Le jour de son embauche dans un entrepôt médical, le jeune Freddy, accompagné par son oncle, découvre de vieux containers abandonnés par l'armée. En s'en approchant d'un peu trop près, les deux compères libèrent par erreur un gaz toxique ayant la particularité de ramener les morts à la vie. Rapidement le gaz se propage vers un cimetière voisin…
S'il est un homme dont la carrière est toute entière vouée au cinéma fantastique, c'est bien Dan O'Bannon. Principalement connu pour ses qualités de scénariste (ALIEN, TOTAL RECALL, LIFEFORCE…), il se destine pourtant originellement à la mise en scène. Sur les conseils de ses pairs, il s'essaie à plusieurs disciplines (montage, comédie, effets spéciaux) avant de se découvrir une véritable fibre scénaristique. Son premier travail d'écriture professionnel, il l'effectue avec John Carpenter qu'il rencontre pendant ses études de cinéma. Ensemble ils bricolent DARK STAR (1974), space-opera cheap et délirant, devenu culte. Une belle façon d'entrer de plain-pied dans le cinéma fantastique !
Déçu de ne pouvoir réaliser les projets qui lui tiennent à cœur (ALIEN), O'Bannon laisse provisoirement de côté la mise en scène au profit de l'écriture. Ce n'est qu'au milieu des années 80 qu'il passe enfin le cap avec LE RETOUR DES MORTS VIVANTS. A l'écran le résultat est convaincant. Comme souvent quand les scénaristes passent à la réalisation, O'Bannon fait preuve de rigueur et d'un vrai sens du rythme. Une mise en scène sobre, avare en effets de caméra, qui met en avant l'histoire et les personnages. A l'aide d'un casting adéquat et d'un excellent travail de maquillage (sous la direction artistique de William Stout), Dan O'Bannon réussit à se départir d'un budget très limité.
Prévu originellement pour Tobe Hooper, le projet est proposé à O'Bannon sous la forme d'un scénario de John Russo (co-auteur de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS). LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS est à l'époque conçu comme une suite directe au chef d'œuvre de George Romero. Inquiet à l'idée de marcher sur les plates-bandes du Maître, O'Bannon réécrit le script en l'orientant plus clairement vers la comédie. Il conserve toutefois le principe de base des films de Romero (des gens enfermés dans une maison encerclée par des zombies) ainsi qu'une filiation plus directe (on apprend au détour d'un conversation que LA NUIT DES MORTS-VIVANTS est adaptée d'un fait divers réel survenu à Pittsburgh). L'hommage rendu, O'Bannon peut dès lors se démarquer du modèle.
Exit donc le style documentaire et sec de Romero. Couleurs vives, dialogues percutants, militaires obstinés contre scientifiques hystériques. A la lenteur pesante et hypnotique de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, O'Bannon préfère le rythme effréné des «screwball comedies» d'Howard Hawks et des cartoons de Tex Avery. Tout le monde court, crie, glisse, hurle ! Le ton est donné dès la première image : un carton nous explique que les faits présentés dans le film sont réels et que les noms des personnes et des lieux n'ont pas été changés. Le même procédé est utilisé au début de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE. Mais si dans ce cas le subterfuge participe du parti pris naturaliste du film, il n'en va pas de même pour LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS. L'effet est même totalement inverse. Les détails farfelus s'accumulent au fil des péripéties des protagonistes, à commencer par le cimetière judicieusement nommé «Résurrection».
Mais ne vous y trompez pas, ces touches d'humour décalé ne réduisent pas le film à une comédie potache tout public. O'Bannon n'oublie pas de nous faire peur et ne craint pas non plus la violence graphique. Coups de pioche dans la tête, démembrements, attaques de zombies en masse… Horreur et humour y sont si bien associés qu'il est délicat de cataloguer le film dans un genre plutôt que dans l'autre. Loin d'adoucir le propos, l'humour rend la violence encore plus étonnante. Ces zombies farceurs qui se vautrent en sortant de leur tombe sont loin d'être inoffensifs ! Il est vrai que lorsqu'il s'agit de manger de la cervelle humaine, les morts-vivants se montrent beaucoup moins maladroits… Ainsi cette scène de carnage anthologique dans laquelle un non-mort attrape la radio d'une ambulance pour demander «d'envoyer des renforts». L'humour apporte une distance vis à vis des personnages et place le spectateur dans l'expectation jouissive d'un jeu de massacre.
Sous ses allures de franche rigolade, LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS est presque plus noir que ZOMBIE ou DAY OF THE DEAD sorti la même année. Contrairement à ces deux films de George Romero, aucune lueur d'espoir ne traverse le récit à aucun moment. Et le final apocalyptique en témoigne, à l'image des graffitis «No Future» inscrits sur la voiture des protagonistes. Il faut dire que le film est le fruit de son époque. On s'en aperçoit d'ailleurs dès les premières notes de musique électronique du générique : Nous sommes bien dans les années 80 !
Le look global du film est en effet assez marqué «eighties» (les jeunes punks semblent tout droit sortis d'un film de John Waters), cela dit il n'en pâtit pas vraiment avec l'âge, dans la mesure où cela va de paire avec le style caricatural de l'ensemble. Si le film est bien représentatif de son époque c'est aussi par sa noirceur et son cynisme. Les années 80 voient en effet apparaître des oeuvres pessimistes telles que BRAZIL ou 1984. C'est aussi le développement tonitruant de la firme Troma, du cinéma de Sam Raimi, et bientôt de celui de Peter Jackson. Tous ces films qui repoussent les limites du bon goût et mélangent les genres à la sauce Trash célèbrent à leur manière la fin d'une époque florissante hollywoodienne. De même qu'aujourd'hui SCREAM et SCARY MOVIE finissent d'enterrer le «slasher movie», le film de Dan O'Bannon annonce à sa façon la mort (provisoire) du film d'horreur «traditionnel», au profit de petites productions déjantées.
Le film accouchera d'ailleurs de deux suites en 1988 et 1993. La première, de Ken Wiederhorn (LE COMMANDO DES MORTS-VIVANTS) tente de reprendre les ingrédients d'O'Bannon et tombe dans tous les pièges évités par l'original. La seconde, plus intéressante est signée Brian Yuzna (SOCIETY, RE-ANIMATOR 2...) et offre une variation morbide de Roméo et Juliette. Deux autres opus sont actuellement en préparation sous la houlette de Tobe Hooper (une façon de boucler la boucle). Le regain d'intérêt pour le film de zombies étant probablement dû au succès récent de RESIDENT EVIL…
L'édition Zone 1 éditée par MGM du RETOUR DES MORTS-VIVANTS présente le film dans son format cinéma (1:85) mais aussi en version recadrée 4/3 (1.33). La qualité d'image est perfectible (notamment dans certaines séquences de nuit) mais affiche de belles couleurs saturées et globalement le rendu est satisfaisant. Côté son, il faut se contenter de deux version mono : anglaise et espagnole. Voilà qui est pauvre mais qui ne nuit en aucun cas à la bonne vision du film (la bande sonore ne se prête pas nécessairement à une débauche d'effets surround).
Notons tout de même que la bande sonore originale a été modifiée. Certains morceaux musicaux ont ainsi disparu au profit d'autres alors qu'une voix a été remplacée. Les raisons de ce changement restent floues, Dan O'Bannon aurait exprimé l'envie de modifier la bande-son dont il n'était pas content (certaines voix…) alors que d'un autre côté, il semblerait que des problèmes de droits sur certains des titres musicaux soient à l'origine des changements. La piste sonore reste agréable mais les puristes pourront être surpris par ces modifications !
Malgré l'absence totale de sous-titres, les bonus s'avèrent intéressants : Passons sur la série de bandes annonces et de spots télé de qualité assez médiocre, pour nous intéresser au commentaire audio et à la featurette «Designing the Dead». Cette courte interview (environ 13 minutes) nous permet de rencontrer deux des principaux maîtres d'œuvre du film : Dan O'Bannon et William Stout (à l'origine du look des zombies et du décor). Outre les quelques anecdotes sur la fabrication du film, c'est surtout l'entrain et l'humilité des deux compères qui font plaisir à voir. L'œil perpétuellement allumé, Dan O'Bannon nous fait part de ses déceptions vis à vis de certains effets spéciaux, de ses frustrations dues au manque de budget. Malgré quelques réticences concernant le produit fini, on sent qu'O'Bannon a une grande tendresse pour son film et même une relative fierté. William Stout (qui a notamment travaillé sur le design de CONAN LE BARBARE) commente quelques-uns de ses superbes dessins préparatoires avec une ferveur adolescente. Pour les fans de story-boards on trouve également sur le disque une série de dessins préparatoires signés Stout (principalement le découpage des scènes d'action).
On retrouve les deux compères et leur enthousiasme pour un commentaire audio amusant et plutôt informatif. Des éléments de décor aux comédiens en passant par les effets spéciaux, les deux collaborateurs ne manquent jamais de saluer le talent de ceux qui ont participé au film. Pas prétentieux pour un sou, Dan O'Bannon revient souvent sur ses choix de mise en scène, expliquant pourquoi tel effet fonctionne et tel autre moins. Une attitude décontractée et bon enfant qui fait regretter la désaffection d'Dan O'Bannon pour la mise en scène (il n'a réalisé que deux films à ce jour).
En bref : horreur, humour et rythme effréné donnent au RETOUR DES MORTS-VIVANTS une place de choix dans la DVDthèque de tout amateur de fantastique aux côtés de RE-ANIMATOR et BRAINDEAD. Des films qui rappellent que le cinéma de divertissement peut être rigoureux sans jamais se prendre au sérieux.