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Critique du film et du DVD Zone 2
CARNIVAL OF SOULS 1962

 

Arrêtés à un feu rouge, deux jeunes hommes défient trois femmes de faire une course. Les voitures s'élancent mais en passant en trombe sur un vieux pont, la conductrice perd le contrôle du véhicule et celui-ci passe par dessus bord avant de s'enfoncer dans une rivière boueuse. L'une des femmes, Mary, arrive à s'en extirper. Elle quitte la ville pour rejoindre une église où elle a trouvé du travail en tant qu'organiste mais sur la route, elle aura d'étranges visions d'un homme au teint blafard qui la fixe en silence. Il continuera de la hanter de sa présence imprévisible tandis que Mary se sent irrésistiblement attirée par un parc d'attractions abandonné où l'homme fantomatique l'attirera dans une danse des plus macabres…

Herk Harvey… L'homme débuta en tant qu'acteur avant de se tourner vers la réalisation de films éducatif ou d'entreprise. Il a également réalisé des tas de films musicaux et pourtant, le seul métrage auquel le public l'associe, c'est CARNIVAL OF SOULS. A un tel point que la question que l'on lui posait le plus souvent, c'est «Mais pourquoi n'avez-vous réalisé qu'un seul film ?». Harvey n'hésitait pas à répondre qu'en réalité, il en avait fait plus de quatre cents et regrettait l'injustice d'être aussi méconnu pour le reste de sa production qu'il estime intéressante et parfaitement valable.

Et justement, ce fut lors du tournage d'un film d'entreprise qu'il passa devant un parc d'attraction abandonné jouxtant le Salt Lake dans l'Utah, intitulé Saltair. Il fut envoûté par l'endroit qui lui donna immédiatement l'idée pour un film et, en rentrant, il la soumit à John Clifford, un collègue de travail. Ensemble, ils écrivirent le script et l'équipe partit ensuite tourner pendant environ deux semaines. A la vision de CARNIVAL OF SOULS, il est difficile de ne pas penser aux épisodes de LA QUATRIEME DIMENSION où des rebondissements inattendus viennent modifier la perception de ce à quoi on a pu assister. Mais il est aussi difficile de ne pas reconnaître l'impact du film de Herk Harvey dont l'idée de base se prolongera, en quelque sorte, jusqu'à aujoud'hui dans des métrages tel que SIXIEME SENS ou encore LES AUTRES. De son côté, Wes Craven en produira un décevant remake et réalisé par Adam Grossman et Ian Kessner à la fin des années 90 et sorti en France sous le titre LE CARNAVAL DES AMES. Enfin, le film de Herk Harvey fait aussi irrémédiablement penser à cet autre chef d'œuvre en noir et blanc des années 1960, LA NUIT DES MORTS VIVANTS, qui induit cette même impression d'histoires bien réelles mais se déroulant hors du temps tel que nous le définissons.

Avec un tournage en noir et blanc, Harvey a su exploiter ses décors au maximum, en particulier lors de nombreux passages au parc d'attraction. Certaines images sont semblables à de vrais tableaux, évoquant de nombreux drames expressionnistes voire des films muets. Ce lieu abandonné inspire la mélancolie partout où l'on regarde, c'est un endroit fait pour s'amuser et non pour vivre des expériences plus effrayantes les unes que les autres. L'écho des rires s'est tu, la mécanique des manèges s'est arrêté, il ne reste que le souffle froid de la mort parcourant cet endroit désolé que l'on a nulle peine à imaginer hanté.

Le réalisateur parsème son film d'indices quant à son dénouement ce qui donne lieu à de nombreux passages très étranges. Le premier est celui du grand magasin où Mary essaie des vêtements. Tout à coup, le monde autour d'elle devient inexplicablement silencieux et elle semble invisible aux yeux de tous. A un autre moment, elle essaie de convaincre un passant de la réalité des visions de l'homme au teint blafard mais il ne la croit pas. Pourtant, au fond de l'image, on voit une silhouette en noir s'éloigner et l'instant d'après, il a disparu.

Harvey semble avoir voulu incorporer un commentaire personnel sur l'importance de la spiritualité dans la société américaine. Déjà, il donne à son personnage principal le métier d'organiste dans une église, ce qui n'est pas courant. Mais Mary n'est pas particulièrement croyante, elle a trouvé ce qu'elle savait faire et c'est tout ce qu'il lui importe. Son entourage voit cela d'un mauvais œil et tout au long du film, elle se voit reprocher son manque de spiritualité et son ambition de réussir dans la vie. Mais on peut également voir ces critiques comme une forme de possibilité de rédemption pour Mary au vu de la révélation finale de son état. Un parallèle plus évident est fait avec le prêtre qui renvoie Mary de son travail parce qu'il est choqué par son manque d'âme dans les mélodies qu'elle joue. Elle accepte son jugement sans broncher et part rejoindre le parc d'attraction abandonné qui saura l'accueillir de ses multiples bras désincarnés dans un final cauchemardesque.

Mary est campée par l'actrice Candace Hilligoss qui n'a que trois rôles à son actif et semble avoir disparu des écrans de cinéma ou de télévision. Portant le film sur ses frêles épaules, elle s'en sort très bien grâce à son regard étrangement vide et sa façon d'être qui la met à part de son entourage sans que l'on sache très bien pourquoi. Etant présente dans quasiment chaque plan, les personnages secondaires ne laissent pas un grand souvenir et ne servent finalement à rien d'autre qu'aliéner Mary davantage (le jeune homme insistant, le prêtre récalcitrant, le psy douteux…). L'homme au teint blafard qui hante Mary tout le long n'est autre que Herk Harvey lui-même, grimé de façon presque grotesque, ressemblant à un drôle de clown-zombie au regard perçant et silencieux comme une tombe. Ses apparitions inattendues ne sont d'ailleurs pas sans rappeler celles de Bob le tueur dans la série TWIN PEAKS, créée par le réalisateur David Lynch qui n'est en aucun cas étranger aux ambiances oniriques frisant le surréalisme (ERASERHEAD...).

Ce petit chef d'œuvre du fantastique méconnu ou mal-aimé sort enfin en France par le biais de l'éditeur versatile, Le Chat qui fume (HARD, THE DEADLY SPAWN, PUNK ROCK HOLOCAUST). Il existe déjà plusieurs éditions du film dont une sortie en Angleterre pour une bouchée de pain et contenant des sous-titrage en français mais comme tout le monde ne fait pas ses emplettes sur le net, l'éditeur a pris l'initiative de rendre le métrage plus facilement disponible de par chez nous.

L'image nous est présentée dans son 1.33 d'origine. Restaurée, elle est de très bonne facture malgré quelques pixelisations ou flous discrets par-ci par-là – rien de vraiment étonnant pour un film de son âge. Les noirs sont profonds et les contrastes globalement précis, ce qui en plus de la jolie mise en scène de Herk Harvey donne un résultat tout à fait plaisant.

La seule piste sonore présente est la version originale anglaise avec un choix entre le blanc et le jaune pour les sous-titres français. Le son, en mono, ne souffre pas de défauts particuliers – les dialogues sont clairement audibles et la musique est très efficace sans pour autant empiéter sur le reste.

Du côté des suppléments, nous avons d'abord une analyse du film par Romain le Vern. Le segment est très intéressant ce qui fait regretter sa relative brièveté (à peine dix minutes). Ensuite, une jolie surprise attend les fans de bandes originales puisque le segment suivant propose une trentaine de minutes de musique tirée du métrage. Etant donné que le film et sa piste sonore sont libres de droits, l'éditeur a isolé certains morceaux avant de les nettoyer pour une meilleure écoute. La composition de Gene Moore est mélancolique à souhait, vous replongeant dans l'ambiance irréelle du film sans efforts. Les morceaux choisis peuvent être écoutés individuellement ou en continu.

Une bande annonce d'époque est également disponible en anglais non sous-titré et si vous laissez le menu "Crédits" se dérouler jusqu'à la fin, vous découvrirez le bonus caché (la même bande annonce mais en couleurs cette fois).

En y regardant de plus près, CARNIVAL OF SOULS est un film aux propos plus profonds qu'il n'en a l'air. Se reposant sur une construction novatrice pour l'époque, Harvey a réussi à créer une œuvre intemporelle qui se rapproche plus du poème cinématographique que du banal film fantastique au rebondissement final parfois moins surprenant que prévu. Une jolie édition à un prix sympathique enveloppe le tout – que demander de plus ?

Rédacteur : Marija Nielsen
54 ans
98 critiques Film & Vidéo
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Un vrai chef d’œuvre fantastique
Le supplément musical
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L'édition vidéo
CARNIVAL OF SOULS DVD Zone 2 (France)
Editeur
Chat Qui Fume
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h15
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Extraits de la musique de Gene Moore (30mn)
    • Autopsie des âmes par Romain le Vern (9mn30)
    • Bande annonce
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