A Londres, des bandits réussissent un hold-up extraordinairement audacieux. Peu après, l'un d'eux est assassiné alors qu'il devait apporter une valise pleine de billets au commanditaire de ce "coup". L'inspecteur Elliott, chargé d'enquêter sur le casse, soupçonne que cette affaire soit liée au cirque Barberini...
Le réalisateur anglais John Llewellyn Moxey débuta à la télévision avant de s'illustrer dans le thriller et l'épouvante (avec notamment, son premier film THE CITY OF THE DEAD, interprété par Christopher Lee). Ainsi, au début des années 1960, il réalise toute une série de petits budgets s'inspirant, en principe, des écrits d'Edgar Wallace, comme DEATH TRAP ou RICOCHET. Puis arrive le producteur Harry Alan Towers. Consécutivement aux succès commerciaux de la Hammer, ce dernier, à la manière de Herman Cohen (CRIMES AU MUSÉE DES HORREURS) ou du tandem Baker-Berman (L'IMPASSE AUX VIOLENCES), s'impliqua dans l'élaboration de films horrifiques britanniques. Towers avait ainsi déjà produit LE MASQUE DE FU-MANCHU, premier d'une série de cinq films mettant en scène Christopher Lee dans le rôle du super-criminel oriental. Il décide de produire CIRCUS OF FEAR, l'adaptation d'un texte de l'écrivain Edgar Wallace, dont les oeuvres, depuis 1959, étaient très souvent transposées au cinéma, avec succès, en Allemagne.
C'est donc naturellement que Towers se tourne vers des partenaires germaniques pour financer ce film. C'est tout aussi logiquement qu'il choisit le réalisateur Moxey, qui avait déjà tourné, on l'a vu, des adaptations de Edgar Wallace. Co-production oblige, le générique inclut des comédiens allemands s'étant déjà illustrés dans les récentes transpositions allemandes de cet écrivain : Heinz Drache (LA PORTE AUX SEPT SERRURES) et Eddi Arent (LA GRENOUILLE ATTAQUE SCOTLAND YARD). Surtout, on retrouve Klaus Kinski (L'ETRANGE COMTESSE), dont le début de la carrière doit beaucoup à cette série. Toutefois, dans CIRCUS OF FEAR, il ne tient qu'un rôle assez mineur, bien qu'assez halluciné et hallucinant. Tourné en Grande-Bretagne, on y retrouve aussi de nombreux acteurs anglais, parmi lesquels Christopher Lee qui porte un masque sur quasiment toute la durée du métrage. Ce dernier avait déjà eu l'occasion de croiser Klaus Kinski dans des "Wallace" allemands (par exemple dans DAS RATSEL DES ROTEN ORCHIDEE, alias L'ORCHIDEE ROUGE en Belgique). L'inspecteur Elliott est incarné par Leo Genn (HENRY V de Laurence Olivier, LE TRÔNE DE FEU de Franco...), tandis qu'on reconnaît d'autres visages britanniques : Suzy Kendall (L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL de Dario Argento), Skip Martin (LE MASQUE DE LA MORT ROUGE de Roger Corman), Cecil Parker (TUEURS DE DAMES)...
A Londres, une bande de malfaiteurs parvient à réaliser l'impensable. En appliquant méticuleusement un plan d'une grande précision, ils réussissent à arrêter, sur le Tower Bridge, un camion convoyant des fonds très importants. Puis, ils neutralisent son escorte policière, et fuient avec leur butin à bord d'un canot à moteur, sur la Tamise ! Ce coup spectaculaire ne s'est pourtant pas fait sans entourloupe, et un policier a été abattu dans la mêlée par le voleur Mason. Les gangsters se séparent, tandis que Mason est chargé d'apporter au commanditaire du casse une valise remplie de billets subtilisés. Le gangster s'exécute. Mais il est assassiné sur le lieu de rendez-vous par un personnage mystérieux. L'argent qu'il transportait disparaît. Peu de temps après, Scotland Yard parvient à remonter la piste de certains billets volés, dépensés, semble-t-il, par des membres du cirque Barberini. L'inspecteur Elliott se fait alors passer pour un photographe afin d'infiltrer la troupe. Sous le chapiteau, tous les artistes du spectacle semblent avoir un comportement insolite : le lanceur de couteau jaloux de sa femme, le mystérieux dompteur masqué, le suspicieux Monsieur Loyal, le nain indiscret...
L'Allemagne des années 1950 avait assisté à la renaissance de son cinéma sous plusieurs formes. Des sujets de l'entre-deux guerres refont surface, comme l'opérette, l'aventure exotique, ou même les méfaits du Dr. Mabuse (à partir du DIABOLIQUE DOCTEUR MABUSE de Fritz Lang en 1960). Des genres nouveaux apparaissent aussi, grâce à des succès inattendus : LE TRÉSOR DU LAC D'ARGENT de Harald Reinl, en 1962, amorce une série de westerns qui incitera l'Italie à se lancer sur cette voie, avec le succès qu'on sait ; LA GRENOUILLE ATTAQUE SCOTLAND YARD de 1959, toujours de Harald Reinl, d'après un texte d'Edgar Wallace, entraîne le lancement d'autres adaptations des romans de cet auteur britannique.
Les oeuvres du prolifique écrivain (et dans une moindre mesure celle de son fils Bryan Edgar Wallace) vont être adaptées, essentiellement en Allemagne, durant toutes les années 1960, avec une moyenne de trois films par an, la plupart produits par Rialto films. Mêlant intrigue policière, ambiance londonienne étrange, meurtres, léger érotisme et détails insolites, ils triompheront en Allemagne et auront une certaine influence en Europe, notamment en Italie où ils donneront des idées à un certain Mario Bava lorsqu'il réalisera ses premiers giallos LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP et SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN.
CIRCUS OF FEAR a la particularité d'avoir été filmé en Grande-Bretagne, en décor naturel et dans les studios de Bray, bien connus pour avoir abrité de nombreux tournages de la Hammer. Partiellement financé par des allemands, on y retrouve, comme on l'a vu, des acteurs germaniques habitués de la série des "Wallace". Il a parfois été affirmé qu'il existerait deux versions de CIRCUS OF FEAR : une anglaise et une allemande, mais c'est en fait inexact. C'est bien le même film qui est sorti dans les deux pays. Toutefois, en Allemagne, le générique de CIRCUS OF FEAR n'attribuera pas sa réalisation à John Llewellyn Moxey, mais à Alfred Vohrer, réalisateur régulier des "Wallace" allemands, qui n'a toutefois pratiquement rien fait sur ce tournage.
PS : A titre de bibliographie complémentaire, il est recommandé de consulter l'excellent fanzine "Monster Bis" consacré aux "Edgar Wallace" d'outre-Rhin, ainsi que le dossier "Le cirque au cinéma" publié, en trois parties, dans les "Fantastyska" numéros 18, 19 et 20. Ces magazines sont actuellement toujours disponibles chez leur éditeur.
Quoi qu'il en soit CIRCUS OF FEAR est avant tout un thriller, basé sur un récit purement policier. Pourtant, son sens du détail insolite et délirant (le dompteur masqué, les farces du clown, les assassinats au couteau lancé...) le font nettement pencher vers une ambiance doucement surréaliste et étrange. Évidemment, cette atmosphère fantastique est encore soulignée par le cadre du cirque dans lequel se déroule la plupart de l'intrigue. Faisant cohabiter des personnalités hautes en couleurs et au passé mystérieux, ce lieu est à la fois festif et dangereux. En effet, tous les accidents "malheureux" et spectaculaires sont susceptibles d'y avoir lieu. Cet environnement avait déjà inspiré le cinéma d'horreur britannique avec LE CIRQUE DES HORREURS de Sidney Hayers, de 1959, dans lequel Anton Driffing incarnait un chirurgien criminel se faisant passer pour un directeur de cirque. Toujours en Angleterre, Jim O'Connolly tournera LE CERCLE DE SANG, une production de Herman Cohen sortie en 1967, dans laquelle des assassinats sanglants endeuillent un cirque où travaillent Michael Gough et Joan Crawford. Enfin, la Hammer s'y colle en 1972, avec le gothique CIRQUE DES VAMPIRES de Robert Young, film dont le titre donne une idée assez juste du contenu.
CIRCUS OF FEAR fonctionne avant tout grâce à un scénario remarquablement ficelé, rédigé par le producteur Harry Alan Towers lui-même sous le pseudonyme de Peter Welbeck. L'action nous fait d'abord suivre le point de vue des gangsters, puis celui de Scotland Yard. Dans les deux cas, le mystère reste bien difficile à démêler. Les artistes du cirque semblent tous cacher de lourds secrets, ce qui donne lieu à d'habiles développements et à une intrigue policière très riche.
Ce film bénéficie aussi d'autres qualités tout à fait remarquables. De nombreux personnages se croisant, le casting propose un ensemble de prestations variées, mais néanmoins d'un niveau de qualité toujours élevé. La réalisation très dynamique sait se faire mystérieuse ou nerveuse dans des tours de force impressionnants. La variété des décors est étonnante. Ainsi, l'attaque du fourgon blindé, tournée sur le véritable Tower Bridge et mettant en scène de surprenantes cascades, évoque les meilleurs albums de "Blake et Mortimer". Qui plus est, une grande part du métrage a été tournée avec l'aide d'un véritable cirque, dans les locaux où la troupe s'installait en hiver. De nombreux numéros spectaculaires (parfois extraits de stock shots), mettant en scène d'authentiques animaux ou artistes de music hall, enrichissent donc le métrage, tandis que la photographie restitue magnifiquement le superbe univers coloré et artificiel de ce cirque de la peur.
Certes, CIRCUS OF FEAR ne cherche pas à révolutionner le cinéma policier, et encore moins le cinéma tout court. Il n'a pas la prétention de délivrer des "messages" transcendants, et ses personnages restent des archétypes. Il ne vise en fait qu'à proposer un suspens divertissant.
Et sur ce plan-là, Moxey remplit tout à fait son contrat. Équilibrant remarquablement, dans l'enquête, action et dialogues, CIRCUS OF FEAR est un bon film policier, qui mérite tout à fait d'être découvert, surtout en France où il est inédit. Qui plus est, il a parfois été présenté aux USA dans une version tronquée et en noir et blanc. Cette édition permet la large diffusion de ce titre dans sa version la plus complète, en reprenant un négatif de la version britannique, auquel ont été ajoutées huit minutes de séquence jusqu'ici inédites !
Il va sans dire que tout cela enterre les éditions bâclées que proposaient auparavant des éditeurs "économiques". Blue Underground propose en effet CIRCUS OF FEAR (multizone et NTSC) dans un DVD en tous points digne des précédentes réalisations de cette compagnie. Il est notamment disponible au sein du coffret "Christopher Lee", accompagné par trois autres titres interprétés par la star de l'horreur : THE BLOOD OF FU MANCHU ; THE CASTLE OF FU MANCHU et LE TRÔNE DE FEU. Tous trois réalisés par Jesus Franco, ils sont, comme CIRCUS OF FEAR, produits par Harry Alan Towers.
L'image est proposée en 16/9, dans un cadrage 1.66. Certes, la copie n'est pas toujours impeccable (quelques saletés, des plans sombres parfois anormalement granuleux). Mais le travail numérique sur l'image est, comme toujours chez cet éditeur, d'une qualité irréprochable, que ce soit dans le rendu des lumières, de la définition, du grain argentique ou, surtout, des couleurs, absolument magnifiques.
Le son est proposé en anglais, en mono codé sur deux canaux. Certes, il y a un peu de distorsion, mais le tout est d'une clarté et d'un dynamisme admirables, facilitant agréablement la compréhension des dialogues. Hélas, on ne trouve aucun sous-titrage.
La section bonus est très correctement étoffée. On a accès à un commentaire audio par le réalisateur John Moxey, intéressant et sympathique, malgré une assez grande quantité de blancs. On peut consulter les bandes-annonces internationales (CIRCUS OF FEAR) ou américaines (PSYCHO-CIRCUS), en couleurs ou en noir et blanc, au choix ; elles révélent des informations importantes et il est recommandé de ne pas les regarder avant de visionner le film. Une belle galerie propose des affiches de cinéma, des photographies de plateau ainsi que des vues détaillées des dossiers de presse anglais et américain. Des bio-filmographies soignées sont consacrées à Klaus Kinski et Christopher Lee.
Réussite méconnue du cinéma britannique des années 1960, CIRCUS OF FEAR mérite largement l'attention des amateurs de cette école. Ce bon thriller à l'ambiance insolite s'apprécie d'autant plus qu'il bénéficie, ici, d'une édition d'un très bon niveau. Toutefois, la première sortie de ce DVD donne lieu à quelques soucis. Un petit stock d'exemplaires est défectueux et bloque les lecteurs de DVD. Si vous faites partie des malchanceux qui tombent sur l'un de ces exemplaires, Blue Underground offre le remplacement du disque défaillant...