New York vit des heures sombres. En effet, les enfants de la grosse pomme meurent par dizaines des suites d'une maladie nouvelle, inconnue et incurable. L'espoir s'amenuisant, le Docteur Susan Tyler (Mira Sorvino) décide de concentrer son travail sur l'anéantissement du vecteur de ce fléau : La population de cafards grouillante dans les bas fonds de la ville. Pour cela, elle réalise un croisement génétique contre-nature entre la mante religieuse et la termite. Le Juda est né. Lâchée dans les égouts, la création à six pattes va faire son office et libérer la ville de son fléau. Trois ans plus tard, le Docteur est salué pour son travail, la maladie a pu être stoppée et le cafard n'est qu'un triste souvenir. Cependant, alors qu'ils étaient stériles et destinés à disparaître, les Judas ont confiés leur sort à Dame Nature qui les a plutôt gâtés. Non contents d'être encore en vie, les Judas se reproduisent et mutent, bien décidés à s'imposer face à leur prédateur naturel, le New Yorkais.
C'est en 1942, dans la revue «Astonishing Stories», que paraît pour la première fois la nouvelle de quatre pages nommée «Mimic». Né sous la plume de l'écrivain Donald A. Wollheim, cette brève histoire d'insectes mutants finira par intéresser les studios Dimension, filiale horrifique de Miramax, dans les années 90. L'objectif est alors de concevoir MIMIC comme l'un des segments de LIGHT YEARS, une anthologie fantastique qui ne verra finalement jamais le jour... Suite à la renaissance du cinéma de genre, les studios Dimension vont enfin donner leur feu vert à Guillermo del Toro pour prendre en main le projet MIMIC. Non sous la forme pressentie d'un métrage de trente minutes, mais bel et bien d'un film au budget de 25 millions de dollars destiné à sortir en salles…
Après quelques années dédiées aux maquillages et effets spéciaux, le jeune Guillermo del Toro se consacre à la réalisation et nous offre en 1993 son premier film : CRONOS. Véritable déclaration d'amour au cinéma de genre, cette histoire de vampires convainc sans mal et remporte un énorme succès critique dont une vingtaine de prix à travers le monde. Plus qu'une intrigue proposant une intéressante et émouvante réflexion sur l'immortalité, CRONOS est aussi un film maîtrisé et fort honorablement mis en image. Le réalisateur semble donc idéal pour mener à bien le projet MIMIC qui, entre de mauvaises mains, pourrait aisément tomber dans l'absurde. Dès lors, le scénario va connaître une longue phase de remodelage. La nouvelle devra être sérieusement étoffée et calibrée pour offrir aux spectateurs un résultat mariant horreur et action, formule payante depuis le JURASSIC PARK de Steven Spielberg en 1993... Les scénaristes se succèdent avec plus ou moins de succès. Bon nombre d'entres eux ne seront du reste pas crédités, leur travail ayant été rejeté en bloc par le réalisateur mexicain.
Vient ensuite la phase de conception de la créature. Ne nous y trompons pas, MIMIC est avant tout un film de monstres. Mais pas n'importe quels monstres ! Nous parlons ici d'insectes mutants et géants imitant les hommes ! Pour éviter de sombrer dans le ridicule, del Toro s'assure les services de TyRuben Ellingson (JURASSIC PARK justement...) et Rob Bottin (le créateur de ROBOCOP) qui se chargeront de la conception visuelle des monstres et ce pour les différents stades de leur évolution. Rick Lazzarini prendra la suite pour donner vie aux insectes sous leur forme animatronique. Pour finir, c'est Brian Jennings qui se chargera d'intégrer les effects spéciaux en image de synthèse au film, comme il l'avait fait peu de temps avant pour les besoins de MORTAL KOMBAT. Le résultat à l'écran sera bien entendu à la hauteur des espérances, nous offrant des insectes convaincants, évoluant de manière fluide et ce qu'ils volent ou qu'ils marchent. Les séquences de déploiements d'ailes sont à ce titre particulièrement impressionnantes, de même que l'allure générale des Judas adultes dont la silhouette inquiétante rappelle bien évidement celle du «Tall Man» de la tétralogie PHANTASM.
Avec MIMIC, Guillermo del Toro nous livre donc en 1997 un film rendant ouvertement hommage aux plus grands classiques du genre. Nous y retrouvons ainsi une créature démesurée, le créateur/scientifique face à sa chose, la nature reprenant ses droits, etc... Cependant, malgré une trame on ne peut plus classique, le réalisateur parvient sans mal à faire la différence. Tout d'abord sur le plan visuel, MIMIC est un film qui sort de la norme. La photo y est belle, contrastée, sombre et sale à la fois. Les décors, que l'on doit à Carol Spier (la plupart des films de Cronenberg ainsi que SILENT HILL), nous proposent de découvrir tour à tour un New York gothique à souhait, une église abandonnée, une station de métro en ruines, quelques sombres couloirs... Du très bel ouvrage, sans doute responsable en grande part de l'ambiance années 50 dégagée par ce film. Car s'il se situe de toutes évidences dans le présent ou un futur proche (du point de vue de la science), MIMIC semble ancrée dans la nostalgie par une architecture datée et la présence de métiers oubliés... En effet, en plus de l'aspect visuel indéniablement soigné, Guillermo del Toro marque le film de son empreinte inimitable à de nombreuses reprises, reprenant ainsi les thématiques qui lui sont chères.
Ainsi par exemple, le vieil homme et son fils font dans MIMIC écho au personnage principal de CRONOS. Ce dernier, passionné de pendules anciennes et de mécanismes d'horlogerie désuets ne vit lui aussi que pour celle qui lui confère sa véritable jeunesse : sa petite fille. Dans MIMIC, c'est à un cordonnier que nous avons à faire. A son enfant simple d'esprit, il lègue son amour d'un travail artisanal accompli avec talent. C'est ainsi que l'on peut les voir, vêtus comme ils auraient pu l'être un siècle plus tôt, cirer des chaussures au beau milieu d'une station de métro. Le thème de l'enfance semble d'ailleurs faire partie intégrante du travail de del Toro. Qu'ils soient personnages principaux (L'ECHINE DU DIABLE, LE LABYRINTHE DE PAN) ou secondaires comme ici, les enfants sont toujours spectateurs d'événements fantastiques ou terrifiants. Le fils du petit cordonnier est ainsi l'un des premiers personnages à voir le monstre. Il apprend à le guetter, à le comprendre et tente même de communiquer avec lui, imitant le bruit de l'insecte comme l'insecte imite l'apparence visuelle de l'homme. L'enfant est le regard insouciant qui contemple l'horreur engendrée par l'adulte. Dans MIMIC, l'enfant en sera même victime à deux reprises, fait suffisamment étonnant dans l'univers des productions Hollywoodiennes...
Autre thématique récurrente des films de monstres depuis le fabuleux FRANKENSTEIN de 1931, celle de la paternité de la créature. Ici, nous parlerons plutôt de maternité, au sens figuré bien sûr mais aussi au sens propre. En effet, le docteur Tyler va donner, par le biais de la science, naissance à sa créature, le Juda. Mais Susan est aussi une femme qui nous est montrée dans le film comme un personnage désireux d'avoir un véritable enfant. Une scène intimiste nous la montre du reste dans les bras de son mari, triste jusqu'aux larmes à la vue d'un test de grossesse négatif. Peu après, nous verrons ses yeux s'illuminer lorsqu'elle découvrira que la créature qu'elle croyait morte à survécu : elle a bel et bien créé la vie. Comme il se doit, elle va partir à la recherche du monstre, tenter de s'en approcher pour le comprendre et tout simplement, assumer son acte de création. Guillermo del Toro prend par ailleurs un malin plaisir à accentuer l'aspect «humain» de l'insecte. Outre sa silhouette ou ses attitudes, la bête sombre erre dans les couloirs du métro, se modèle un visage inexpressif et développe même des organes humains. Les concepteurs de la créature déclarent s'être inspirés d'une foultitude d'insectes pour le design de leur Juda. Nul doute qu'ils ont aussi rouvert leurs bouquins d'anatomie humaine pour ce travail. Dans l'ultime étape de la mutation, Susan Tyler découvre avec horreur l'un des embryons de Judas, copie parfaite d'un foetus humain. Le docteur a donné la vie. Elle ne se prend pas pour Dieu comme le John Hammond de JURASSIC PARK, elle est simplement devenue mère par quelques moyens détournés.
MIMIC, film made in Hollywood, n'en reste donc pas moins un film de Guillermo del Toro et ce même si nous sommes bien loin de l'oeuvre très personnelle qu'est CRONOS. Ce côté intimiste, il le retrouvera par la suite pour L'ECHINE DU DIABLE et poursuivra sa carrière en alternant les blockbusters hollywoodiens et les réalisations fantastico-lyriques qui lui sont chères.
Ne nous leurrons pas toutefois car les différentes sensibilités de del Toro sont clairement palpables dans cette première oeuvre commerciale. Elles font à la fois la force et la faiblesse de MIMIC. Le film débute en effet de manière intimiste, prenant soin de mettre en place l'histoire, de développer des personnages attachants puis de justifier de manière crédible l'existence de ses monstres. En milieu de métrage, alors que le spectateur s'est agréablement plongé dans ce qui semblait être une fable intelligente, le film effectue un changement de ton très radical. Nous sommes en seconde partie confrontés à un film certes bien mis en image mais de toute évidence calibré pour offrir au spectateur sa dose de sang, d'action et de créatures repoussantes. Dès lors, rien de nous sera épargné, des crises d'hystéries aux attaquent de masses sans oublier bien sûr le stéréotype du personnage à l'humour souvent décalé. Le film aura par ailleurs le mauvais goût de se terminer sur une fin heureuse assez improbable, frôlant même le ridicule et faisant tout simplement fi du profil psychologique des personnages si bien développé durant la première demi-heure. Guillermo del Toro nous livre donc un film extrêmement soigné, dans lequel il a su insuffler tout ce qui fait le charme de son cinéma. Malheureusement, le contexte Hollywoodien l'aura sans doute obligé à faire certaines concessions plus que discutables. Plombant la seconde partie du film et dénaturant l'ensemble, cela rend l'entreprise agréable mais quelque peu inégale...
En France, le DVD de MIMIC est édité par TF1 Video (de même que ses deux suites). Sans doute peu enclin à investir de l'argent sur un film au potentiel plus qu'incertain, l'éditeur nous livre une édition honnête mais minimaliste. L'image nous est donc proposée au format 16/9eme et 1.85 d'origine. Elle est propre, propose un contraste très correct et des couleurs conformes à la vision en salle. Concernant les pistes son, nous aurons droit à la version originale sous-titrée et à la version française, toutes deux dans des mixages assez peu convaincants. Toutefois, il est bon de noter que si la version originale est proposée en Dolby Digital 5.1, ce n'est pas le cas de la piste française. Cette dernière est curieusement en MPEG stéréo qu'il est possible de décoder ensuite avec un ampli en stéréo surround. Une particularité qu'il faut remettre dans son contexte puisque cette édition DVD date de la toute fin d'année 1998 à une époque où certains pouvaient encore croire à l'éventuelle pérennité du format MPEG pour le son.
C'est essentiellement du côté des bonus que le bas blesse. En effet, pour un film aux effets spéciaux et à l'univers si soigné, il est malheureux de voir qu'aucun supplément digne d'intérêt ne vienne étoffer l'ensemble. Il faudra donc se contenter des biographies de Guillermo del Toro et Mira Sorvino, d'une bande-annonce et de notes de production constituées de six maigres pages fixes... Peu enthousiasmant et ne pensez pas que l'édition DVD parue chez CIDC (Compagnie Internationale De Communication) en 2003 apporte des différences. Celui-ci est un clone, le disque est strictement identique, sous une jaquette différente et commercialisé à petit prix à destination des centrales d'achat de la grande distribution (les supermarchés, quoi !).
MIMIC est donc un film de monstres hautement sympathique, soigné et divertissant. Cependant, il s'agit aussi d'une oeuvre bancale qui semble avoir quelque peu échappée à son réalisateur. Reste que le film doit être vu, qu'il s'inscrit dans la logique de la carrière de Guillermo del Toro et qu'il propose suffisamment de bonnes idées et de belles images pour satisfaire les fantasticophiles amateurs de cafards.