Header Critique : URBAN CANNIBALS (THE GHOULS)

Critique du film et du DVD Zone 2
URBAN CANNIBALS 2003

THE GHOULS 

«Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, durant le combat, à ne pas devenir un monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute en retour.». Cette citation de Nietzsche (in Au delà le bien et le mal) aurait pu figurer sur un carton prégénérique tant elle colle au thème du film : Le danger de devenir le mal que l'on veut dénoncer.

Eric Hayes est un «stringer» toujours à la recherche d'un nouveau scoop à vendre. Plus c'est glauque, plus ça lui plaît et mieux ça se vend. Sa vie personnelle est inexistante et ses relations professionnelles ne s'intéressent qu'aux dépravations sur pellicule. Au bord de la dépression, Eric va néanmoins oublier son malaise pour filmer un acte inhumain qui le conduira jusqu'au bout de lui-même.

Vous l'avez compris, il s'agit d'une relecture du métier de paparazzi, ces reporters people qui n'ont aucun scrupule à braquer leurs appareils photo jusque dans l'intimité et les poubelles des stars. Le terme anglo-saxon «stringer» désigne un caméraman toujours en quête du pire ce qui en en bon français pourrait donner une fouille-merde. Les possibilités pour un réalisateur de se vautrer dans la fange de l'humanité sont de ce fait quasi infinies mais il n'existe pourtant pas beaucoup de films sur ce sujet en particulier même si le cinéma a souvent parlé des médias par le passé. Donc, dans le domaine qui nous interesses, les caméramans du pire, le premier titre qui nous vient à l'esprit est le simplement nommé STRINGER de Klaus Biedermann, un métrage étonnant d'ennui qui réunit un casting des plus improbables, à savoir Elie Semoun et Burt Reynolds. Si cela ne vous dit rien, soyez heureux dans votre ignorance car URBAN CANNIBALS traite le sujet de façon bien plus intéressante.

L'action se déroule dans un Los Angeles laid et sale, seulement illuminé par des néons clinquants où les gyrophares des voitures de police. Le décor urbain colle parfaitement au sujet qui n'aurait bien évidemment pas eu le même impact en étant situé dans une campagne tranquille. Cela arrange tout le monde puisque le réalisateur aura ainsi pu obtenir un certain gain de temps et d'argent en évitant les déplacements d'une équipe de tournage. Le film n'a bénéficié que d'un budget de 9000 dollars et la majeure partie est visiblement passée dans les effets spéciaux, comme nous le verrons un peu plus loin. Pour le reste, c'est le système D qui est à l'honneur, tant au niveau de l'exécution que des acteurs.

Eric Hayes est interprété par Timothy Muskatell, un habitué des téléfilms et direct-to-video. Son manque d'expérience s'en ressent nettement car même si son personnage est taciturne et dépressif, Timothy Muskatell a du mal à faire passer ses émotions. Ce défaut inspire un certain ennui dans la première partie du film étant donné que nous le suivons en permanence. Son personnage exprime de la lassitude envers son métier ingrat mais seulement jusqu'au prochain scoop qui se profile. En cela, le réalisateur fait un parallèle intéressant avec les spectateurs des émissions réalité choc comme il en existe tant aux Etats-Unis. Des poursuites de police jusqu'aux suicides en direct, les actes violents sont banalisés à un tel point que l'on continue sa petite vie devant l'écran comme si de rien n'était. Ce paradoxe est illustré par la scène atroce d'introduction au film où un homme se fait exploser la cervelle sous l'oeil vigilant des caméramen à l'affût en hélicoptère. Nos remords ne valent finalement pas grand chose devant l'obsession du sordide, le désir malsain de regarder, d'observer, de presque se délecter des souffrances d'autrui. Des sentiments si bassement humains dont le paradoxe est exploré à fond dans ce métrage.

Les relations entre Eric et un producteur vil et avide de crasse (Joseph Pilato) reflètent également l'ambivalence du propos. Les reporters sont conscients de ce qu'ils font mais les médias auront toujours besoin d'eux pour satisfaire un public de plus en plus avide de sensations fortes. Les uns ne vivent pas sans les autres et cette idée toute simple se retrouve encore dans les scènes de cannibalisme qu'Eric va découvrir par hasard. Son enquête le conduit dans les bas-fonds de la ville, là où les clochards, les prostituées et les gangs se disputent une place parmi les poubelles pour une vie tout aussi jetable. On se dévore les uns les autres et quelqu'un en profitera toujours.

Le regard du réalisateur sur la vie est d'un pessimisme absolu. L'amitié n'existe pas, c'est chacun pour soi. Les relations humaines se limitent aux engueulades, aux insultes, à la violence et à la manipulation. Rien d'autre ne compte que de grapiller ce que l'on peut, comme Eric le fait pour obtenir les images qui le nourrissent, tant au niveau psychologique que plus littéralement. La vie humaine n'a plus aucune valeur lorsqu'on se cache derrière le viseur d'une caméra, l'horreur devient spectacle et nous en sommes tous coupables. Mais à force de côtoyer la fange, on risque d'y prendre goût et c'est exactement ce qui arrive à Eric Hayes.

Cependant, tout n'est pas que désespoir et hideur. Au détour d'une scène douloureuse à regarder concernant son ami Clift, Eric va retrouver un peu de son humanité réprimée au profit de l'appât du gain. Il est à noter que cette scène survient suite à une prise de conscience radicale après que Hayes ait réellement touché le fond. On pourrait qualifier cela de facilité de la part du scénario mais, au contraire, le personnage d'Eric auparavant fade gagne en profondeur lorsqu'on en apprend un peu plus sur ses motivations. Tout s'explique même si rien ne s'excuse.

Avec tout ceci, vous avez peut-être l'impression de vous trouver devant un chef d'œuvre incompris qu'il vous faudra impérativement vous procurer. Mais malgré un sujet des plus pertinents, lé métrage souffre d'une réalisation plate où aucun réel effort n'a été fait. Les plans sont basiques, l'éclairage est minimum et on a souvent l'impression de regarder les mêmes images qui tournent en boucle. Peut-être est-ce voulu de la part du réalisateur pour faire un parallèle entre les images brutes des reporters mais cela occasionne un manque de rythme flagrant, souligné par une absence de musique d'ambiance à de nombreux moments où elle aurait pourtant été appropriée.

Induits en erreur par le titre français racoleur, certains spectateurs seront sans doute déçus s'ils s'attendent à de l'action non-stop ou à des scènes de cannibalisme sauvages, car il n'y en a pas beaucoup. Le titre original, THE GHOULS est bien plus efficace car bien moins explicite. Sans vouloir faire de comparaison injustifiée concernant leurs qualités respectives, ici comme dans la saga de zombies de George Romero, les monstres sont autant humains qu'inhumains. Un parallèle un peu douteux (voire carrément limite) est fait avec un attardé mental fan de films d'horreur. On vous laisse découvrir les scènes qui finalement, s'inscrivent dans l'histoire avec une certaine logique. Le métrage pose surtout une question essentielle : Si on en avait l'occasion, le ferait-on ? («Le» désigne l'acte sordide de votre choix).

Les effets spéciaux font partie des vraies réussites de ce film et ne devraient logiquement décevoir personne. Bien que le métrage ne regorge pas de scènes gore, celles présentes sont très efficaces. Ferrin ne promène pas sa caméra dedans, il ne nous montre que ce qui est nécessaire, ne laissant toutefois rien à l'imagination. Tout y passe, des coups de couteaux infligés à une femme nue en gros plan aux arrachages de tripes à mains nues et autres joyeusetés toutes de rouge colorées. Les effets ont été exécutés par Heather Mages qui n'a qu'une quinzaine de films à son actif mais décidément un certain talent. Vous pourrez admirer ses travaux dans, entre autre, 2001 MANIACS ou URBAN LEGENDS : BLOODY MARY.

L'image est au format 1.33 et son principal défaut est d'être très sombre et granuleuse. Ces deux problèmes sont sans doute causés par le manque de moyens mais on distingue néanmoins les détails nécessaires à la compréhension. Cependant, le parti pris de montrer un grand nombre d'images à travers le viseur de la caméra d'Eric provoque beaucoup de tremblements assez frustrants à force. Bien que les ténèbres environnantes ajoutent au sentiment de claustrophobie qui semble habiter tous les personnages, le manque de définition risque de gâcher certains passages.

La seule langue disponible est un doublage français. Bien qu'audible, il est de qualité franchement moyenne à un point où on imagine très bien les doubleurs ne faisant rien d'autre que le strict nécessaire. Les tonalités sont plates, il n'existe aucune expression de sentiments, les bruits environnants n'ont pas de profondeur et il est fort dommage de ne pas disposer de la piste anglaise originale pour comparer.

La case suppléments présente deux bandes-annonces doublées en français l'une à la suite de l'autre. La première est de toute évidence un Teaser, très violent et pas particulièrement représentatif du film. La voix off d'Eric Hayes nous donne toutefois une meilleure compréhension de l'histoire. La deuxième est une vraie bande-annonce qui dévoile beaucoup trop. Deux choix assez maladroits et il est fort dommage de ne pas avoir un commentaire audio ou une interview du réalisateur expliquant le pourquoi du comment de son film.

Sorti en kiosque il y a déjà quelques temps, ce petit film à la réputation peu flatteuse mérite un détour dans le cas où il croiserait votre route chez un marchand de journaux ou dans un bac d'une grande surface. Malgré un niveau de production assez faible, il est bien plus intéressant qu'il en a l'air. Et il guérira quiconque de ses ambitions journalistiques de reporter choc…

Rédacteur : Marija Nielsen
55 ans
98 critiques Film & Vidéo
On aime
Le traitement du sujet
On n'aime pas
Des acteurs inexpressifs
Aucune piste en version originale
Une réalisation fade
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L'édition vidéo
THE GHOULS DVD Zone 2 (France)
Editeur
Antartic
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h21
Image
1.33 (4/3)
Audio
Francais Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Aucun
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