Le Nostromo est un navire spatial commercial spécialisé
dans l'acheminement de minerai. Alors que l'équipage du vaisseau
est en plein sommeil cryogénique suite au long voyage de retour
sur Terre, l'ordinateur de bord prend l'initiative de les réveiller
à mi-chemin après réception d'un message d'origine
inconnue. Obligé de se souscrire à une clause de recherche
scientifique sur les formes de vie étrangères, les membres
d'équipage se rendent sur la planète originaire de l'émission
pour enquête. Ils y ramèneront malgré eux un prédateur
hyper agressif, qui décimera un à un les occupants du
Nostromo.
Y'a-t-il encore des spectateurs qui ne connaissent pas le film de Ridley Scott ? Non seulement ce dernier est l'un des chef-d'uvres les plus marquants du fantastique, mais en plus il s'agit peut-être de l'un des films les plus copiés du genre. On ne compte plus en effet les traques spatiales à base d'extra-terrestres belliqueux qui ont nourri la série B (et surtout Z) pendant de longues années. Pourquoi autant de décalques ? Tout simplement parce qu'ALIEN est avant tout un concept malin avant même d'être "une histoire". En ramenant le film de monstre dans l'univers de la science fiction, le film de Scott propose une alternative rafraîchissante et surtout intéressante budgétairement, puisqu'elle implique un casting très réduit et seulement une poignée de décors.
Vouloir poser ALIEN comme l'origine d'un véritable sous-genre reviendrait néanmoins à commettre une erreur. Car le film de Ridley Scott est lui aussi sous influence. On cite régulièrement LA PLANETE DES VAMPIRES de Mario Bava comme étant la matrice d'ALIEN. Si les avis divergent quant à cette affirmation, il est amusant de constater qu'ALIEN est peut-être le premier film à avoir subi une parodie avant même d'avoir vu le jour. Camarade de classe de John Carpenter, le scénariste Dan O'Bannon huilait déjà les boulons du script d'ALIEN sur DARK STAR, le film de fin d'année du futur réalisateur d'HALLOWEEN. En jouant un astronaute crétin aux prises avec un extraterrestre en forme de ballon de plage dans des conduits d'aération, O'Bannon offrait à son histoire un galop d'essai qui se transformera en pastiche rétroactif puisque DARK STAR est antérieur de 5 ans au film de Scott. A noter que le script définitif d'ALIEN est cosigné par le complice Ronald Shussett, que l'on retrouvera avec O'Bannon à la rédaction de TOTAL RECALL ou encore de la petite mais excellente production horrifique REINCARNATIONS.
Revoir le film aujourd'hui en DVD revient à constater à quel point le métrage traverse les années sans perdre une seule fraction de son impact. On aura même finalement rarement vu un film où s'équilibrent aussi brillamment la part "réaliste" et la part "fantaisiste" dans un film qui invite dans un cadre de science fiction un monstre de film d'horreur. L'univers d'ALIEN est ainsi totalement soumis au détail et à la cohérence. Le Nostromo est une réplique spatiale d'un cargo commercial où chaque membre de l'équipage a un travail clairement défini (et finalement peu éloigné des exigences contemporaines). Le film verse dans un rétro futur audacieux où le clinquant de la modernité est ici étouffé sous une fonctionnalité usée par la patine du temps. Quant à la planète inconnue visitée dans le premier tiers du film, elle est soumise à une instabilité météorologique inhérente aux planètes dites sauvages.
Si cette exigence d'univers permet à ALIEN de rester pertinent face au poids des ans, il faut reconnaître que c'est malgré tout l'aspect fantastique qui traumatisa ses spectateurs. On veut bien entendu parler du monstre, un véritable chef-d'uvre de design, que l'on doit au peintre suisse Giger. Si l'artiste est aujourd'hui mondialement connu, c'est avant tout grâce à cette créature qui deviendra immédiatement la mascotte du sombre univers bio mécanique de son auteur. Sa prestance dans le film est bien entendu démultipliée par son très déroutant cycle de vie, qui se doit de trouver un hôte afin d'acquérir sa forme définitive. On se gardera bien de décrire ce mécanisme pour ne pas gâcher la monumentale surprise de la scène du repas aux spectateurs n'ayant peut-être pas encore découvert le film.
Bien que disposant d'une des plus belles créatures du monde, ALIEN ne cède pourtant jamais à la complaisance. Au lieu de filmer son monstre sous toutes les coutures, Ridley Scott choisit de ne jamais la montrer frontalement, préférant jouer sur un découpage ne nous donnant jamais à voir la créature dans son entier. En nous empêchant de la contempler, le cinéaste met le spectateur dans l'impossibilité d'apprivoiser de son regard la menace et nous condamne ainsi à violemment sursauter à chacune des apparitions chocs. Cette admirable mécanique de la peur est d'autant plus renforcée que le film n'offre absolument aucune échappatoire à ses personnages ou à ses spectateurs. Car au fond, quel est le plus effrayant dans ALIEN ? Le monstre ou bien les couloirs sans fin du Nostromo ? La peur de mourir ou bien de supporter une existence dans ce futur froid et déshumanisé ?
On pourrait encore continuer
longtemps sur ALIEN tant le film se révèle riche.
On a beaucoup parlé de la patte de Giger
mais il faut aussi souligner l'excellent apport d'autres cadors du design
pour les différents environnements du métrage : Ron
Cobb (CONAN
LE BARBARE, ABYSS,
TOTAL RECALL)
pour les intérieurs du Nostromo, le dessinateur Moebius
alias Jean Giraud
(TRON,
les bandes dessinées de L'Incal et Blueberry) pour les costumes,
et Chris Foss
(l'un des peintres de science fiction les plus reconnus) pour le dessin
des vaisseaux spatiaux. En réponse à cet univers visuel
hyper pointu, ALIEN se base également sur des personnages
parfaitement définis, servis il est vrai par des comédiens
de grand talent. Loin de la caricature, le cachet "adulte"
de la psychologie de groupe du film est pour beaucoup aujourd'hui dans
son aura de classique du genre, voire de classique tout court. Instigateur
d'une franchise "de luxe", ALIEN possède à
ce jour quatre séquelles signées par différents
cinéastes à l'univers personnel (visuel) parmi les plus
remarqués : James
Cameron, David
Fincher et notre Jean-Pierre
Jeunet national.
Le DVD de la collection Angoisse est bel et bien le même disque proposé en rayon depuis quelques temps. Au programme, une image nickel et des remix en 5.1 (efficaces) en français ou en version originale (le tout étant certifié THX). Du tout bon si l'on prend en compte le fait que le film a plus de vingt ans. Question bonus, le disque se révèle particulièrement riche et risque de réserver de sacrées surprises aux fans du film de Scott.
Le DVD propose plusieurs pistes audio alternatives, et pas des moindres. Pour commencer, un commentaire audio de Ridley Scott invite l'usager à une véritable leçon de cinéma. Tour à tour théorique (comment faire durer le suspens, comment exacerber l'action par les effets sonores), pratique (comment tourner dans des décors incomplets), tantôt anecdotique (la mise en condition des comédiens avant la scène gore du repas), l'intervention de Scott est tout simplement indispensable. Et si le menu du disque propose un heureux chapitrage du commentaire selon les thèmes abordés, on regrettera amèrement que ce dernier ne soit pas sous-titré. Une omission impardonnable qui fera passer les non-anglophones à côté de cet excellent travail d'analyse.
L'édition propose également deux autres pistes audio alternatives consacrées à la musique d'ALIEN. L'une permet de suivre le film avec la musique isolée telle qu'elle apparaît dans le métrage, tandis que l'autre présente le travail original du compositeur avant modification par la production. Les fans de Jerry Goldsmith seront aux anges de découvrir des portions inédites du travail du maître, comme ce thème d'ouverture alternatif assemblé depuis des éléments sonores du film.
Les surprises tant promises sont réunies dans les scènes coupées et les Outtakes du film. De ces chutes de scènes abandonnées en salle de montage (avant tout des séquences de dialogues et d'approfondissements psychologiques pertinents mais ralentissant le rythme général), on peut dégager deux moments à ne pas louper. Le premier nous montre une version longue de l'agression de Lambert par un Alien, filmée de manière beaucoup plus ample que dans le reste du film. Si nous avons désormais l'occasion d'admirer le monstre dans son ensemble, force est de constater que le mythe en prend un coup : la présence du comédien dans le costume devient trop évidente pour que l'effet fonctionne. On comprend mieux d'un coup le pourquoi du découpage de Scott à l'encontre de sa créature.
Autre gros morceau des scènes coupées, la découverte de Dallas par Ripley lors du (semi) final. Laissé mort dans les conduits d'aérations, nous retrouvons ici le capitaine du Nostromo englué dans le garde-manger du monstre, implorant la mort devant une Ripley décontenancée. Ambitieuse visuellement, cette scène est restée célèbre surtout parce qu'elle contient des informations inédites sur le cycle de reproduction de la créature. Il est intéressant de les découvrir ici, notamment parce qu'elles diffèrent totalement de la direction optée plus tard par James Cameron sur ALIENS.
Pour achever la section, le disque offre des bandes annonces, de très copieuses (et indispensables) galeries de photos de productions et d'artwork, ainsi que l'intégralité du film selon le story-board dessiné par les propres mains du cinéaste. Pour les téméraires, sachez qu'il y a deux bonus cachés à trouver dans les menus du disque. Ces derniers donneront accès à des informations textes sur le cycle biologique du monstre ou sur les membres de l'équipage du Nostromo.
La collection Angoisse, distribuée dans les kiosques, a aussi la particularité de proposer un fascicule dédié au film mais aussi à son thème principal et à l'équipe du film. Par exemple, le fascicule de ALIEN nous dresse un rapide portrait des extraterrestres agressifs ou amicaux au cinéma. En raison d'une faible pagination, le sujet est loin d'être exhaustif mais permettra une première approche pour le neophyte. Toutefois, il faut noter des erreurs comme la présence du CHOC DES MONDES dans une liste d'envahisseurs hostiles alors que le film ne contient aucun extraterrestre ! Ce fascicule en profite pour indiquer quelques erreurs du film ou les chiffres du box-office. Enfin, une reproduction de l'affiche originale, petit format, se retrouve en page centrale. Celle de ALIEN est un peu floue mais devrait tout de même égayer un mur sans devoir débourser une grosse somme d'argent pour l'achat d'une affiche originale d'époque.
Chef-d'uvre indiscutable, premier opus d'une franchise haut de gamme mais aussi inspirateur de tout un pan du genre, ALIEN est une pièce maîtresse du fantastique. Impossible à contourner, l'acquisition en DVD est donc indispensable. La réédition du titre à petit prix ne fournit désormais plus la moindre excuse à moins que l'on décide d'attendre encore un peu la sortie du coffret "ultime" regroupant neuf disques autour des quatre films de la série.