Aux alentours de 1979 commence une collaboration entre deux personnalités du Bis italien qui vont, durant les années 80, fournir de nombreux titres à un cinéma de genre transalpin en plein déclin... Ces deux compères se nomment Bruno Mattei et Claudio Fragasso, le second, plus jeune, devenant le principal collaborateur du premier, plus expérimenté. Mattei commence comme monteur au cours des années 60, avant de passer au poste de réalisateur dans les années 70, poste auquel il s'essaie aux genres les plus bas d'alors : comédie paillarde (CICCIOLINA AMORE MIO), nazisploitation (HOTEL DE PLAISIR POUR S.S.), mondo... C'est d'ailleurs sur le pseudo documentaire LE SEXE INTERDIT (titre vidéo) que Fragasso et Mattei vont travailler ensemble pour la première fois...
Vient ensuite LES NOVICES LIBERTINES, inspiré d'une histoire authentique s'étant déroulée dans un couvent lombard au XVIIème siècle, que les deux hommes tournent en studio et dans un couvent romain. Mais, en fait, ils en profitent pour réaliser un second film simultanément. Mattei prend avant tout en charge la mise en scène de la commande principale - LES NOVICES LIBERTINES - tandis que Fragasso se concentre sur la réalisation d'un film d'horreur tourné dans les mêmes décors et avec certains acteurs communs : L'AUTRE ENFER.
Aussi bien LES NOVICES LIBERTINES que L'AUTRE ENFER se rattachent à la mode dite de la "Nunsploitation". Une mode qui s'épanouit surtout suite à la sortie et au succès de LES DIABLES de Ken Russell, et sévit principalement en Italie et au Japon... Il s'agit de raconter des histoires mettant en scène des évènements se déroulant dans l'univers secret - et donc propice à tous les fantasmes masculins ! - des couvents pour religieuses catholiques. Parmi une distribution de comédiennes anonymes ou échappées du cinéma porno, nous retrouvons quelques habitué du cinéma bis. Franca Stoppi, l'inquiétante gouvernante de BLUE HOLOCAUST, prête son physique expressif à la mère supérieure du couvent où se déchaîne L'AUTRE ENFER. Franco Garofalo (LA QUATRIEME RENCONTRE) incarne le jardinier "Boris" tandis que, dans le rôle du jeune prêtre, nous retrouvons Carlo De Mejo, appelé à devenir un habitué des films de Fulci (FRAYEURS, LA MAISON PRES DU CIMETIERE, LA MALEDICTION DU PHARAON – titre vidéo)... La musique est signée par le groupe Goblin, mais, par souci d'économie, ce sont des morceaux employés dans d'autres bandes originales et enregistrées auparavant qui sont employés...
Dans un couvent, des phénomènes étranges se multiplient. Possession, comportement délirant... L'ambiance n'est pas bonne, si bien que l'évêque du diocèse envoie un jeune prêtre enquêter au sein de cette communauté. Le jeune homme ne croit pas aux malédictions et aux exorcismes. Il est convaincu que la cause de tous ces drames doit se chercher ailleurs. Le couvent recèle un secret qu'il veut à tout prix mettre à jour... même au péril de sa vie !
L'AUTRE ENFER fonctionne avant tout comme un mélange de genres, partant dans toutes les directions pour offrir à son public ce qu'il est venu chercher. Blasphèmes et nonnes (LES DIABLES), exorcisme et possession (L'EXORCISTE), gore et zombies (ZOMBIE), pouvoirs paranormaux et enfants mystérieux (LA MALEDICTION)... De nombreux éléments à la mode dans le cinéma des années 70 se trouvent ici rassemblés, dans un tout qui ne se soucie guère de la cohérence de son récit ! Le tandem Fragasso-Mattei n'oublie pas non plus quelques renvois au cinéma gothique des années 60, tels cet étrange personnage masqué, ou cet inquiétant ossuaire mal éclairé...
Malgré sa grande générosité en terme de fantastique et d'épouvante, L'AUTRE ENFER est aussi un film approximatif. Approximatif dans sa mise en scène souvent bâclée, dans sa photographie maladroitement réglée... Et surtout approximatif dans son rythme pour le moins hésitant. Le début du film, particulièrement, se montre languide, le film semblant ne pas trop savoir dans quelle direction aller. L'action alterne alors bavardages souvent inutiles et séquences horrifiques n'ayant que peu de rapport avec la suite des évènements. Ainsi, l'explication finale ne justifie pas réellement toutes les péripéties terrifiantes auxquelles nous assistons durant le métrage…
L'AUTRE ENFER s'avère un titre parfois Z, avec ce que cela implique de maladresses et d'inachèvement. Mais c'est aussi un film qui, à force de multiplier les passages horrifiques et les évènements bizarres, convoque une ambiance insolite le plus souvent réussie. Molosses déchiquetant des humains, cadavres moisis reposant dans des cercueils vermoulus, tête coupée déposée dans le tabernacle d'une église, présence démoniaque hantant le sous-sol du couvent... Autant de touches généreusement dispensées qui, bon an mal an, finissent par se combiner en un ensemble plutôt satisfaisant pour l'amateur de terreur !
L'AUTRE ENFER est donc une petite réussite du Bis italien, et le spectateur passant outre sa finition technique médiocre passera un moment d'horreur divertissant... En France, il n'aura guère l'honneur d'une sortie en salles. On le trouvera donc en vidéo, d'abord sous le titre L'AUTRE ENFER, puis sous celui de LE COUVENT INFERNAL. Par la suite, Fragasso et Mattei vont continuer à collaborer régulièrement, jusqu'à la fin des années 80, sévissant aussi bien dans le cinéma carcéral (PENITENCIER DE FEMMES), la science-fiction (LES RATS DE MANHANTTAN, ROBOWAR), le film de zombies (VIRUS CANNIBAL), ou l'action (TRAPPOLA DIABOLICA)...
En DVD, L'AUTRE ENFER a déjà été édité aux USA chez Media Blasters - Shriek Show, et un autre disque existe aussi au Japon. En France, il débarque chez Néo Publishing, qui, nous allons le voir, a fait les choses de façon assez complète !
Le disque Néo propose une copie de L'AUTRE ENFER au format 1.66, dans un télécinéma 16/9. L'AUTRE ENFER ayant été tourné très rapidement, avec peu de moyens, il ne faut pas s'attendre à des miracles. Séquences mal éclairées, grain parfois envahissant... A ces soucis d'origine se rajoute un petit tracas assez fréquent sur les disques Néo, à savoir de petites difficultés à gérer les couleurs saturées (notamment les rouges). Un petit détail, mais un détail néanmoins perfectible... pour atteindre la perfection ! Quelques saletés sont aussi présentes à l'écran mais, ne chipotons pas, au vu du matériel d'origine, ce DVD de L'AUTRE ENFER reste réussi...
La bande-son est disponible en mono dans deux versions : ou en anglais, ou en français. Il n'y a donc pas la piste italienne, laquelle, au vu de la distribution, semble la plus appropriée. Le doublage anglais est en plus assez médiocre et, à la limite, il vaut mieux se rabattre sur le doublage français. Techniquement, ces deux bandes-son se trouvent dans une moyenne correcte pour un tel titre Bis...
C'est au niveau des suppléments que l'édition de Néo se montre la plus intéressante. Le film s'ouvre sur une petite présentation du film par Claudio Fragasso, présentation filmée de façon un peu ridicule... Le commentaire audio par le même Claudio Fragasso (en italien sous-titré en français) s'avère quant à lui tout à fait réussi. Volubile, le metteur en scène multiplie les souvenirs et anecdotes liées à sa carrière avec une bonne humeur communicative. Un commentaire à la fois dense, amusant et informatif. Bref, comme on aimerait en entendre plus souvent !
Nous trouvons en plus un entretien avec Claudio Fragasso, durant lequel il revient sur l'ensemble de sa carrière, à nouveau dans la bonne humeur et sans aigreur. Un entretien de 26 minutes, illustré de photos de tournage et ayant le grand mérite d'éviter les redondances par rapport au contenu du commentaire audio.
Le tout est complété de suppléments plus classiques. Nous trouvons ainsi une galerie proposant des photos de plateau ainsi que des visuels d'affiches et de vidéo pour L'AUTRE ENFER. Nous pouvons aussi consulter les filmographies de Fragasso et Mattei, ainsi que celles des acteurs Carlo De Mejo, Franca Stoppi, Franco Garofalo.
Un petit regret ? Nous aurions aussi aimé connaître le point de vue de Bruno Mattei sur la production de L'AUTRE ENFER, afin d'entendre sa version des faits face aux affirmations de Fragasso qui s'approprie ici - peut-être à raison - presque toute la création du métrage...
Etant donné son prix raisonnable (aux alentours de 15 euros), cette édition s'avère tout à fait correcte, surtout au vu de ses nombreux bonus exclusifs. Même si nous regrettons, comme trop souvent pour les DVD de films italiens, l'absence de la piste italienne sur ce disque...