Le groupe de rock «The Choke» attend patiemment son heure pour entrer en scène une dernière fois. Malheureusement, le sort en décide autrement et la bière vient à manquer au club 905. Naturellement révolté par l'absence inqualifiable d'euphorisant liquide, le public détale aussi sec vers des lieux plus radieux, laissant sur place les artistes décontenancés. C'est alors qu'ils s'apitoient sur leur sort qu'un serial killer décide d'oeuvrer. Nullement gêné par l'absence d'alcool, l'homme aux obscures motivations se décide à éliminer un par un ceux qui n'ont pas encore quitté le club. Les artistes rebelles parviendront-ils à sortir vivant de cet étrange complexe constitué d'escaliers, de couloirs, d'escaliers, de couloirs... et encore d'escaliers ?
Une dizaine d'année durant, Juan A. Mas occupera le poste d'assistant réalisateur sur de multiples séries B produites par Roger Corman. Spécialisé dans le thriller érotique bas de gamme et mou du cuissot, l'homme nous invitera donc le temps de six métrages (FINAL EMBRACE, LOSING CONTROL, etc.) à partager son goût pour l'anti-sensualité et les étreintes mal-foutues. L'échec ne freinera en rien ce cher A. Mas qui viendra par ailleurs prêter assistance aux réalisateurs de HUMANOID : TERREUR ABYSSALE et LAST EXIT TO EARTH, tous deux (re-)produits pour la télévision en 1996. Si le genre n'est plus le même, le constat reste en revanche alarmant et semble imposer une sérieuse remise en question. Celle-ci arrivera en 1999 sous une forme réellement inespérée : La réalisation d'un premier long métrage horrifique nommé THE CORONER. Bien qu'indéniablement mauvais, ce non-succès n'impacte pourtant pas les ardeurs de Juan A. Mas qui remet donc le couvert en 2005 avec le THE CHOKE dont il est question ici…
Le projet THE CHOKE prend vie dans des circonstances un peu particulières : Juan A. Mas a quelques jours de battement entre deux métrages et, plutôt que de prendre un congés bénéfique à tous, il décide d'en profiter pour réaliser un film d'horreur. Il contacte donc deux amies (Jessica Dolan et Susannah Lowber) et leur offre gracieusement six jours pour griffonner un scénario qui tienne à peu près la route. Le résultat convient (Mas étant à l'évidence ouvert d'esprit) et, à l'issue d'auditions express, le tournage du film peut démarrer pour s'étendre sur une durée de trois petites semaines…
«The only way to become a rock legend is to trash a hotel room or die a violent death». Comprenez par-là qu'un groupe de rock ne peut en aucun cas devenir légendaire sans avoir détruit une chambre d'hôtel ou été frappé par une mort violente. Cette affirmation, faisant du reste totalement fi du talent des artistes, nous sera crachée en pleine face lors de l'introduction du métrage. Sous ces airs anodins, cette réplique pour le moins étrange et douteuse servira pourtant de postulat de base au choc qui va suivre… Car oui, il va y avoir choc et re-oui, il va falloir s'accrocher sérieusement pour tenir le coup.
«The Choke», c'est donc le nom du groupe de rock du film, un quartet au sein duquel commence à poindre un vent de dissonance… En effet, le guitariste, victime d'un succès que l'on imagine enivrant, délaisse ses frères de gratte pour goûter de la groupie hystérique et ainsi poursuivre sa collection de strings. Le réalisateur tente donc, au travers d'un groupe fictif et pour tout dire bien peu crédible, de nous faire partager son idée du triste destin des groupes de rock. Désaccords, coups de sang, séparations et, pour finir, violence forment donc la vision pessimiste du monde musical qui nous sera dévoilée pendant près d'une heure et demi… Pas de quoi déprimer ou briser des vocations cependant puisqu'il ne s'agit là que d'un argument de fond destiné à nous convier à un petit jeu de massacre tout ce qu'il y a de simpliste. D'un côté donc, un tueur sans véritable motivation et de l'autre, une bande de jeunes idiots qui courent et montent des escaliers sans se poser de question…
Comme tout bon (ou moins bon) Slasher, le film aligne bien entendu des scènes de crimes. N'y allons pas par quatre chemins, elles sont ici très laides. Usant avec beaucoup d'abus d'effets d'accélération, de ralenti et de rémanence, ces mises à mort dégagent une douce fragrance d'amateurisme avec ce que cela implique malheureusement de pire. Seule «trouvaille» rafraîchissante, celle qui veut que les membres du groupe soient éliminés à l'aide de leurs instruments (basse, batterie…) devenus des objets de morts. Petite variante toutefois pour le «chaud-lapin» de l'équipe qui sera retrouvé mort avec son « accessoire » en bouche ! A côté de cela, THE CHOKE ne nous offre malheureusement pas grand-chose. L'unique décor n'ayant pas eu les honneurs d'une quelconque remise en valeur ou même en état, le club 905 ressemble à s'y méprendre à ce qu'il est : Un vieil entrepôt assez délabré. Reste cependant qu'il s'agit là d'une vaste aire de jeu dans laquelle les acteurs peuvent donner libre cours à leur talent. Talent ? Pardonnez la coquille car si le talent était quantifiable, nous obtiendrions ici une somme totale désespérément nulle. Sélectionnés sur des critères n'ayant de rapport ni avec leur capacité à jouer la comédie, ni même avec leur éventuel charisme, les membres de ce casting surréaliste tentent tristement de trouver à l'écran une émotion qui puisse coller tant bien que mal avec l'action en cours… Peine perdue. Ces acteurs, pour lesquels THE CHOKE est une première expérience cinématographique, n'en sont pas et, à moins d'un miracle, ne sont pas près d'en devenir. Ajoutons juste à leur décharge que les dialogues et situations ne les aident en rien dans leur lourde tâche. Demander à l'interprète d'un SDF affublé de bretelles rouges et d'un bonnet de laine d'être «Shakespearien» n'est en effet pas la meilleure méthode pour tirer parti d'une équipe exclusivement débutante… Chaque dialogue sombre donc inévitablement dans un grotesque inexcusable qui n'a d'égal en ce domaine que les séquences de promenades dans l'entrepôt. Durant ces plans représentant tout de même les trois quarts du film, escaliers et couloirs vides semblent se succéder sans fin. Les angles de vue ne varient à aucun moment, pas plus du reste que les éclairages, créant ainsi une monotonie quasi-hypnotique, capable d'endormir sans mal le plus hystérique des Fragglerocks.
Plus que tout, THE CHOKE a donc une regrettable tendance à barber son spectateur. Lequel, pour se consoler, n'a dès lors pour seul recours que l'espoir qu'une prochaine absurdité saura au moins lui tirer un sourire crispé. Des occasions de ce type ne manquent du reste pas et nous citerons parmi celles-ci le tueur qui bande les yeux de sa victime avec du plastique transparent, les personnages qui délivrent leurs pensées à haute voix ou encore les bruitages, tous plus étranges et inappropriés les uns que les autres. Nul doute que le supplicié ayant commis l'erreur de glisser le DVD dans son lecteur en sera pour ses frais.
Puisqu'il en est question, abordons le cas du DVD édité par Free Dolphin. Le disque s'en sort tout d'abord assez bien en proposant une image au format d'origine 1.77 encodée en 16/9ème. Celle-ci se révèle d'assez bonne tenue, offrant des contrastes plutôt nets et des teintes sombres correctement restituées. Un léger fourmillement se fera par moment sentir, de même que la compression sur les surfaces unies mais rassurez-vous, cela n'entachera pas réellement votre découverte du film… Les pistes sonores sont quant à elles au nombre de deux. La version originale tout d'abord nous est proposée dans un format stéréo clair mais sans surprise. Alors que le disque Zone 1 proposait logiquement l'option Dolby Digital 5.1 sur la piste anglaise, le disque Français l'offre pour sa part sur le doublage, certes correct, dans la langue de Molière. Choix d'autant plus discutable que cette option sur six canaux n'apporte strictement rien dans le cas présent…
Du côté des bonus, le DVD se montre assez complet et nous offre tout ce qu'il est possible d'offrir sur ce type de métrage. A savoir que nous avons tout d'abord droit à un petit clip vidéo faisant office de Making-Of totalement brouillon et inintéressant. Viennent ensuite les séquences tournées lors des auditions. Mises bout à bout, ces saynètes que l'on qualifiera de «cultes» dépassent sans mal les neuf minutes. Laps de temps durant lequel le spectateur pourra enfin comprendre le pourquoi de la médiocrité générale de l'interprétation. Quand on sélectionne un «acteur» en se basant sur la qualité de ses blagues ou, plus simplement, parce qu'il passait dans le coin à la recherche d'un dossier (info ou intox ?), on ne peut bien évidement pas s'attendre à des miracles… Un document très divertissant donc qui laisse place à un suivant tout aussi indispensable : La succession des interviews des acteurs, réalisateurs et scénaristes. Très concernés, les acteurs sont ainsi capables de définir leur rôle en moins de trente secondes. Nous décernerons une première palme (dans la figure) à Thomas Olson qui boucle l'entretien en 25 secondes durant lesquelles il se contente de déclarer «mon personnage est ordinaire»… La seconde distinction du jour atteindra de plein fouet Wonder Russel (celle qui cherchait un dossier quand on l'a recruté !) qui décrit son personnage en 23 secondes seulement avec les mots suivants «elle est sympa». Bien vu, méditons ensemble ces quelques mots... Juan A. Mas nous apparaît quant à lui comme un homme rassuré. Rassuré parce que l'espace d'un instant, il a eu «peur de faire un de ces mauvais film de série B», ce qui d'après lui est loin d'être le cas. Force est de constater donc que la prise de conscience n'est donc pas pour demain… Dernier bonus, un «rockumentaire» réalisé en 2006 par un Jason A. Payne particulièrement inspiré. Partant du postulat osé que les événements de THE CHOKE sont bien des faits réels, l'homme nous livre un court métrage de 16 minutes et demi sur le défunt groupe de rock, compilant ainsi quelques images du film et pointant du doigt certaines zones d'ombres faisant du groupe la légende (…) qu'il est aujourd'hui… THE CHOKE : LA LEGENDE CONTINUE est un petit film souffrant des mêmes défauts que son grand frère, ne faisant qu'appuyer un peu plus sur la tête de cette bien triste entreprise à laquelle l'équipe semble malheureusement toujours croire… Quelqu'un se dévouera t-il un jour pour leur révéler la terrible vérité ?