«Zombies are not dead !»
Enfin, si, techniquement, ils le sont. Mais à en juger par l'arrivage régulier sur les écrans depuis quelques années, le genre semble avoir encore de beaux jours devant lui bien que l'on ne puisse pas en dire autant de ses représentants putréfiés. Au moins, les réalisateurs ont bien compris qu'il vaut mieux suivre de nouvelles directions au lieu de nous resservir sans cesse une histoire qui présente un lieu unique assiégé par des zombies affamés que les vivants doivent combattre. Cette idée instaurée par LA NUIT DES MORTS VIVANTS fonctionne parfois très bien, comme dans le sympathique DEAD MEAT mais peut aussi donner lieu à un résultat autrement plus catastrophique à l'instar de DEAD BIRDS. Cette fois, nous nous dirigeons vers la comédie dramatique teintée d'une bonne dose d'horreur et même si notre lune de miel zombiesque n'accède pas au statut de chef d'œuvre, Dave Gebroe nous offre un film touchant doté d'une réelle réflexion sur la vie, la mort et l'amour.
La genèse du film est assez particulière pour être soulignée, ce que son créateur ne manquera pas de faire à de nombreuses reprises. Mais on peut le comprendre car rarement une œuvre aura été aussi personnelle et douloureuse. Il y a quelques années, la sœur de Gebroe, Denise, fait la connaissance de Danny sur le forum de discussion de leur groupe de musique préféré. Ils tombent rapidement amoureux, s'installent ensemble et se marient. Danny est surfeur et leur grand rêve est de partir vivre au Portugal. Ils travaillent d'arrache-pied pour économiser, quittent leurs boulots respectifs mais quelques jours seulement avant le grand départ, la vie s'emmêle de la façon la plus tragique qui soit et Danny est tué dans un accident de surf.
Le point de départ du film suit donc le destin réel de ce couple éperdument amoureux jusqu'à préserver les prénoms réels et reprendre diverses situations de tendresse (oui, même le coup de la gâterie au volant de la voiture après le mariage à l'église !). A voir le couple d'acteurs imiter la réalité en jouant comme des gosses, se bécoter dans des lieux publics ou évoquer leur grand rêve, on ne s'étonnera pas de savoir que la vie s'en est mêlée pour eux également car une histoire d'amour s'est rapidement développée entre Tracy Coogan (Denise) et Graham Sibley (Danny). L'alchimie entre les deux acteurs saute aux yeux, on a l'impression que rien ne peut percer leur bulle. Ils arrivent à nous faire ressentir de l'amusement et du plaisir pour eux. Mais aussi l'agacement si particulier devant autant de bonheur chez les autres. Bonheur entièrement exclusif où le monde extérieur n'est plus qu'un spectateur passif.
Mais la bulle sera percée lors d'une partie de surf mémorable à la plage. Danny se repose tranquillement après ses acrobaties sur les vagues lorsqu'un zombie sort de l'eau façon LE COMMANDO DES MORTS-VIVANTS, se jette sur lui et vomit dans la bouche du jeune marié une quantité non négligeable d'un liquide noir et visqueux. Et, c'est prévisible, il meurt puis il revient à la vie. La transformation se fera graduellement et passe d'abord par une partie psychologique avant de s'exprimer par la dégradation inévitable du corps. Danny conserve d'abord une apparence physique normale mais se découvre rapidement une faim irrépressible pour la chair fraîche qui le conduira à tuer en premier un joggeur qui passe régulièrement devant leur maison de location. Denise rentre au moment où son mari adoré est en train de dévorer bruyamment le cadavre dans la baignoire et c'est à cet instant que nous réalisons l'étendue de son amour puisque non seulement, elle accepte de rester, mais aussi de nettoyer la maison sans broncher.
Tracy Coogan est une actrice moyennement expérimentée avec seulement cinq longs métrages à son actif. Physiquement, elle possède un charme énorme mais au-delà de sa beauté, elle réussit à faire passer tous ses sentiments par le regard ou des expressions faciales traduisant à merveille ses tourments intérieurs. Le moment le plus touchant et véridique est sans aucun doute le dîner aux chandelles qu'elle prépare pour eux alors que Danny est sur le point de se décomposer entièrement, autant physiquement que moralement. Elle sait qu'elle ne vivra plus jamais ce moment intime avec son mari et sa façon de gérer sa souffrance est simplement de faire ce qu'elle doit faire. Ses gestes sont mesurés, précis, et ce qui peut paraître absurde pour une personne extérieure prend tout son sens pour celle qui vit la situation de l'intérieur et qui en a besoin pour mieux pouvoir faire face à son deuil.
Denise aime follement son homme et fera tout pour lui mais est-ce suffisant ? Si on tombe par mégarde sur un secret intime d'une personne que nous aimons, cela peut tout remettre en question. On réalise qu'en dépit de ce que l'on croyait, on ne peut jamais vraiment connaître quelqu'un, même pas nos proches. C'est une certitude que nous possédons tous sans vouloir nous l'avouer car la réalité peut être entièrement destructrice. Le plus difficile à accepter chez une personne que l'on aime et admire c'est son humanité et le chemin vers sa propre reconstruction passe par le pardon de l'acte, que celui-ci ait été intentionnel ou pas. Et ZOMBIE HONEYMOON explore très bien les sentiments ambivalents qu'éprouvent Denise sans pour autant tomber dans un drame existentialiste plus ennuyeux qu'intéressant.
Face au personnage intériorisé joué par Coogan, Graham Sibley est bien plus physique dans ses expressions – il faut dire que son rôle s'y prête d'autant plus puisqu'il s'adonne au meurtre suivi de cannibalisme. Danny est présenté comme un garçon un peu fou dans le sens maladroit et attendrissant. Mais son énergie cédera peu à peu le pas à une tension intérieure constante et sans cesse croissante. L'horreur ressenti devant les meurtres n'a aucune prise réelle sur lui puisque seule prime la faim, le seul moyen pour lui de rester «en vie». Son comportement irrationnel va également intriguer un couple d'amis, Buddy et Nikki, venus leur rendre visite. Un dîner au restaurant se transforme en orgie de bouffe pour Danny qui se jette sur de la viande rouge sous le regard médusé de ses compagnons qui le croyaient végétarien. Et lorsque Nikki va lui lire les lignes de sa main, elle a une vision atroce qui se transforme en cauchemar en un clin d'œil.
Les effets spéciaux du film sont particulièrement bien réussis. Au départ, seul un léger maquillage trahit la condition inhumaine de Danny mais au fur et à mesure apparaîtront de disgracieuses pustules tandis que sa peau vire au bleu et que des lambeaux finissent par tomber tout seul. Le final culmine en un véritable bain de sang avec morsures violentes et arrachage de gorge du plus bel effet. Etant une production indépendante, le budget était loin d'égaler ceux alloués par les magnats Hollywoodiens à des métrages plus «branchés» et le plus souvent gâchés en effets composés exclusivement à l'aide d'un logiciel sophistiqué. Ici, c'est du "old school" : Latex pour les plaies et autres maquillages, faux sang et vomi acheminés par des tubes en plastique pour un résultat artisanal mais jamais raté. Les amateurs de toutes choses rouges qui tâchent y trouveront leur compte bien que l'étalage de gore gratuit ne soit pas le but principal du métrage. Et c'est tout à son honneur.
L'image est présentée dans son format 1.77 d'origine. Le transfert en vidéo s'est sûrement déroulé sans anicroche car la qualité est très correcte. Le contraste est excellent, la palette de couleurs est très jolie et la mise en scène de Gebroe accentue les sentiments qu'il veut faire passer, souvent de façon très subtile comme ce gros plan sur le visage de Denise où la réalité de l'horreur fait enfin le chemin jusqu'à sa raison.
Les pistes sonores comportent la version originale sous-titrée en Dolby Digital 5.1 ainsi que le doublage français qui en plus du 5.1 se voit également attribué une piste DTS. Comme il est de coutume, le son a été retravaillé en studio et dans l'ensemble, le résultat est tout à fait louable et bien réparti sur les enceintes. Mais, compte tenu du sujet du film, cela reste dans un registre purement intimiste.
Pour cette édition, Néo a mis les petits plats dans les grands en fournissant un grand nombre de suppléments, tous très réussis. Nous commençons avec le commentaire audio sous-titré du réalisateur qui se présente en un français très correct avant d'avouer son grand amour pour notre pays et les grands cinéastes qu'il a produit. Gebroe est plus qu'heureux de voir son film sortir dans une si jolie édition et dans son élan de joie, il confie ne pas porter de pantalon pendant toute la durée du commentaire. On espère que le fauteuil était confortable, Dave…
(NDLR : Il ne doublerait pas des épisodes de EUREKA SEVEN ?)
Le réalisateur revient évidemment sur l'inspiration du film avant de livrer des anecdotes et autres spécificités techniques ayant contribué à la réalisation. Il évoque bien sûr ses références, notamment UNE FEMMME SOUS INFLUENCE et révèle une grande connaissance cinématographique. Sa façon de s'exprimer est calme et réfléchie, en contraste avec une passion que l'on devine aussi dévorante qu'ambitieuse. Ce n'est pas un adepte de la langue de bois et deux-trois personnes en prennent pour leur grade – espérons qu'ils n'écouteront jamais ce commentaire. Comme il le dit très bien vers la fin, il faut savoir ce que l'on veut et ne pas s'arrêter en chemin. Gebroe avoue lui-même un égoïsme et un perfectionnisme sans bornes mais n'oublie pas de remercier toute son équipe vu qu'il n'aurait rien pu faire seul, ainsi que les «fous furieux de chez Néo» et nous, les spectateurs. La petite anecdote de la fin contant la réaction de sa sœur et lui après visionnage du film nous a presque arraché une petite larme et rien que pour cette belle preuve d'amour fraternel, Gebroe mérite le respect.
Le segment Sur ZOMBIE HONEYMOON est un montage de presque huit minutes à partir d'un documentaire complet intitulé Horror Business. A l'origine, ce documentaire a été réalisé par Christopher P. Garetano et réunit des personnalités comme Sid Haig (THE DEVIL'S REJECTS...), Hershell Gordon Lewis (2000 MANIACS) ou encore Monsieur Troma, Lloyd Kaufman, pour parler de leur implication dans le cinéma d'horreur. Le montage présente des images du tournage ainsi que de mini-interviews du réalisateur, de la productrice et des deux acteurs principaux. Les préparatifs d'une scène de vomi est assez délicate à suivre mais très instructive, et, à la fin, la voix off de Garetano nous dit que sa visite a duré 18 heures, autrement dit, une journée de tournage pour toute l'équipe… La tension est grande, en témoignage la réaction arrogante d'une actrice de rôle secondaire qui envoie balader Garetano parce qu'elle a envie de prendre une douche.
Les scènes coupées sont au nombre de trois mais seules deux sont vraiment coupées car la Fin alternative n'a jamais été tournée faute de temps et d'une ambiance science-fiction qui ne conllait pas avec le reste. Dave Gebroe nous en parle simplement en détaillant la première version définie dans le script et, oui, il est habillé cette fois. La Préparation du dîner présente un montage plus long que celui présent dans le film tandis que La Scène d'amour est la version longue d'un court extrait qui passe sur une télé pendant que Denise zappe de chaîne en chaîne. Les trois segments se déroulent en continu et ne sont pas commentés. Gebroe en parle cependant dans son commentaire audio.
Le Making Of dure presque onze minutes et nous présente d'abord les vrais Denise et Danny sous forme de photos commentées par Gebroe. Ils sont beaux et amoureux mais le monologue reprend celui de l'introduction du commentaire audio ce qui crée un léger sentiment de répétition. Ceci étant dit, le spectateur curieux de suppléments sera sans doute plus désireux de regarder ceux-ci juste après le film et se garder le commentaire audio pour une autre fois. Quoi qu'il en soit, ce passage a entièrement sa place ici, renforçant le côté tragique de l'histoire. Gebroe évoquera ensuite sa passion mais les images d'une conversation téléphonique avec un acteur récalcitrant qui finit par lui raccrocher au nez en disent bien plus long que des milliers de mots… Nous découvrons également les préparatifs de différentes scènes pas toujours faciles à tourner ainsi que quelques effets spéciaux.
Pour le bêtisier, on aura vu plus drôle et il s'agit surtout de prises ratées. Les essais respectifs de Tracy Coogan et Graham Sibley sont très sympathiques à regarder car on se rend compte qu'ils avaient trouvé leurs marques dès le départ. Sibley a d'ailleurs passé son essai avec Coogan et il ne fait aucun doute que tout collait entre eux dès le départ.
La première bande annonce donne le choix entre le doublage français et la version originale. Cependant, la seconde est seulement présentée en version originale et s'apparente plus à un teaser du fait de sa courte durée (moins d'une minute) et de son ambiance plus mystérieuse. On termine par une galerie de photos peu fournie qui est un mélange de photos de plateau et d'images du film. On peut admirer quelques effets spéciaux en gros plan dont le zombie sympathique qui sort de l'eau et contamine Danny.
Une solide maîtrise technique ainsi qu'une histoire crédible contribuent à faire de ce ZOMBIE HONEYMOON une agréable addition au genre. A l'instar de MONSTER MAN, il ne faut pas s'attendre à une ambiance horrifique pure sans quoi, la déception risque de poindre. Mais pour peu que vous ayez le coeur ouvert aux belles histoires teintées de désespoir, ce film remplit honorablement son contrat.