Trois jeunes hommes parcourent l'Europe en train et arrivent sans grande surprise à Amsterdam. Après moult aventures alcoolisées et sexuelles, ils n'en ont toujours pas assez et décident de partir à Prague sur les conseils d'un inconnu qui leur promet monts et merveilles féminines. Ravis de cette opportunité, nos trois gaillards vont cependant embarquer pour un cauchemar sans fin en servant de proies à des chasseurs dénués de toute forme d'humanité.
Lorsqu'Eli Roth réalise CABIN FEVER en 2002, il est loin de se douter que son petit film va attirer les louanges de cinéastes aussi estimés que Peter Jackson ou Quentin Tarantino. Ce dernier sera même si impressionné qu'il portera la casquette de producteur pour le second film de Roth en lui donnant carte blanche pour écrire son histoire. Roth le prend au mot et s'inspire de rumeurs lues par-ci par-là concernant des endroits un peu particuliers où de riches personnes sans scrupules paient pour torturer et tuer de pauvres victimes innocentes. Sorte de variante des CHASSES DU COMTE ZAROFF, qui a connu diverses adaptations cinématographiques, teinté de l'aura sulfureux des snuff movies sans oublier une touche très provocatrice du genre des films de cannibales italiens (CANNIBAL HOLOCAUST est par ailleurs le film préféré de Roth). Avec le temps, les bandes se sont muées en «slashers survivals» où l'on retrouve désormais une belle brochette de métrages où chaque nouvelle sortie tente de surpasser son prédécesseur niveau gore et brutalité. Les résultats sont aussi diversifiés que les films mais il transparaît néanmoins à chaque fois un mépris évident pour le genre humain qui rend ces métrages franchement dérangeants dans le concept qu'ils véhiculent.
HOSTEL ne déroge pas à cette idée et en dépit de la déception ressentie par ceux qui s'attendaient au film le plus gore depuis des siècles (comme le promettait une promo un peu trop raccoleuse), le film de Eli Roth a le mérite de ne pas mentir sur ses intentions. Le réalisateur a choisi de nous faire passer un peu de temps avec les personnages avant de les envoyer en enfer ce qui confère à la première partie du film un sentiment de répétition voire de vacuité. Mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'une menace indicible s'installe petit à petit et lorsque nos trois aventuriers sont dans le train pour Prague, il est déjà trop tard. Et pourtant, pas une goutte de sang n'a encore été versée. On n'a même aucun indice sur ce qui va se dérouler par la suite, à l'instar des protagonistes, et c'est bien sûr cette insouciance qui nous fait davantage ressentir leur douleur le moment venu.
Eli Roth s'est entouré d'un casting international pour son projet sans choisir aucun visage immédiatement reconnaissable. Le film aurait d'ailleurs souffert d'un sérieux manque de crédibilité sans cette diversité de nationalités que tout baroudeur reconnaît sans peine. Parmi les trois personnages principaux se trouvent deux américains qui n'échappent pas aux stéréotypes pourtant voulus par Roth. Paxton (Jay Hernandez) nous apparaît comme le beau gosse qui n'inspire aucune sympathie tandis que Josh (Derek Richardson) est bien plus timide voire frustré ou même ambigu dans son comportement. Lors d'un moment de tendresse avec une belle jeune femme, il va perdre sa virginité, ceci expliquant peut être son caractère un peu stressé. Leur compagnon de route islandais Oli (Eythor Gudjunsson) n'a quant à lui aucune inhibition, allant jusqu'à envoyer par téléphone portable des images de lui besognant une jeune femme dans les toilettes d'une boîte de nuit ! En somme, un petit groupe de jeunes hommes typiques qui profitent de la liberté et de leur jeunesse. Et pourquoi pas ? Chez ce genre de personnage, il y a justement matière à creuser en les plaçant dans des situations aussi inattendues que contraires à leur vision de la vie. Ils sont prêts à payer n'importe quel prix pour «se faire» des prostituées sublimes et finissent par devenir eux-mêmes comme ces femmes qui s'exhibent en vitrine dans le quartier rouge d'Amsterdam.
Quant aux antagonistes, ils restent majoritairement anonymes, n'existant qu'au travers de cette terrible organisation qui s'évertue à vous donner le meilleur en ce qui concerne la réalisation de vos fantasmes morbides et inavouables. On en croise bien un ou deux comme cet autre américain (Rick Hoffman) totalement remonté par ce qui l'attend ou encore un japonais (sympathique apparition de Takashi Miike) qui assure qu'on pourrait y dépenser tout son argent… La façade est bien gardée mais une fois qu'on est entré, il n'existe aucune sortie et cela vaut autant pour les bourreaux que pour leurs victimes. En effet, l'organisation a instauré certaines règles, la première étant que si on a payé, on va jusqu'au bout. Mais en dépit d'une pulsion de meurtre irrésistible, peut-on vraiment écarter la moindre parcelle d'humanité en nous et massacrer gratuitement un inconnu ? Le moment venu, l'acte sera un révélateur pour certaines personnesqui, soudain, se voient tels qu'ils sont dans un miroir sans aucune déformation. La monstruosité du reflet de ce qu'on est réellement sera soit un catalyseur soit une forme de destruction, une idée que Eli Roth développera davantage dans la suite, HOSTEL 2.
Si le film ne verse finalement pas dans un festival gore à la Olaf Ittenbach et consorts, on ne peut lui enlever une ambiance absolument malsaine. A partir du moment où le piège se referme sur nos trois heureux gaillards, les décors et les couleurs deviennent ternes et pessimistes. Mais c'est à l'usine que le changement de ton devient radical. Le sous-sol est une véritable antichambre de l'enfer avec ses murs et ses sols maculés d'une crasse vieille de plusieurs dizaines d'années. On les devine sans peine puants à l'instar des innombrables outils rouillés et ensanglantés ou bien des cadavres en décomposition qui s'empilent sur des chariots. De quoi être dégoûté en même temps que fascinés par autant d'horreur nous plaçant un peu à la place des bourreaux du film. Tous les actes de torture ne sont pas montrés de manière frontale et Eli Roth va beaucoup jouer avec la suggestion. La piste sonore encombrée de hurlements d'agonie et de bruitages explicites s'avère toute aussi puissante, voire plus, que des images en gros plan.
Loin de la réputation d'arnaque qui semble poursuivre le métrage, HOSTEL est au contraire un film d'horreur honnête, réalisé avec sincérité et passion. S'inscrivant avec les honneurs dans la nouvelle veine de «slashers survivals», le métrage mérite largement une revalorisation de ses qualités qui dépassent sans peine ses défauts injustement mis en avant.
L'image est présentée en 2.35 et restitue parfaitement l'ambiance progressivement malsaine du film en passant de couleurs parfois criardes à une palette restreinte de gris, noirs et, bien sûr, rouge profond. En ce qui concerne les pistes sonores, elles sont au nombre de deux, l'anglais sous-titré français et le doublage français très correct. Les deux pistes sont dans un Dolby Digital 5.1 très efficace et donnant du corps à la partition musicale adéquate de Nathan Barr qui participe directement à l'aspect éprouvant du visionnage.
Visionné sur le DVD Zone 1 américain en version non censuré, le film comporte quelques images sanglantes de plus par rapport à la version cinéma présente sur la première édition DVD française. Au niveau du contenu des suppléments, les deux éditions sont identiques mais le disque française propose toutefois des sous-titrages sur les commentaires audio alors que le disque chroniqué ici n'en dispose pas.
Commençons donc par les quatre commentaires audio. Le premier réunit Eli Roth et ses producteurs, Peter Jackson, Boaz Yakin et Scott Spiegel. Comme on peut le supposer, le commentaire se déroule dans une bonne humeur générale et témoigne d'une complicité évidente entre les quatre participants. Ils évoquent le tournage, diverses anecdotes personnelles, le dur supplice du casting féminin, les acteurs en général et les curieux rapports à la nudité qu'ont les Américains par rapport aux Européens. Roth parle également des différentes fins et justifie le choix final.
Le deuxième commentaire s'avère être un défilé de plusieurs intervenants. Eli Roth est d'abord rejoint pendant une trentaine de minutes par le monteur George Folsey Jr. qui évoque son attirance pour le projet et son travail en général. Ensuit, Roth a une conversation téléphonique d'une demi-heure également avec Harry Knowles, le créateur du site Aintitcoolnews. Ils parlent du film, du genre horrifique en général et de la potentielle véracité du concept du film. Après avoir raccroché, Roth est rejoint par l'actrice Barbara Nedeljakova qui est aussi inintéressante à écouter que craquante à l'écran. Alors Roth appelle Eythor Gudjunsson au téléphone et ils terminent le commentaire ensemble.
Pour le troisième commentaire, Roth est en compagnie du producteur Christopher Biggs et de son frère Gabriel Roth. Ce commentaire se veut au départ plus technique que les autres mais tombe rapidement dans l'anecdotique et s'avère malheureusement assez répétitif avec ce qui a précèdé.
Pour le quatrième commentaire, Eli Roth est enfin seul devant son film et commence par avouer être une vraie pipelette au cas où nous ne l'aurions pas remarqué ! Le réalisateur est décontracté et pas prétentieux pour un sou, évoquant la genèse du film, sa passion pour le cinéma dans lequel il baigne depuis l'enfance, sa rencontre avec Tarantino, le succès inattendu de CABIN FEVER et toutes les bonnes choses que cela lui a amené. Il parle intelligemment des difficultés de rester intègre et vouloir vivre de ce que l'on fait au prix de quelques sacrifices obligatoires, ses problèmes avec les syndicats américains qui l'ont poussé à partir tourner à Prague et puis aussi le métrage en lui-même, bien sûr.
Le bonus suivant est un Making Of divisé en trois segments sans que la raison en soit très claire puisque tout ce qui concerne le film y est évoqué pêle-mêle : la pré-production, le casting, le choix des décors, avec interventions du réalisateur et des acteurs. Pour les petits curieux, il y a aussi une flopée de femmes nues et même Eli Roth sous la douche ! On y voit enfin le tournage de la fin alternative qui avait drôlement perturbé l'acteur et la préparation des effets spéciaux avec un mélange de latex et de viande de boucherie malodorante après quelques heures dans une pièce sans aération…
Le dernier supplément est un peu curieux et ne contient pas de véritable intérêt en soi ou alors peut-être pour les réalisateurs en herbe. Il s'agit de la scène où une bande d'enfants détruisent une voiture à coups de battes et de pierres. La scène a été filmée sous trois angles différents, tous présents ici, et à l'aide de votre télécommande, vous pouvez choisir votre propre montage.