En 1875, criblé de dettes, Phineas T. Barnum quitte les Etats-Unis pour le Royaume-Uni. Là, il prend au mot un scientifique et décide d'être le catalyseur d'un projet visant à expédier un projectile vers la lune avec, à son bord, un passager !
Suite à ses adaptations de Sax Rohmer, le producteur Harry Alan Towers a l'ambitieux projet de tourner une adaptation du livre De la Terre à la Lune de Jules Verne. Un choix qui s'avère assez étrange puisque moins de dix ans auparavant, les Américains avaient déjà produit leur propre DE LA TERRE A LA LUNE réalisé par Byron Haskin. Etrangement, si on compare avec d'autres adaptations de Jules Verne, De la Terre à la Lune et sa suite, Autour de la Lune, ont toutefois été peu utilisé sur le grand écran. Hormis le film de Byron Haskin et cette production de Harry Alan Towers, il faut carrément remonter aux débuts du cinéma avec LE VOYAGE DANS LA LUNE autant inspiré de Verne que de H.G. Wells. Le film de 1902 sera alors vaguement copié par d'autres dans les années qui ont suivi mais ils se baseront plus sur le film de Méliès que sur l'œuvre de Jules Verne. Le peu d'adaptation s'explique peut être par le fait que passé les années 60, l'aspect fantastique d'un voyage vers la lune était devenu quelque peu obsolète !
Pour sa version, Harry Alan Towers écrit un premier jet sous son pseudonyme habituel de Peter Welbeck mais, puisque le film s'oriente vers la comédie, le scénario sera revu par Dave Freeman. Le nom de ce scénariste ne vous dira peut être rien mais il avait pourtant déjà fait sensation à la télévision anglaise en écrivant les scripts du show de Benny Hill. Pour mettre en image ce qui devrait être un important budget, Harry Alan Towers confie la réalisation à Don Sharp avec qui il a déjà travaillé auparavant sur LE MASQUE DE FU MANCHU et LES 13 FIANCEES DE FU MANCHU. De plus, Don Sharp n'a rien d'un débutant et il a déjà œuvré sur de grosses productions ne serait-ce qu'en dirigeant la seconde équipe de CES INCROYABLES FOUS VOLANTS DANS LEURS DROLES DE MACHINES. Un film dont l'affiche comportait déjà Terry-Thomas et Gert Fröbe qui se retrouveront, une nouvelle fois, sur la ligne de ce GRAND DEPART.
Harry Alan Towers monte pour l'occasion la Jules Verne Films Ltd. mais il faut être un tant soit peu réaliste, le producteur n'a pas la somme nécessaire pour tourner son film même si tout doit être mis en boîte dans des studios irlandais comme ce fut le cas des deux premiers Fu Manchu. Il est donc obligé de se tourner vers d'autres investisseurs. Ce qui aurait dû être le bébé de Harry Alan Towers va rapidement ressembler à une auberge espagnole. Si le producteur réussit à obtenir de l'argent des distributeurs basés en Allemagne (Constantin Films), aux Etats-Unis (AIP), au Royaume-Uni (Anglo-Amalgamated) ou encore en France, c'est au prix de diverses concessions. Chacun impose des choix concernant les acteurs qui vont se retrouver à l'écran et, bien sûr, il n'est pas question d'anodines apparitions. L'idée étant de pouvoir mettre en bonne place les personnalités de façons à commercialiser au mieux le film dans les pays respectifs. Pour contenter tout le monde, il faut donc réécrire le scénario pour ajouter des personnages ou des péripéties au détriment du reste.
Alors, c'est sûr que l'affiche du GRAND DEPART avait de la gueule à l'époque en alignant une dizaine de noms d'acteurs qui sont pour la plupart devenue quelque peu inconnue du grand public aujourd'hui : Burl Ives, Troy Donahue, Gert Fröbe, Terry-Thomas, Hermione Gingold, Lionel Jeffries, Dennis Price, Daliah Lavi, Stratford Johns & Graham Stark. Mais le film en pâtit lourdement avec un scénario qui ressemble à une succession de sketches dont la charge comique est très inégale. De plus, certaines de ces scènes ne font aucunement avancer l'intrigue ce qui est le cas, par exemple, de la plupart des scènes avec le personnage de Gert Fröbe. En soit, sa présentation avec l'histoire du casque équipé d'un canon est très drôle mais le reste tombe carrément à plat comme ce long passage décrivant des essais balistiques sur une plage où l'humour troupier ne fait pas vraiment d'étincelles. Le même grief pourrait s'appliquer à la plupart des personnages qui parfois apparaissent ou disparaissent aux dépens d'une intrigue harmonieuse.
LE GRAND DEPART prend de grosses libertés en comparaison du livre original de Jules Verne. D'ailleurs, le générique ne trompe pas puisqu'il est bien indiqué que le film s'inspire des écrits de Jules Verne ce qui sous-entend que la fidélité ne sera pas au rendez-vous. Ainsi, les personnages originaux disparaissent et l'action se déplace des Etats-Unis, foyer original du Gun Club, vers l'Angleterre. Certaines des modifications s'avèrent assez amusantes comme le personnage de Barnum obligé de quitter précipitamment les Etats-Unis pour monter, en bon margoulin, une nouvelle affaire délirante sur le sol britannique. D'autant plus amusant que ce n'est pas sans rappeler le parcours d'Harry Alan Towers toujours à la recherche d'un nouveau film à mettre en boîte pour financer les dettes du précédent.
A côté, on peut aussi noter le personnage interprété par Terry-Thomas, absent comme les autres du livre, et qui s'avère plutôt rigolo en financier radin. Mais tout cela n'a pas grand chose à voir avec le sérieux du livre de Jules Verne et on se rapprocherait bien plus, en largement moins drôle, de LA SOURIS DANS LA LUNE de Richard Lester où apparaissait déjà Terry-Thomas. Même l'issue du film réussit à nous décevoir lorsque le projectile décolle pour finalement louper son but. A l'image d'un film qui passe donc carrément à côté de ce qu'il aurait pu être… Officiellement produit par la Jules Verne Films Limited, cette structure se limitera effectivement à ce seul et unique film !
Momentum Pictures a sorti LE GRAND DEPART, sous son titre original de ROCKET TO THE MOON, sur le sol anglais dans le courant de l'année 2001. Depuis, personne ne s'est attaché à ce film et il s'agit de la seule édition existante à notre connaissance et ce malgré l'attrait éventuel que peut avoir un tel film. On notera d'ailleurs qu'à l'arrière de la jaquette est apposé le logo de Studio Canal ce que l'on retrouve aussi au lancement du DVD.
Voilà donc un disque qui ne date pas d'hier et son transfert 16/9 au format cinéma respecté 2.35 est plutôt décevant. La définition est vacillante et d'ailleurs l'image s'avère quelque peu instable tout au long du film. Les couleurs posent pas mal de problème aussi avec des changements de teintes parfois dans un même plan. S'il y a bien un côté généreux à ce transfert, c'est la profusion de défauts de pellicule qui s'invitent sur une image qui déjà ne brillent pas par sa qualité !
La seule piste sonore est la version originale anglaise en mono d'origine. Plate et un peu criarde, elle risque de poser pas mal de problème à ceux qui ne comprennent pas couramment la langue anglaise. Surtout qu'en dehors de cette unique piste sonore, aucun sous-titrage d'aucune sorte n'est proposé.
Ce n'est pas non plus du côté des suppléments qu'il va falloir espérer un miracle. Parce que des suppléments, y'en a pas ! Pas de bande-annonce, pas même une filmographie ultra sélective des acteurs, du réalisateur ou du producteur. Rien de rien, c'est le vide intersidéral que l'on ne verra d'ailleurs même pas dans le film !
En dehors des cinéphiles curieux qui n'ont pas encore pu voir LE GRAND DEPART, il est impossible de conseiller l'achat d'un tel DVD même si on le trouve à présent chez les revendeurs anglais à un prix relativement bas mais encore trop haut en regard de la qualité globale proposée sur ce produit.