En Nouvelle-Guinée, une centrale lâche par erreur un produit chimique ayant don de transformer le chaland en mort-vivant affamé de chair humaine. Un commando d'élite formé, de quatre soldats, et un couple de reporters, vont tenter de survivre dans la jungle zombiesque.
Pour bon nombre de cinéphiles, le nom de Bruno Mattei résonne comme un poème. Artisan besogneux condamné à recopier les recettes à succès avec des moyens totalement inappropriés, Mattei (qui se dissimule la plupart du temps sous de fumeux pseudos comme Vincent Dawn) se démarque pourtant des innombrables tacherons de son espèce. Sa touche : une audace fulgurante et une absence totale de doute dès lors qu'il s'agit de faire passer des vessies pour des lanternes aux yeux du pauvre spectateur. Par exemple, dans LES RATS DE MANHATTAN, l'un des ses plus émouvants chefs-d'œuvre, l'homme simule une charge de rongeurs en nous donnant longuement à contempler l'effet spécial le plus foireux du monde. Le réalisateur sain d'esprit aurait écourté la séquence, mais pas Mattei. D'où culte.
HELL OF THE LIVING DEAD, beaucoup plus connu sous le nom de VIRUS CANNIBALE, est un autre très grand titre du lourd catalogue estampillé Bruno Mattei (ce dernier contenant de l'érotisme, de l'horreur, du sous-Rambo, du naziploitation, on en passe et des meilleurs). Arrivé en 1981, HELL OF THE LIVING DEAD porte l'influence toute chaude du film de cannibales style CANNIBAL HOLOCAUST (avec des vrais morceaux de mondo dedans), ainsi que du film de zombis à cheval entre l'influence italienne (avec L'ENFER DES ZOMBIS de Fulci) et américaine (avec ZOMBIE / DAWN OF THE DEAD de Romero).
Claudio Fragasso, scénariste et comparse de Mattei, résume la première ébauche du scénario de HELL OF THE LIVING DEAD comme un gigantesque affrontement entre un Tiers Monde devenu zombi et les armées des nations industrialisées, le premier s'étant transformé par la faute des seconds. Un postulat intéressant dont il ne reste rien ou presque dans le film fini.
Dans l'état, HELL OF THE LIVING DEAD est un repompage parfois scène par scène de ZOMBIE (même la musique des Goblin est réutilisée). Mattei nous refait donc le coup de l'immeuble pris d'assaut par des troupes d'élites (la violence sèche de Romero étant ici remplacée par des déambulations au petit pas dans des couloirs vides), de l'errance dans des bâtiments peuplés de morts-vivants jusqu'à la découverte d'un eldorado illusoire, une maison bourgeoise remplaçant ici le supermarché (le commentaire social en moins).
Raconté comme ça, HELL OF THE LIVING DEAD n'aurait absolument aucun intérêt. C'est sans compter la «Mattei's touch» qui transforme le naveton en spectacle cosmique. De grands moments sont ainsi réservés au cinéphile courageux : un rat qui s'infiltre dans une combinaison chimique pour manger à lui tout seul le bonhomme, un hilarant épisode avec un enfant zombi, un chat qui sort brusquement du ventre de sa mémère, des comédiens paniquant en essayant d'éviter trois morts-vivants mollassons dans un plan large, l'héroïne qui s'initie à l'anthropologie les seins peinturlurés afin de se faire accepter par la tribu du coin. On passe bien entendu sur les somptueux dialogues et les effets gores très Pizza Pino pour nous arrêter sur le clou du film, une séquence incroyable où un soldat débonnaire enfile de joie un tutu vert pour improviser la chorégraphie de Singin' in the Rain avant de se faire becqueter !?!
HELL OF THE LIVING DEAD devrait également être étudié dans les écoles de cinéma pour son art d'utiliser le stock shot, l'image d'archive récupérée d'on ne sait où. Sans égaler la folie d'un Ed Wood, qui osa intégrer une charge de bisons dans un film traitant d'un travesti (GLEN OR GLENDA), Mattei va user et abuser du procédé pour pallier les limites de son minuscule budget. L'équipe n'ayant pu se déplacer plus loin que l'Espagne tandis que l'histoire est censée se dérouler en Nouvelle-Guinée, Mattei va caviarder son film de séquences animalières qui, montées entre les moments où les personnages tournent la tête, vont créer le subterfuge. Bien entendu, on n'y croit pas une seule seconde, la forêt espagnole n'étant finalement pas si raccord que ça avec la jungle tropicale (et on ne parle pas de la différence de texture d'image).
Mais les stocks shots ne sont pas seulement là pour donner une dimension zoologique au film de zombis. Mattei profite de l'occasion pour faire un petit détour par le film de cannibales, très à la mode après les scandales et diverses interdictions des gloires du genre. Voilà pourquoi HELL OF THE LIVING DEAD adjoint à nos quatre Swats made in Romero un couple de reporters. Surtout centralisé sur une longue scène, cette entorse vers les tribus primitives se calque sur le schéma complaisant de CANNIBAL HOLOCAUST en utilisant des images de mise à mort et ingestion d'animaux (certifié sans trucage), de cadavres et restes humains. C'est la grande limite du film. La franche rigolade fait alors place au malaise pour un temps, ce dont nous nous serions volontiers passé.
Malgré cette utilisation douteuse d'images documentaires fortes au sein d'un film d'horreur (qui plus est idiot), HELL OF THE LIVING DEAD est un excellent divertissement qu'il se faut d'avoir vu au moins une fois dans sa vie. Certes, l'incapacité de Mattei à tenir le moindre rythme risque d'en faire décrocher beaucoup puisque son film est aussi vif que les zombis qu'il met en scène. Mais quelle rigolade ! HELL OF THE LIVING DEAD passerait presque pour une parodie des films d'horreur de la toute fin des 70's, sauf qu'ici ce n'est pas fait exprès.
Merci à Anchor Bay de déterrer cette joyeuse bobine pour une édition DVD en grande pompe, avec image et son revus à leur optimum. La qualité de l'ensemble est très honnête et devrait ravir les amateurs du film l'ayant vu et revu sur de vieilles VHS démagnétisées. Une seule piste audio est disponible : la piste doublée en anglais qui fait figure de version originale. Malheureusement, le mythique doublage français n'est pas de la fête, lui qui rajoutait tant au psychotronisme de l'ensemble. A noter qu'aucun sous-titre n'est présent.
Très peu de bonus, mais le cœur y est. L'éditeur se fend d'une interview avec le maître, histoire de revenir sur les points clés de ses œuvres de gloire (à savoir HELL OF THE LIVING DEAD et le merveilleux LES RATS DE MANHATTAN). Malheureusement, l'entrevue tourne vite court puisque Mattei se montre bien peu loquace au sujet de ses propres films (les a-t-il seulement lui-même déjà vus ?). La bande-annonce originale du film, une archive photo et une biographie écrite du maestro achèvent la section.
Qu'on le veuille ou non, HELL OF THE LIVING DEAD alias VIRUS CANNIBALE est un film ahurissant qui a marqué le genre à sa façon. Et si certains hésitent encore à débourser le prix d'un disque pour une telle guignolade, sachez que le film vient d'être réédité par Anchor Bay en double programme avec l'autre chef-d'œuvre de Mattei, l'inénarrable LES RATS DE MANHATTAN, le tout à un prix très léger. La vie est tout de même bien faite !