les relations Est-Ouest ce qui l'amène à exposer des thèmes très proches de POINT LIMITE réalisé par Sydney Lumet quelques années auparavant. Mais l'ambiance n'a pas grand chose à voir et le film de Joseph Sargent ne se place pas non plus sur le même registre que le DR FOLAMOUR de Stanley Kubrick. Il est, à vrai dire, très difficile de cerner COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT car le film s'avère assez atypique dans son genre et anticipe, en plus, des problèmes liés à l'informatique à une époque où les ordinateurs sont aussi gros qu'une maison !
La plupart des films évoquant les ordinateurs et l'intelligence artificielle vieillissent terriblement mal ! La technologie évolue a une vitesse incroyable et COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT se trouve confronté à cet inévitable problème près de quarante ans après sa réalisation. Pourtant, le film tire son épingle du jeu car le fond de l'histoire évoque des concepts qui n'ont rien de banals sur les écrans de cinéma à l'époque. Outre une réflexion sur l'intelligence artificielle et son envie de reproduction, le film en arrive à nous montrer une vie sous haute surveillance ou l'informatique est omniprésente. L'occasion de mettre à l'écran un poil d'érotisme surréaliste face à des yeux électroniques. Pour le spectateur des années 70, ce sont des dérives alors que pour les êtres humains du XXIème siècle, nous ne sommes pas si éloignés que cela d'une telle réalité où la technologie piste les individus. COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT s'avère plutôt passionnant à décortiquer tout en restant une œuvre bougrement sympathique. Mais, lors de sa sortie aux Etats-Unis, Universal n'y croit pas vraiment et, à vrai dire, le studio ne sait pas comment commercialiser le film. Il ne va donc pas rencontrer son public. Il en sera de même en France où le film sera distribué sous le titre LE CERVEAU D'ACIER. Même si, aujourd'hui, le film est peu connu, il aura tout de même une influence. Ainsi, James Cameron y trouvera quelques bonnes idées, entre autres sources, pour assembler ses TERMINATOR. Il est aussi difficile de ne pas citer le WARGAMES de John Badham même si le film s'écarte, tout en restant très proche, du film de Joseph Sargent.
Malheureusement, si le film n'a pas eu de succès, cela va poser quelques soucis à Eric Braeden. Pourtant, l'acteur est heureux lorsqu'on lui propose le premier rôle. Mais sa joie est de courte durée puisqu'on lui demande de changer de nom pour participer à l'entreprise. D'origine allemande, Hans Gudegast tourne pourtant déjà depuis plusieurs années aux Etats-Unis. Ne voulant pas laisser passer sa chance, il accepte donc de devenir Eric Braeden (du nom de son village natal). Hélas, suite à COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT, Universal est sensé lui proposer deux autres projets de films qui tardent à venir. Tellement que l'acteur est obligé de retourner jouer les seconds rôles à la télévision pour subvenir aux besoins de sa famille. Il jouera toutefois le rôle du méchant scientifique des EVADES DE LA PLANETE DES SINGES mais sa carrière se fera alors principalement à la télévision. Amer, le comédien trouvera une sorte de thérapie en jouant dans une équipe de football (européen) qui remportera un championnat aux Etats-Unis durant les années 70. Une thérapie sportive contre le système hollywoodien dans lequel il évolue encore aujourd'hui ! De son côté, Joseph Sargent tournera du film de guerre ou encore un excellent polar avec LES PIRATES DU METRO. S'il flirtera à plusieurs reprises avec le fantastique par la suite, on peut difficilement voir EN PLEIN CAUCHEMAR ou LES DENTS DE LA MER 4 comme des œuvres aussi réussies que son COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT.
Universal ne semble pas aimer COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT même après autant d'années. Le studio a bien sorti un DVD aux Etats-Unis mais celui-ci propose un transfert vilainement recadré. De plus, contrairement à la plupart des DVD sortis chez l'éditeur américain, aucun sous-titrage n'est disponible. Un résultat bien pauvre qui nécessitait une autre édition DVD. C'est là où les Britanniques entrent en jeu en proposant un disque où le film est enfin proposé dans son format cinéma (2.35) et avec un transfert 16/9. Soyons honnête, le résultat n'est pas mirobolant. Un peu de grain s'invite à la fête, de petits défauts de pellicule montrent le bout de leur nez et les pinailleurs hurleront en voyant les marques de fin de bobines (petits ronds en haut à gauche dans l'image) comme on pouvait les voir au cinéma à l'époque. La définition n'est pas non plus optimum, le transfert n'est donc pas de première main. Cela reste néanmoins la meilleure option aujourd'hui pour découvrir le film en vidéo. La version anglaise n'est pas toujours d'une clarté exemplaire mais les dialogues sont audibles et la musique est retranscrite de façon agréable. Aucun sous-titrage n'est disponible, il est nécessaire d'avoir un bon niveau d'anglais pour saisir les dialogues.
Si les Anglais offrent un transfert au format cinéma, ils n'ont pas non plus oublié les suppléments. On peut ainsi consulter une galerie de photos, la plupart sont des clichés d'époque et d'origine allemande. Mais surtout le disque dispose d'un commentaire audio du réalisateur. Facile à suivre, le cinéaste parle de façon posée. Toutefois, l'homme est sage et ne parle que par intermittence lorsqu'il a, le plus souvent, une information pertinente à exprimer. Une qualité qui est aussi par moment un défaut surtout lorsqu'il ne dit rien durant quelques instants comme lors des dernières minutes du film qui ne sont pas du tout commentées. Qu'importe, le cinéaste revient sur la création de COLOSSUS : THE FORBIN PROJECT et évoque souvent le décalage qu'il pouvait y avoir entre la technologie de l'époque et celle d'aujourd'hui. Il revient sur les défis techniques de travailler avec autant d'écrans sur le plateau et donne quelques rares anecdotes. A l'arrivée, le bilan est plutôt mitigé. On a l'impression d'avoir passé un moment fort sympathique en compagnie du cinéaste malgré l'aridité des propos. Mais aussi le sentiment de ne pas avoir tout appris sur la création du film ! C'est toutefois un bon commentaire audio qui ne se perd pas dans des considérations inutiles. Enfin, le dernier supplément ne sera visible que pour ceux qui sont équipés d'un lecteur de DVD sur leur ordinateur. Il s'agit de la reproduction d'une brochure publicitaire du film où l'on trouve des informations sur le film ainsi que la liste du matériel publicitaire (interviews de l'acteur principal sur disque vynil pour les radios, affiches, photos, etc…). Si le document est format PDF, l'éditeur a tout de même placé un logiciel de lecture du document qui n'est pas celui d'Adobe (au cas où).