Au mois d'août 1972 sortent sur les écrans italiens deux films d'Umberto Lenzi : le Giallo IL COLTELLO DI GHIACCIO et le film d'aventures AU PAYS DE L'EXORCISME. Il s'écarte ensuite des domaines nous intéressant en signant LA GUERRE DES GANGS, un thriller violent se déroulant dans le milieu de la pègre, genre dont il allait progressivement devenir un spécialiste. Mais les temps sont durs, et Lenzi accepte à contre-coeur de travailler sur SPASMO, un Giallo pour lequel Lucio Fulci a d'abord été pressenti comme metteur en scène. La mode du Giallo a alors nettement reflué, et il paraît évident à Lenzi que ce long métrage ne bénéficie pas de moyens suffisants pour se faire dans de bonnes conditions. Qu'importe, il rempile pour ce qui sera son dernier Giallo de l'âge d'or... Pour l'accompagner dans cette aventure, il retrouve Ivan Rassimov, son complice d'AU PAYS DE L'EXORCISME. Il met aussi en scène l'acteur autrichien Robert Hoffman (vu dans CHASSES CROISES SUR UNE LAME DE RASOIR, un autre Giallo sorti l'année précédente) et l'anglaise Suzy Kendall, leading lady de L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL !
Christian, un play-boy aussi oisif que fortuné, fait la connaissance de Barbara sur une plage, dans une région où il a passé son enfance. Bien que Barbara soit officiellement fiancée, ils passent la nuit dans sa chambre d'hôtel. Christian y est agressé par un homme armé, avec lequel il se bat et qu'il tue ! Pris de panique, Christian et Barbara prennent la fuite...
En 1974, année de la sortie de SPASMO, le Giallo est déjà passé de mode, cédant la place à d'autres genres Bis comme les thrillers violents ou l'érotisme. Les moyens sont à l'évidence réduits, en particulier durant la première heure du métrage qui se déroule dans des décors manquant de variété. Un yacht à quai, une chambre d'hôtel et une villa sont les lieux dans lesquels s'accumulent des séquences parfois répétitives, aux dialogues souvent artificiels et évoquant trop souvent quelque remplissage. Lenzi fait alors montre de son savoir-faire en masquant cette misère matérielle aux moyens d'un montage rapide et de cadrages serrés. L'intensité de la mise en scène empêche alors le spectateur de trop se focaliser sur certains détails "cheap".
Pour l'occasion, Lenzi revient à sa conception personnelle du thriller à l'italienne. Contrairement aux Giallos classiques dans le genre de Mario Bava et Dario Argento, les séquences de meurtres et de terreur plus ou moins spectaculaires ne sont pas ici les clous du film. Les crimes sont plutôt rares et s'avèrent peu sanglants. Comme dans ses premiers films à suspense (UNE FOLLE ENVIE D'AIMER, SI DOUCES... SI PERVERSES...), Lenzi se place avant tout sous l'emblème du thriller psychologique hérité du Film Noir américain (LA MAISON DU DOCTEUR EDWARDES de Hitchcock semble une influence évidente de SPASMO) ou français (Lenzi déclare d'ailleurs s'être nettement inspiré du PLEIN SOLEIL de René Clément pour l'occasion).
Ces influences deviennent particulièrement sensibles au cours de la dernière demi-heure de SPASMO, lorsque le frère de Christian, Fritz (incarné par Ivan Rassimov), fait son apparition. Le spectateur est alors pris par la qualité du jeu des acteurs, les audaces délirantes du scénario et l'atmosphère déliquescente de débauche, de folie et de perversions en tous genres dans laquelle sombrent les anti-héros de ce long métrage, tous plus ou moins maniaques ou détraqués sexuels ! Enfants fous, obsédés fétichistes et autre traumatisés de la vie se bousculent alors à l'écran pour un dénouement délirant, rattrapant en partie les lenteurs que le métrage connaît au démarrage. Nous sommes alors plongés dans le mal-être de riches industriels cachant derrière une façade professionnelle et sévère des lubies moins avouables - LE DESERT ROUGE d'Antonioni n'est peut-être pas si loin !.
Bien qu'inégal et relativement fauché, SPASMO s'avère donc une curiosité intéressante. Certes, on y sent flotter le parfum putréfié d'un genre en pleine agonie, mais il s'agit tout de même d'une approche personnelle et intéressante, échappant aux clichés du genre et servie par une brochette de comédiens pour la plupart excellents. Néanmoins, le film se heurta à une certaine indifférence à sa sortie. Il n'eut même pas les honneurs d'une sortie en France, que ce soit au cinéma ou en vidéo.
Cet oubli est aujourd'hui réparé par Néo qui vient de sortir SPASMO au sein de sa collection Giallo ! Ce DVD propose une image de qualité acceptable, au format scope 2.35 d'origine, en 16/9... Certes, les conditions de production précaires du métrage se ressentent parfois au travers d'une photographie un peu granuleuse ou de soucis ponctuels de surexposition (peut-être volontaires de la part des créateurs du métrage). Mais le résultat d'ensemble s'avère tout à fait honnête, le travail de numérisation de l'image restant toujours imperceptible.
En ce qui concerne la bande-son, nous disposons de la version italienne, une piste mono d'origine dans un état tout à fait correct même si la post-synchronisation de certains acteurs laisse parfois à désirer ! Elle est bien entendue sous-titrée ne français. Nous disposons aussi d'un doublage français semble-t-il conçu récemment... Rappelons au passage que SPASMO était déjà sorti aux États Unis chez Media Blaster, dans une édition ne proposant que le doublage anglais.
Au rang des suppléments, nous trouvons d'abord quelques bonus typiques des disques Néo, à savoir une fiche technique de SPASMO et quelques filmographies. Puis, nous avons accès à une petite galerie de visuels dédiés au métrage. Enfin, nous avons une interview avec Umberto Lenzi, la même que celle déjà fournie sur le disque Media Blaster, mais monté ici de manière plus professionnelle avec des extraits du film. Il est intéressant de relever que Lenzi, autrefois très critique vis-à-vis de SPASMO se répand aujourd'hui en gentillesses à propos de ce Giallo qu'il a revu récemment...
Bref, Néo offre au public français ce qui semble bien être LA meilleure version en DVD de SPASMO (puisque proposant la vraie version originale italienne en bande-son) et continue donc sur la lancée sa collection Giallo qui s'avère pour l'instant un appréciable "sans faute". Pour râler quand même un peu, on pourra remarquer que le sous-titrage français est peut-être placé un peu trop haut dans le cadre d'un visionnage sur écran 16/9, mais c'est vraiment un détail...