Header Critique : INNOCENTS, LES (THE INNOCENTS)

Critique du film et du DVD Zone 2
LES INNOCENTS 1961

THE INNOCENTS 

Miss Giddens accepte un travail comme gouvernante auprès de deux orphelins, Flora et Miles. Dès son arrivée dans la somptueuse demeure de Bly où ils vivent avec la domestique Mrs Grose, des choses étranges surviennent, mettant sa santé mentale à rude épreuve. Ces évènements auraient un rapport avec les précédents tuteurs des enfants, Peter Quint et Miss Jessel, désormais décédés dans des circonstances étranges.

Ce film est basé sur le roman Le Tour d'écrou de l'un des écrivains les plus talentueux du XIXème siècle, Henry James. Né aux Etats-Unis, il émigra en Angleterre plus tard dans sa vie et y vécut plus de vingt cinq ans. Ce fut un auteur prolifique qui publia de nombreux romans et nouvelles, ainsi que des pièces de théâtre, à l'instar d'un autre homme de son époque ayant également laissé une marque indélébile sur la littérature fantastique, Bram Stoker. Les œuvres maîtresses de James restent Les Ambassadeurs, Portrait de femme et Daisy Miller qui renferment tous trois ses sujets de prédilection : La rencontre de deux styles de vie différents et le parcours psychologique de ses personnages principaux. Ceux-ci étaient souvent des femmes car James se sentait plus proche de la gent féminine que masculine. Ceci n'en est que plus évident en lisant ses histoires où évoluent des femmes au caractère bien trempé mais soumises à des destins qui n'auront pas toujours été le bon choix malgré tout. Suite à l'échec retentissant de l'une de ses pièces de théâtre, James se retira de la vie publique afin de pratiquer l'auto-analyse et ce fut là que naquît Le Tour d'écrou. Ce roman est à juste titre considéré comme un chef d'œuvre et bien que l'ambiance d'épouvante soit indéniable, le récit est souvent alourdi par des phrases si longues et compliquées qu'il faut parfois les relire ce qui gêne considérablement la progression du lecteur. Mais le personnage de Miss Giddens est très bien développé et une ambiguïté certaine plane sur toute l'histoire que Jack Clayton a su exploiter à merveille dans son film.

Pour l'écriture du scénario, le réalisateur se tourne vers un autre homme célébré pour ses écrits, l'américain Truman Capote. L'homme produisit plus de vingt cinq pièces de théâtre, écrivit une bonne centaine de poèmes ainsi qu'un grand nombre de nouvelles et seulement deux romans. Son livre le plus connu reste De Sang-froid, le récit romancé d'un fait divers ayant choqué les Etats-Unis en 1959 où une famille entière fut massacrée sans mobile apparent. Son propre sens du détail et de la psyché humaine lui permit d'en tirer le meilleur du roman de James et le résultat est un scénario très proche du matériau de base dont les longueurs disparaissent au profit d'une tension palpable et omniprésente.

Le Tour d'écrou est jusqu'à aujourd'hui passé par une dizaine d'adaptations, télévision et cinéma confondus. Lorsque Clayton est choisi pour le réaliser, l'homme a deux courts métrages et un seul long à son actif. Ce dernier est déjà l'adaptation d'un roman éponyme, LES CHEMINS DE LA HAUTE VILLE, et le réalisateur va continuer sur cette voie en adaptant entre autres LA FOIRE DES TENEBRES de l'illustre Ray Bradbury ou GATSBY LE MAGNIFIQUE de F. Scott Fitzgerald sans oublier l'étrange CHAQUE SOIR A NEUF HEURES de Julian Gloag.

Avec LES INNOCENTS, Clayton va livrer une sorte de huis clos oppressant malgré la grandeur des décors. L'ambiance d'épouvante se construit petit à petit par des évènements somme toute traditionnels dans le genre comme cette voix qui appelle la petite Flora en train de jouer près du lac, des visions qui pourraient par exemple s'expliquer par un rayon de soleil éblouissant ou encore une fenêtre qui claque juste au moment où Miss Giddens pose une question pertinente à Miles. Mais Clayton ajoute également une imagerie très forte pour symboliser l'horreur... Les statues sont présentes un peu partout comme des êtres muets en pierre qui semblent surveiller tous les personnages. L'une des colombes blanches de Miles aura le cou brisé évoquant l'innocence perdue. Un insecte répugnant sort de la bouche d'une statue de chérubin mettant ainsi en doute la parole des enfants. Et les pétales des roses blanches en vase tombent dès qu'on les effleure comme s'il suffisait d'un rien pour que s'écroule une vie. Tous ces détails font intégralement partie d'un ensemble qui restera ambigu durant une bonne partie de l'histoire. Est-ce que les enfants sont aussi innocents qu'ils en ont l'air ? Ou est-ce que Miss Giddens s'est laissée emporter par des racontars jusqu'à imaginer des choses qui n'ont jamais existé ?

C'est l'actrice Deborah Kerr qui tient le rôle de Miss Giddens, pour ainsi dire à la perfection. Sous ses airs de belle femme douce et attentionnée, on devine des névroses à fleur de peau qui ne seront jamais entièrement expliquées. Dans l'introduction, elle rencontre l'oncle des orphelins, un homme d'affaires fringant (Michael Redgrave) dont elle semble tomber un peu amoureuse. Dans le film, c'est plus suggéré que dans le livre où la jeune femme s'adonne à une admiration vocale devant une Mrs Grose consternée. Mais ses désirs ne pourront jamais être assouvis, d'abord parce que l'époque veut qu'une femme ne s'abaisse pas à ce genre de chose et d'autre part, parce que l'homme explicite clairement le fait qu'il ne sera pas disponible et qu'il ne faudra jamais le déranger. Difficile de faire mieux en briseur de rêves… Lorsque Miss Giddens apprend que Quint et Miss Jessel étaient amoureux et qu'ils ne se gênaient pas pour s'aimer au grand jour dans des chambres à porte ouverte, elle semble plus intriguée que choquée. Ses tourments se révèleront au spectateur durant une scène cauchemardesque où elle va errer dans les couloirs sombres de la demeure, les voix passionnées des amants en bruit de fond, mais toutes les portes resteront fermées à clé pour elle.

Le petit Miles est joué par Martin Stephens qui interprétait déjà le rôle d'enfant principal dans LE VILLAGE DES DAMNES de Wolf Rilla. Après LES INNOCENTS, il n'apparut que dans deux autres films et sa carrière semble s'arrêter en 1966. Ici, il intègre parfaitement le personnage d'un garçon bien éduqué mais dont le charme et le comportement prennent une tournure trop adulte pour une Miss Giddens déconcertée de prime abord. Son physique angélique n'a rien de menaçant ni d'insupportable ce qui contraste avec ses manières.

La sœur de Miles est interprétée par Pamela Franklin dont ce fut le premier rôle d'une carrière qui s'allonge jusqu'en 1981. Elle est surtout apparue dans de nombreuses séries télé et parmi ses films, on peut mentionner NECROMANCY de Bert I. Gordon ou LA MAISON DES DAMNES de John Hough. La première fois que Miss Giddens rencontre Flora, c'est au bord du lac où Miss Jessel s'est noyée. Mais Clayton nous la présente d'une façon astucieuse en nous montrant d'abord son reflet dans l'eau. L'image est exquise et l'ambiguïté s'installe d'emblée. A ce moment précis, est-elle Flora ou sous l'emprise de Miss Jessel ? Une autre constante qui fait douter de la sincérité de la fillette est cette mélodie qu'elle ne cesse de chantonner, parfois au beau milieu de la nuit devant une fenêtre ouverte. La mélodie provient d'une boîte de musique que Miss Giddens découvre (par hasard ?) dans le grenier lors d'une partie de cache-cache. Flora sera absente du réel dénouement de l'histoire ce qui constitue la seule petite déception du film puisque son départ semble se faire un peu facilement. Mais cela ne suffit pas à ternir ce véritable chef d'œuvre dont l'aspect fantastique rehausse admirablement le drame psychologique qui se déroule entre les différents personnages.

L'image est présentée dans son format 2.35 d'origine, un Scope absolument somptueux que Clayton a su exploiter de façon admirable. L'emploi délibéré du noir et blanc appuie la symbolique parfois très manichéenne mais toujours de façon subtile. Le directeur de la photographie Freddie Francis, lui-même réalisateur de nombreux films, a eu tout loisir de jouer avec ses connaissances et ses filtres pour créer une ambiance irréelle et effrayante. A noter l'incroyable scène de cauchemar en fondus enchaînés où étaient superposés jusqu'à quatre morceaux de pellicule différents pour un résultat spectaculaire. Avec ce transfert en DVD, l'image reste nette et les contrastes précis même lors des passages seulement éclairés à la bougie.

Les pistes sonores sont au nombre de trois : anglaise française et italienne. Les pistes en langue étrangère sont présentées avec un sous-titrage en français et, en ce qui concerne la qualité, les bandes-sonores en mono d'origine sont très correctes. Les dialogues sont clairement audibles et les sons environnants étonnement clairs (le chant d'oiseau, les voix éthérées, les bruits de la maison…).

Les suppléments se composent d'abord de trois segments différents réalisés par Valérie Martin. Le premier s'intitule Les coulisses d'un film de genre et dure près d'une demi-heure. Il présente plusieurs personnes qui nous parlent du film : Jean-Louis Leutrat (professeur de cinéma), Jim Clark (monteur du film), Pamela Francis (scripte), Neil Sinyard (biographe de Clayton) et enfin, Freddie Francis lui-même. Ce segment est complété par le suivant, De la cave au grenier qui est entièrement dédié aux décors qui composent le film, décortiqués par Alexandre Tsekenis, enseignant en la matière. Toutes ces interventions intéressantes et pertinentes se révèlent un sympathique mélange d'informations historiques, techniques et anecdotiques. Peut-être que le spectateur lambda n'a pas envie de voir le mystère brisé mais pour ceux qui portent un intérêt particulier à l'assemblage d'un film, en l'occurrence LES INNOCENTS, ces suppléments sont une mine d'or.

L'innocence de Henry James présente le traducteur français de l'auteur, Jean Pavans. Il évoque rapidement les œuvres les plus connues d'Henry James avant de se concentrer sur Le Tour d'écrou qu'il analyse plus en profondeur, faisant de nombreux parallèles avec James lui-même. La Galerie de photos se composent d'images couleur à faire défiler soi-même et on termine avec la Filmographie de Jack Clayton.

Film d'épouvante réalisé avec classe et sensibilité, LES INNOCENTS mérite entièrement son statut de chef d'œuvre intemporel aux côtés d'autres métrages inoubliables dans le genre films de fantômes, tels LA MAISON DU DIABLE ou KWAIDAN. Produit en Grande Bretagne et s'éloignant des productions Hammer de l'époque, la réussite des INNOCENTS doit tout à la suggestion. Nous allons donc terminer en finesse par vous suggérer de rapidement (re)voir cette perle monochrome, toutes lumières éteintes…

Rédacteur : Marija Nielsen
54 ans
98 critiques Film & Vidéo
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L'édition vidéo
THE INNOCENTS DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h37
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Italian Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Les coulisses d’un film de genre (25mn)
    • De la cave au grenier (6mn55)
    • L’innocence de Henry James (7mn59)
    • Galerie photo
    • Filmographie de Jack Clayton
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