Huit personnes se retrouvent enfermées dans une pièce. Ils respirent déjà un gaz neurotoxique qui les tuera s'ils ne sortent pas de là avant que deux heures ne se soient écoulées. Parmi eux se trouve le fils du détective Matthews (Donnie Wahlberg). «Let the game begin…»
A sa sortie, SAW avait créé un petit événement dans l'univers du cinéma d'horreur. Annoncé un peu partout comme une sorte de révolution du genre, c'était un peu fort mais son impact s'est avéré indéniable. A sa façon, il redéfinissait les critères de ce que doit être un bon film d'horreur, bien que mélangeant de façon maladroite les éléments psychologiques avec des effets spéciaux qui n'hésitaient ni dans la brutalité ni dans le gore. Après un tel succès auprès du public, les suites étaient inévitables. Nous voici donc repartis pour une nouvelle franchise qui, pour l'instant, s'améliore à chaque volet. Il est toutefois à souhaiter de ne pas passer un jour à une suite à deux chiffres…
A l'heure où ces lignes sont écrites (décembre 2006), SAW III est sorti sur les écrans depuis peu. Haï par autant de gens qui l'apprécient, il s'inscrit dans la continuité de la logique perverse de Jigsaw, le "tueur" à l'imagination débordante dans la création des ses pièges mortels. Si nous évoquons ce volet, c'est qu'il est également réalisé par Darren Lynn Bousman, l'homme derrière SAW II. Son patronyme pourrait donner lieu à de mauvais jeux de mots par ses détracteurs mais avouons que ce serait un peu facile. Quoi qu'il en soit, le monsieur a réalisé ici un film d'horreur bourrin, fun et décomplexé qui ne désire être rien d'autre que cela.
Contrairement à la croyance générale, l'univers dans lequel évolue les trois films ne se définit pas uniquement par les litres de sang déversés ou par le nombre de membres arrachés. L'ambiance se repose essentiellement sur la cruauté des jeux imaginés par Jigsaw, un homme capable de vous flinguer l'âme d'une simple parole. Cette torture psychologique omniprésente est encore plus évidente dans le deuxième volet du fait de l'arrestation de Jigsaw après seulement un quart d'heure de film. La surprise est de taille car le spectateur se dit que c'est encore un piège et, en effet, ça l'est et sans doute le plus cruel de tous. Jigsaw révèle aux policiers qu'ils ne peuvent le déplacer car le sort d'autres personnes en dépend comme en témoignent les écrans d'une rangée de moniteurs derrière eux.
Il va de soi que l'endroit est truffé de pièges plus sordides les unes que les autres mais Jigsaw respecte ses propres règles et il y a toujours un moyen de s'en sortir pour peu que l'on soit prêt à y laisser un peu de soi-même. Le tueur opère selon une philosophie personnelle qui veut que l'on ne peut apprécier la vie que si l'on a côtoyé la mort de très près. Une croyance déjà évoquée par Confucius («Veux-tu apprendre à bien vivre ? Apprends d'abord à mourir.») et reprise encore et encore dans l'univers de l'horreur, autant par les écrivains que les cinéastes. Après une expérience potentiellement fatale, on ressort grandi, transformé, plus vivant que jamais. Et bien que les méthodes de Jigsaw soient quelque peu radicales, la fin justifie les moyens.
Evidemment, les victimes ne voient pas les choses de cette façon. Les personnages passent par toute une gamme d'émotions diverses avant de finalement se retourner les uns contre les autres : Incrédulité, paranoïa, colère, acceptation de leur sort. Mais l'instinct de survie est plus fort que tout et divise autant qu'il allie. Les personnalités profondes de chacun ressortent de manière spectaculaire, faisant d'eux des personnages qui semblent n'être rien d'autre que cette facette unidimensionnelle et brute que nous voyons, renforçant notre sympathie ou animosité à leur égard. Les personnages principaux sont Xavier (Franky G), une brute épaisse qui joue cavalier seul. Daniel (Erik Knudsen), le fils de Matthews, un garçon perdu et qui garde instinctivement son identité secrète. Amanda (Shawnee Smith), une ancienne victime de Jigsaw qui s'en est sortie (dans SAW, c'est elle qui se sort d'un masque mortel en plongeant ses mains nues dans l'estomac d'un homme pour en retrouver la clé). Les autres sont un peu moins définis mais chacun a néanmoins son rôle à jouer, ne serait-ce que pour déclencher les pièges.
Là où SAW perdait en tension en sortant de la salle de bains crasseuse pour livrer effets choc ou flash-backs répétitifs, SAW II reste essentiellement dans l'action présente. On n'en sort que pour assister à l'impuissance des forces de l'ordre, menées par le détective Matthews, un homme pas si net que cela. Des révélations sur son passé nous éclairent sur ce qu'il est réellement et livrent une des clés du mystère de la présence des victimes. Aucun élément n'est gratuit, tout s'imbrique comme les pièces d'un puzzle et pour le spectateur attentif, Bousman laisse traîner des indices un peu partout dans son film.
Quant aux fameux pièges, ils sont nombreux et plutôt inventifs. A chaque fois, l'enjeu est une seringue contenant un antidote au gaz neurotoxique mais, comme il se doit, le piège se referme toujours sur la victime. Elle a néanmoins le moyen de s'en sortir sauf qu'il lui faudra faire preuve d'une volonté exceptionnelle et dépasser ses propres limites pour vivre. A cela se mêlent la peur de l'inconnu, le dégoût de rester défiguré ou tout simplement, la facilité de se laisser aller à la mort. Ici, encore, le sadisme prévaut sur le gore pur bien que les amateurs de rouge ne seront pas en reste.
Avant de réaliser SAW II, Bousman n'avait que deux courts métrages à son actif, BUTTERFLY DREAMS et IDENTITY LOST. Auparavant, il avait travaillé sur le tournage de la série X-FILES mais il fut renvoyé parce qu'il passait son temps à écrire des scénarii. C'est d'ailleurs son propre script de THE DESPERATE qui servit de base pour SAW II (réécrit par Leigh Whannell, scénariste et acteur de SAW). Son film d'horreur préféré est LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE auquel il fait quelques références dans SAW II, le plus évident étant ce titre donné comme indication routière par Jigsaw lorsqu'il emmène Matthews à la maison où se trouvent les captifs.
L'image est présentée dans son format 1.85 d'origine dans un transfert 16/9 de bonne facture. Nombreux sont les détracteurs des effets clippesques dans le film mais il faut savoir que ces flash frames sont le péché mignon du monteur, Kevin Greutert. Pour la mise en scène, elle est efficace et nerveuse, en accord avec le sujet et les émotions présentes à l'écran.
Les pistes sonores en français ou anglais sous-titré sont en 5.1 comme il est de plus en plus coutume, avec un ajout en DTS pour la piste française. Il n'y a rien à redire, le son est bien réparti dans vos enceintes, accompagné d'une musique d'ambiance où se trouve des passages retravaillés de SAW, normal puisque la musique est toujours signée par Charlie Clouser.
Pour cette édition, Metropolitain a choisi d'étoffer la section suppléments de modules plus intéressants dans l'ensemble que pour le précédent opus. Nous commençons par le commentaire audio qui réunit Bousman, Donnie Wahlberg et Beverley Mitchell (Laura). A défaut d'être techniquement informatif du fait de la présence des deux acteurs, le commentaire s'avère décontracté et anecdotique, saupoudré d'une bonne dose de rigolade. Les divers réminiscences sur l'acteur Franky G et ses improvisations sont plutôt amusantes et en dépit de l'ambiance glauque à l'écran, le tournage se déroula dans la bonne humeur. L'obsession sexuelle de Wahlberg envers Emmanuelle Vaugier est un peu pénible à la longue – même ses deux complices s'en lassent. Ils parlent tous trois jusqu'à la dernière seconde alors qu'au départ, ils semblaient un peu réservés. Il faut dire que commenter un tel film tôt le matin ne doit pas être spécialement joyeux… En tout cas, Bousman est très content de son film, voire même carrément excité par moments, et il a bien raison.
La règle du jeu n'est rien d'autre que l'histoire du film racontée par différents intervenants et ne présente pas d'intérêt particulier. Les pièges du tueur au puzzle regroupe quatre modules visibles séparément. Chacun détaille l'élaboration d'un effet en particulier, en intégrant des images du tournage. Le masque mortel se reporte bien sûr à l'introduction où un pauvre gars doit récupérer la clé de la délivrance au fond de son œil. La fosse à seringues où Shawnee Smith dit s'être bien amusée est le segment le plus long (un peu plus de huit minutes). La préparation fut assez rude – pour rendre l'effet souhaité, il fallut recouvrir le fond de la fosse et le nombre final de seringues se chiffre autour des 120.000. Ajoutez à cela que chaque aiguille fut retirée et remplacée par une fibre optique et l'ampleur se dessine pour un résultat probant. La cage piégée revient sur le piège qui se referme autour des poignets d'Emmanuelle Vaugier lorsqu'elle passe les mains par deux trous dans une caisse pour récupérer l'antidote. Un moment glauque et sanglant qui contribua à une très belle image grâce aux parois en plexiglas de la caisse. Le dernier segment, la chaudière, revient sur le four où Abi est brûlé vif sous les regards horrifiés de ses comparses.
Morceaux choisis aurait pu faire partie du module précédent en ce sens que l'on revient encore une fois sur les effets spéciaux mais de manière plus générale. Ici, ce sont surtout les secrets de la batte cloutée qui sont révélés, un effet assez douloureux et efficace à regarder.
Du story-board à l'écran est, comme son nom l'indique, un comparatif entre les croquis et les images finales. La présentation est très sympathique : A l'image, deux moniteurs. Sur celui de gauche défile le story-board et sur celui de droite, les images concordantes du film à choisir en version originale ou en français. Le comparatif se compose de quatre segments non commentés : Le masque mortel, La chaudière, Une aiguille dans une meule de foin et Le repaire du tueur au puzzle.
Le diaporama est composé de quelques dessins de productions très sympathiques et on termine par des bandes annonces à regarder en français ou en version originale.
Ayant vu les trois premiers volets de cette franchise, nous pouvons affirmer qu'ils se suivent dans une logique déviante mais intelligente. Reste que l'on risque d'être un peu gêné quand on sait que cette sortie sera suivie, comme aux Etats-Unis, par un nouveau DVD proposant une version longue de SAW II comme ce fut déjà le cas pour le premier film.