En 1820 à Edimbourg, le brillant Docteur Rock donne des cours d'anatomie tout en poursuivant ses propres recherches dans le domaine. Pour obtenir de quoi travailler, il paie des personnes peu scrupuleuses qui vont déterrer des cadavres dans les cimetières…
Au XIXème siècle, un étrange commerce voit le jour en Angleterre. De manière à continuer leur recherche ou dans le cadre d'écoles de médecine, les anatomistes sont bloqués par la seule source légale en matière de cadavres. En effet, à l'époque, il n'était possible d'utiliser que les corps des criminels exécutés. Surnommés « résurrectionnistes », des commerçants funèbres vont, dans la plus parfaite clandestinité, sortir de leur tombeau des personnes fraîchement décédées afin de les revendre auprès des scientifiques demandeurs. La pratique sera reprise, à des niveaux divers, au sein de la littérature de l'époque. Par extension, le cinéma va donc s'intéresser à la chose avec par exemple, de façon mineur, FRANKENSTEIN ou, plus dans le sujet, LE RECUPERATEUR DE CADAVRES. Même si ce dernier est l'adaptation d'un livre de Robert Louis Stevenson, l'histoire est fortement inspirée d'un fait divers effroyable…
Plutôt que de s'ennuyer à déterrer les cadavres, deux compères vont raccourcir la chaîne de production. Directement du producteur au consommateur, ils se sont mis à trucider eux même des quidams. Leur client, (le Docteur Knox) heureux de voir débouler des livraisons régulières de premier choix a, dès lors, fermé les yeux sur la provenance suspecte de ses achats. Comme on s'en doute, l'histoire a fait grand bruit à l'époque. Cela força d'ailleurs les autorités anglaises à revoir la réglementation des écoles de médecines, ainsi que celle de la disponibilité des corps, pour limiter les dérives criminelles et accessoirement les profanations des cimetières. Les deux sinistres personnages, William Burke et William Hare, sont devenus au passage des croque-mitaines locaux dont les parents se sont servis pour effrayer les enfants. Purement britannique, cette histoire va vien évidemment inspirer le cinéma anglais. En 1948, une première tentative d'adaptation sur grand écran va rencontrer des soucis avec la censure anglaise. Toutes références aux noms originaux (Burke, Hare et Knox) sont donc changées à la dernière minute pour ce qui deviendra THE GREED OF WILLIAM HART sur un scénario de John Gilling. Le même cinéaste réalisera lui-même la version la plus célèbre de l'histoire quelques années plus tard avec L'IMPASSE AUX VIOLENCES. D'autres tourneront des films sur le même sujet avec THE ANATOMIST ou encore BURKE AND HARE.
Durant les années 50, le poète Dylan Thomas va écrire à propos de cette histoire un scénario qui aurait dû être filmé dans la foulée. Ce ne sera pas le cas et le travail du poète scénariste va naviguer durant de nombreuses années en faisant surface de temps à autres sans succès. Au début des années 80, Mel Brooks va produire ELEPHANT MAN pour lequel Freddie Francis se chargera de la photographie. Lorsque l'histoire écrite par Dylan Thomas passe dans les mains de Freddie Francis, il a tout de suite l'idée d'aller proposer le film à Mel Brooks. Tout ne se déroulera pas forcément comme prévu puisque le scénario sera alors en grande partie réécrit pour finalement aboutir sur une intrigue curieusement très proche de celle déjà vue dans L'IMPASSE AUX VIOLENCES. Bien qu'il s'agisse sans doute possible d'une adaptation de l'histoire de Burke et Hare, les noms vont être changés. Burke devenant Fallon, Hare est baptisé Broom alors que le Docteur Knox se transforme en Docteur Rock.
Hormis les changements de noms, les points communs avec L'IMPASSE AUX VIOLENCES sont assez nombreux. On citera par exemple une romance entre l'un des élèves du docteur et une prostituée. Cette partie de l'histoire prend d'ailleurs un côté moralisateur que n'avait pas forcément le film de John Gilling. Certains agencements de l'histoire sont aussi plutôt proches tout comme une poignée de rebondissements. A un tel point que l'on peut parler de nouvelle version officieuse du film de John Gilling. Le Docteur Rock met une nouvelle fois l'importance de son œuvre largement au-dessus des vies des quelques infortunées victimes de ses fournisseurs. Cette passion scientifique n'est pas non plus sans rappeler la ferveur d'un Baron Frankenstein tel qu'il fut dépeint dans la série de films produits par la Hammer Films. Ainsi, pour le bien de la science, le lettré étouffe sans vergogne l'immoralité de ses actes. Après tout, d'après notre bienveillant docteur, la vie d'un vagabond ou d'une fille de joie n'a que bien peu d'importance en comparaison des bienfaits que pourraient apporter leurs organes au travers de son microscope. Le point de vue froid et méthodique de l'homme de science est plutôt glaçant. Ses confrères ne sont pas forcément plus recommandables puisqu'ils semblent plus gênés par l'arrogance et les compétences du Docteur Rock que par ses morbides échanges commerciaux.
LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS est à l'image de son histoire : dépressif, morne et glacial. Si Freddie Francis livre un film plutôt joli techniquement, le scénario a un peu de mal à captiver totalement le spectateur. Les qualités du film résident surtout dans la reconstitution de l'époque ainsi que dans les interprétations des acteurs. Le duo de meurtriers campé par Jonathan Pryce et Stephen Rea fonctionne assez bien, les acteurs dépeignant deux personnages qui se complètent alors que leurs caractères sont plutôt différents. C'est surtout Jonathan Pryce qui prend l'ascendant en incarnant un illuminé et détestable Robert Fallon. Le bon docteur prend les traits d'un Timothy Dalton qui retranscrit parfaitement la froideur du personnage. Pour compléter la distribution, on notera encore la présence de Julian Sands et Patrick Stewart. Pourvu de véritables qualités et sans être un ratage complet, LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS est une oeuvre pour le moins inégale.
Le disque américain du film est double face. Le contenu est le même des deux côtés mais il ne faudra pas se planter si vous voulez voir le film dans son format cinéma. En effet, la face A vous donnera l'occasion de découvrir l'atroce version recadrée. Direction face B pour revoir le film dans son format Scope d'origine avec un transfert 16/9 qui peut surprendre. Différentes ambiances se côtoient avec des images chaudes ou bien plus naturelles dans lesquelles un grain s'invite très nettement par endroit. De même, en fonction des plans, le contraste semble assez faible mais c'est très probablement dû au travail de Freddie Francis sur la photo du film qui est, par endroit, vaporeuse. En tout cas, le rendu global est plutôt satisfaisant bien qu'il aurait sûrement été possible de faire bien mieux.
La politique de la Fox aux Etats-Unis est de ne pas mettre de sous-titrage en français si un doublage dans cette langue est disponible. C'est le cas, on peut donc voir LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS avec la version française d'origine en stéréo. La version originale est, quant à elle, mixée en Dolby Stéréo (à décoder en ProLogic). Encore une fois, le résultat est très probant !
Sur le menu l'option « Special Features » se révèle assez décevante. Car le menu des suppléments s'avère extrêmement limité. En dehors de la bande annonce du film, vous ne trouverez rien qui soit directement en relation avec LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS. Vous pourrez tout de même jeter un œil aux bandes-annonces de THE ALLIGATOR PEOPLE, LA MOUCHE NOIRE ou encore PHANTOM OF THE PARADISE. Une option vous donne aussi une sélection de titres de l'éditeur qui pourraient vous intéresser si vous avez apprécié LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS. Parmi cette sélection, on trouve THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW, ne cherchez pas la logique !